Abstract
Généralement traité par la bande ou scruté à l’aide d’un nombre de documents assez restreint, l’Ordre des Chevaliers du travail au Québec échappe encore et toujours à la compréhension des spécialistes. L’image que les historiens, sociologues et experts en relations industrielles ont pu en livrer a entraîné des appréciations très négatives : l’aile québécoise de la centrale syndicale américaine étant montrée comme un mouvement utopiste, trop éloigné des besoins immédiats des travailleurs et de la réalité du monde industriel. À renfort de nouvelles sources, nous présentons un portrait tout autre de son cheminement organisationnel. Non seulement l’expérience des chevaliers québécois est-elle tout à fait remarquable, mais elle façonnera une génération de travailleurs et probablement davantage. Dans le paysage le plus laborieux et capricieux du Canada, Montréal, ils ont entamé une collaboration intense entre francophones et anglophones. Cherchant à construire un rapport de force sur le terrain, ils ont privilégié le syndicalisme de métier, tout en expérimentant avec le syndicalisme industriel à une échelle insoupçonnée par l’historiographie. Ouverts aussi aux immigrants de l’Europe du Sud et de l’Est, de même qu’aux femmes, les chevaliers dérangèrent donc l’ordre existant. C’est pourquoi, plus que tout autre mouvement syndical québécois avant lui, l’Ordre affronta l’hostilité du clergé catholique. Toutefois, le catholicisme joua également dans le sens contraire lorsque, suite à la diffusion de Rerum Novarum, les ouvriers s’inspirèrent de la légitimité offerte à l’organisation du travail pour relancer le mouvement dans les années 1890.
Because it has been generally studied superficially or examined using a fairly small number of documents, the Order of the Knights of Labor in Quebec again and again escapes the understanding of experts. The picture historians, sociologists and industrial relations experts were able to deliver resulted in very negative assessments: the Quebec wing of the American trade union center is viewed as an utopian movement, too far from the immediate needs of workers and the reality of the industrial world. Using a wide variety of new sources, we present an entirely new portrait of its organizational structure and course. Not only is the Quebec Knights’ experience remarkable, but it also shaped a generation of workers and probably more. In the most laborious and capricious Canadian landscape, Montreal, they began an intense collaboration between Francophones and Anglophones. Seeking to strengthen labor’s power, they focused on craft unionism, while experimenting with industrial unionism on a scale unimagined by historiography. Also open to immigrants from Southern and Eastern Europe, as well as to women, the Knights thus challenged the existing order. That is why, more than any other Quebec labor movement that preceded it, the Order faced the Catholic clergy’s hostility. However, Catholicism also played in the opposite direction when, following the release of Rerum Novarum, workers were inspired by the legitimacy given to labour organization and revived the movement in the 1890s.