Labour / Le Travail
Issue 83 (2019)

Abstracts / Résumés

“Canada Needs All Our Food-Power”: Industrial Nutrition in Canada, 1941–1948

Eric Strikwerda

This article examines the political economy of nutrition as a state-sponsored strategy to extract greater productivity from industrial workers in both wartime and peacetime. During World War II, the state, together with its munitions-industry allies, broadly considered workers’ nutritional health as a critical component to achieving maximum wartime industrial production. Following the war, both the state and industry imagined the nutritional health of workers’ bodies as crucial to Canada’s postwar prosperity. Facilitating as well as frustrating these largely state-directed nutrition agendas was a combination of medico-scientific knowledge, the sometimes uncertain and unpredictable participation of both employers and workers, and wider national and international historical contexts.

Cet article examine l’économie politique de la nutrition en tant que stratégie parrainée par l’État pour accroître la productivité des travailleurs industriels, en temps de guerre comme en temps de paix. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, l’État et ses alliés de l’industrie des munitions ont largement considéré la santé nutritionnelle des travailleurs comme un élément essentiel pour parvenir à une production industrielle maximale en temps de guerre. Après la guerre, l’État et l’industrie ont tous deux estimé que la santé nutritionnelle des corps des travailleurs était essentielle à la prospérité du Canada d’après-guerre. Faciliter mais aussi frustrer ces programmes nutritionnels largement dirigés par les États était une combinaison des connaissances médicales et scientifiques, une participation parfois incertaine et imprévisible des employeurs et des travailleurs, et des contextes historiques nationaux et internationaux plus vastes.

The Struggle for Rights at Work: The United Electrical Workers, Contract Enforcement, and the Limits of Grievance Arbitration at Canadian General Electric and Westinghouse Canada, 1940s to 1960s

Jeffery Taylor

For decades Canadian trade unionists have expressed frustration with the grievance arbitration system, but this tends to be limited to criticisms of the legalistic nature of the process and the costs and delays involved in getting a judgement. There is little discussion or debate about the denial of the right to strike, which is the central feature of the system. Nor is there much discussion about approaches to contract enforcement that situate legal strategies in broader political strategies to use worker power effectively, including the withdrawal of labour. This study investigates how the United Electrical Workers (ue), a left-led union, defended workers’ rights at Canadian General Electric (cge) and Westinghouse in the early years of the new legal regime. Specifically, it charts the North American origins of grievance arbitration systems, sketches the development of personnel policies in the electrical industry, surveys the ue Canadian district’s struggle to establish contractual relations and codify workplace rights at these two corporations, reconstructs the elements of ue’s approach to contract enforcement, and reviews a number of mid-contract work stoppages at cge and Westinghouse between 1946 and 1966 to determine how the union, workers, employers, and arbitrators negotiated the ban on grievance strikes as they adjusted to new legislation and new collective agreement language.

Pendant des décennies, les syndicalistes canadiens ont exprimé leur frustration à l’égard du système d’arbitrage des griefs, mais cela tend à se limiter aux critiques sur la nature légaliste du processus, ainsi que sur les coûts et les retards liés à l’obtention d’un jugement. Il y a peu de discussions ou de débats sur la dénégation du droit de grève, qui est la caractéristique centrale du système. Il n’y a pas non plus beaucoup de discussions sur les méthodes d’application des contrats qui situent les stratégies juridiques dans des stratégies politiques plus larges pour utiliser efficacement le pouvoir des travailleurs, y compris le retrait du travail. Cette étude examine comment le United Electrical Workers (ue), un syndicat dirigé par la gauche, a défendu les droits des travailleurs chez Canadian General Electric (cge) et Westinghouse dans les premières années du nouveau régime juridique. Plus précisément, elle retrace les origines nord-américaines des systèmes d’arbitrage des griefs, esquisse le développement des politiques du personnel dans l’industrie électrique, passe en revue les difficultés rencontrées par le district canadien de l’ue pour établir des relations contractuelles et codifier les droits du travail dans ces deux entreprises, reconstruit les éléments de l’approche de l’ue à l’exécution des contrats et examine un certain nombre d’arrêts de travail à mi-contrat chez cge et Westinghouse entre 1946 et 1966 pour déterminer comment le syndicat, les travailleurs, les employeurs et les arbitres ont négocié l’interdiction des grèves de grief à mesure qu’elles s’adaptaient à la nouvelle législation et au nouveau libellé de la convention collective.

More Dangerous Than Many a Pamphlet or Propaganda Book: The Ukrainian Canadian Left, Theatre, and Propaganda in the 1920s

Kassandra Luciuk

For Ukrainian Canadian leftists, the 1920s represented a golden age of domestic cultural production. The strict hierarchy that constituted the communist movement in the 1930s was not yet extant, and the realm of possibilities was limited only by the imagination of the organization itself. The material produced in this period was neither crass agitprop nor cheap melodrama. Rather, it was bottom-up expressions of proletarian high culture and organic reflections of the social, economic, and political realities that constituted the experiences of Ukrainian progressives in Canada. As such, in the 1920s, the theatre served as the movement’s most effective vehicle for political propaganda and ethnocultural instruction.

Pour les gauchistes ukrainiens canadiens, les années 1920 représentaient l’âge d’or de la production culturelle nationale. La stricte hiérarchie qui constituait le mouvement communiste dans les années 1930 n’était pas encore existante et le domaine des possibilités n’était limité que par l’imagination de l’organisation elle-même. Le matériel produit à cette époque n’était ni grossier agitprop ni bon mélodrame. Il s’agissait plutôt d’expressions ascendantes de la haute culture prolétarienne et de réflexions organiques sur les réalités sociales, économiques et politiques qui constituaient les expériences des progressistes ukrainiens au Canada. En tant que tel, dans les années 1920, le théâtre constituait le moyen le plus efficace du mouvement pour la propagande politique et l’instruction ethnoculturelle.

“Maybe We Shouldn’t Laugh So Loud”: The Hostility and Welcome Experienced by Foreign Nurses on Temporary Work Permits in Nova Scotia, Canada

Shiva Nourpanah

My research explores the labour conditions experienced by foreign nurses employed in health care in the province of Nova Scotia, Canada, on temporary permits. I draw on ethnographic interviews to understand the nuanced ways in which foreign nurses feel welcomed in their local communities and workplaces, yet simultaneously remain subject to hostile racialized scrutiny. Nova Scotia is one of the least ethnically diverse provinces in Canada and one of the most economically impoverished. It faces a shortage of healthcare workers, exacerbated by the ongoing restructuring of the healthcare sector. These contextual factors contribute to the complicated push-pull matrix discussed by the temporary foreign nurses, who feel needed, but not wanted. This matrix cannot be dismissed as simply the racism and “backwardness” of local communities. Rather, it must be understood through a political economy focus on temporary foreign workers, restructured health care, and the normalization of a precarious labour landscape in which racialized foreign and local workers are pitted against each other.

Mes travaux de recherche portent sur les conditions de travail subies par les infirmiers et les infirmières étrangers de permis temporaire employés dans les soins de santé dans la province de la Nouvelle-Écosse, Canada. Je m’appuie sur des entretiens ethnographiques afin de saisir les façons nuancées dont les infirmiers étrangers se sentent bien accueillis dans leurs collectivités, et en même temps font encore l’objet d’un contrôle racialisé hostile. La Nouvelle-Écosse est l’une des provinces les moins diversifiées sur le plan ethnique au Canada, ainsi que l’une des provinces les plus économiquement démunies. Elle est en outre aux prises avec une pénurie de travailleurs de la santé, aggravée par la restructuration en cours dans le secteur de la santé. Ces facteurs contextuels contribuent à la matrice complexe du « pousser/tirer » examinée par les infirmiers étrangers temporaires qui se sentent nécessaires, mais non désirés. On ne peut écarter cette matrice comme s’il s’agissait simplement du racisme et du « retard » des collectivités locales. Elle doit plutôt être comprise en mettant l’accent à caractère de l’économie politique sur les travailleurs étrangers temporaires, les soins de santé restructurés, et la normalisation d’un marché du travail précaire dans lequel les travailleurs racialisés, étrangers et domestiques, sont dressés les uns contre les autres.

Le travail gestionnaire comme psychopolitique au service de la transformation sociale du Québec : une étude du journal Les Affaires, 1928-1933

Anne Pezet

Cet article porte sur un type de travail trop peu étudié : le travail gestionnaire. À la suite de Braverman, nous considérons qu’il s’agit là d’un travail à part entière. Ses caractéristiques sont cependant différentes de celles du travail ouvrier. Si ce dernier relève de la biopolitique par le travail qu’il produit sur les corps, le travail gestionnaire relève d’une psychopolitique destinée à forger un nouvel individu défini par des habiletés, techniques, cognitives et surtout psychologiques. Assumant une position éducative, le journal Les Affaires publié au Québec à partir de 1928 entreprend, entre autres projets, de définir le travail gestionnaire et de produire ainsi un discours qui permet de légitimer la transformation capitaliste.

This article focuses on a type of work that has been studied very little: managerial work. Following Braverman, we consider it to be work in its own right. Its characteristics, however, are different from those of labour work. If the latter is biopolitics by the work it produces on the body, managerial work is psychopolitics designed to forge a new individual defined by skills, technical and cognitive, and above all psychological. Assuming an educational position, the newspaper, Les Affaires, published in Quebec from 1928, undertook, among other projects, to define managerial work, thus producing a discourse making it possible to legitimize capitalist transformation.

Settler Colonialism and Labour Studies in Canada: A Preliminary Exploration

David Camfield

The 21st century has seen growing attention to settler colonialism among academic researchers in Canada and internationally. In the Canadian context, interest has been fuelled above all by an ongoing resurgence of Indigenous activism and intellectual work, of which the most visible expression to most non-Indigenous people was the Idle No More movement of 2012–13. To date, however, little attention has been paid to settler colonialism within labour studies, broadly understood. As a modest contribution to remedying this deficiency, this article argues for the importance of understanding Canada as a settler-colonial society, proposes a conceptualization of settler colonialism from the perspective of a historical materialism reconstructed through engagement with Indigenous anticolonial thought, and offers some preliminary reflections on integrating analysis of settler colonialism into historical and contemporary research on labour.

Au 21e siècle, le colonialisme des colons a attiré de plus en plus l’attention des chercheurs universitaires canadiens et internationaux. Dans le contexte canadien, l’intérêt a été alimenté principalement par une résurgence continue du travail intellectuel et du militantisme autochtones, dont l’expression la plus visible pour la plupart des peuples non autochtones était le mouvement Idle No More de 2012–2013. À ce jour, toutefois, peu d’attention a été accordée au colonialisme des colons dans le cadre d’études sur le travail, au sens large. Cet article, qui contribue modestement à remédier à cette lacune, souligne l’importance de comprendre le Canada comme société de colonisation, propose une conceptualisation du colonialisme sous l’angle du matérialisme historique reconstruit à travers la confrontation avec la pensée anticoloniale offre des réflexions préliminaires sur l’intégration de l’analyse du colonialisme des colons dans la recherche historique et contemporaine sur le travail.

The Settler Order Framework: Rethinking Canadian Working-Class History

Fred Burrill

Canadian labour and working-class history has, to a great extent, been bedevilled in its attempts to understand national trends by the cleavages of gender, region, industry, race, language, and culture. This article argues that one possible way out of this impasse lies in foregrounding the particular relationship between colonial exploitation and class exploitation in our settler colonial economy, both in terms of class formation and in the ongoing project of social reproduction. The adoption of a “settler order framework” seeks to build on important recent works attempting to understand Indigenous peoples’ participation in the ranks of those who toil, struggle, and dream of freedom from capitalism, by integrating the fundamental reality of settler workers’ ongoing theft of Indigenous land and resources into the story of the Canadian working class.

Au Canada, l’histoire du travail et de la classe ouvrière a été entravée, dans une large mesure, dans ses tentatives pour comprendre les tendances nationales, par les clivages liés au sexe, à la région, à l’industrie, à la race, à la langue et à la culture. Cet article soutient qu’une solution possible pour sortir de cette impasse consiste à mettre en évidence la relation particulière entre l’exploitation coloniale et l’exploitation de classe dans notre économie coloniale, à la fois en termes de formation de classe et dans le projet permanent de reproduction sociale. L’adoption d’un « cadre réglementaire pour les colons » s’appuie sur d’importants travaux récents qui tentent de comprendre la participation des peuples autochtones dans les rangs de ceux qui peinent, luttent et rêvent de se libérer du capitalisme, en intégrant la réalité fondamentale du vol de terres et de ressources autochtones par les travailleurs colons dans l’histoire de la classe ouvrière canadienne.