Labour / Le Travail
Issue 84 (2019)

article

Une catégorie de chômeurs à part : les cols blancs de Montréal, 1930–1935

Sonya Roy

Introduction

Sir, could I prevail upon you to the extent of allowing me space in your valuable columns in which to champion, in some way or other the cause of the much neglected middle-class unemployed, generally known as the “White Collar Brigade”? [...] [N]othing has ever been accomplished to alleviate the condition of the unfortunate who make up the ranks of the army of unemployed, who are expected to keep up appearance of respectability in spite of hard times and unemployment; and where to look for sympathy, let alone assistance, appears to be a problem yet to be solved. [...] The poor unfortunate and universally condoned working-man has always been liberally provided for but what are the millionaires of Montreal doing for the most unfortunate of all, the middle-classes embracing this afore mentioned “White Collar Brigade”? [...] The future appears to be nothing but despair and destitution and it surely is high-time that something practically beneficial be discovered to alleviate and rectify the distressing and nerve-racking condition of those who are rarely responsible for their pressing plight1.

Cet extrait d’une lettre à l’éditeur envoyée par un col blanc au chômage rend compte de cet aspect trop peu exploré par les historiens qui ont étudié la crise économique des années 1930, soit le chômage chez les cols blancs et leur expérience de cette période difficile2. Comme le constatera à l’époque le secrétaire général de la Family Welfare Association de Montréal, G. B. Clarke, la crise économique crée une toute nouvelle classe de pauvres parmi laquelle on retrouve des commis de bureau, des professionnels et des hommes d’affaires qui souvent pour la première fois de leur vie doivent faire face au chômage3.

Les études récentes sur la crise économique, largement inspirées par les travaux faits en histoire sur le genre, les femmes et la famille, démontrent l’importance de s’attarder aux notions de genre, de statut matrimonial, d’âge, de citoyenneté et d’ethnicité pour mieux comprendre les politiques d’assistance destinées aux chômeurs et leur expérience de la crise. Ainsi, ces nouvelles recherches nous permettent d’en apprendre davantage sur le rôle et l’expérience des femmes, des enfants, des familles, des immigrants et des hommes célibataires4. Elles révèlent aussi que les notions de rôle et d’identité de genre ont marqué l’expérience des femmes et des hommes touchés par la crise en plus de marquer la structure des programmes d’assistance publique. Ainsi, la crise économique s’avère une période difficile pour les hommes, dès lors que l’idéal masculin repose sur le travail et la capacité à remplir leur rôle de pourvoyeur économique de la famille. Forcés au chômage et poussés à demander l’assistance publique, plusieurs d’entre eux vivent cette période dans la honte et la détresse psychologique5. Ces études révèlent également que l’appartenance de classe a un impact sur la manière dont les individus et leur famille expérimentent la crise et y répondent6. Malgré ces avancées importantes, nous en savons encore très peu sur les cols blancs touchés par le chômage, leur expérience et leur participation au débat entourant l’assistance publique et le chômage.

S’inspirant de ces études et s’appuyant sur une gamme de sources, cet article s’intéresse aux effets du chômage chez les cols blancs montréalais au début de la crise économique des années 1930. L’arrivée d’un nombre important de cols blancs parmi la clientèle de chômeurs est inédite à l’époque et provoque des inquiétudes chez certains responsables de la charité, les autorités municipales et les cols blancs. Elle vient ébranler les idées, les croyances et les espoirs de mobilité sociale ascendante qui caractérisent la société montréalaise des années 1920, alors que la prospérité économique permet à la classe moyenne de s’accroitre considérablement7. Comme le laisse entendre le lecteur du Montreal Gazette, les cols blancs s’identifient à la classe moyenne. Cette appartenance s’exprime par certaines pratiques et certaines marques telles qu’une apparence soignée, l’élégance vestimentaire (port de l’habit témoignant d’un statut professionnel), un certain niveau d’éducation, un logis dans un quartier respectable, la possession de certains biens de confort et la pratique d’activités de loisir et de sport8. Tous ces signes qui révèlent des standards de respectabilité et des valeurs morales associés à la classe moyenne contribuent à faire une distinction entre les gens de cette classe et ceux de la classe ouvrière. Avec la crise économique et le chômage, il devient ardu pour les cols blancs de maintenir ces standards de respectabilité et de conserver un style de vie associé à la classe moyenne. Pour plusieurs d’entre eux, la perte d’un emploi signifie des pertes matérielles et symboliques, des changements dans leur style de vie et, enfin, le risque d’un déclassement social. Contraints de recourir à l’assistance publique, de loger dans les refuges publics de la ville et d’accepter des emplois d’ouvriers, ils risquent de descendre l’échelle sociale et ainsi être associés aux chômeurs de la classe ouvrière.

Pour avoir une meilleure compréhension de la crise économique et de ses effets sur les individus, il est donc essentiel de s’attarder aux notions de classe. Comme le démontre cet article, le fait que les cols blancs s’identifient à la classe moyenne influence leur compréhension et leur expérience de la crise et façonne leurs attentes et leurs exigences en matière d’assistance. La peur d’un déclassement social pousse les cols blancs à réaffirmer leur appartenance à la classe moyenne et à se définir comme des gens à part. Persuadés que leur appartenance à la classe moyenne en fait des citoyens respectables et méritants, ils s’estiment en droit d’être entendus et reconnus comme tels par les autorités municipales et n’hésitent pas à revendiquer des changements dans le mode de distribution des secours directs et à critiquer les programmes de travaux de chômage. La stratégie des cols blancs qui sont au chômage vise à la fois à établir une frontière symbolique entre eux-mêmes et les chômeurs de la classe ouvrière, auxquels ils ne veulent pas être associés, et à maintenir leur position sociale.

L’article est divisé en deux parties. La première s’attarde aux programmes d’assistance publique mis en place par les autorités municipales de Montréal pour venir en aide aux chômeurs montréalais. Nous y verrons que certains des programmes d’assistance sont inadaptés aux besoins des cols blancs, ce qui pousse des organismes de charité à créer des services destinés à ceux de cette classe, qui sont touchés par la crise. Leur création révèle que les cols blancs ne sont pas les seuls à afficher cette volonté de se différencier des chômeurs de la classe ouvrière. Des responsables de la charité et de l’assistance, généralement issus de la classe moyenne, participent également à cette différenciation et à la réaffirmation de cette identité de la classe moyenne en créant des agences et des services adaptés spécifiquement aux cols blancs.

La deuxième partie consacrée à la création d’associations pour cols blancs révèle que ces derniers utilisent un langage de classe pour faire valoir leurs droits et se faire entendre des autorités municipales. Déterminés à se différencier des chômeurs de la classe ouvrière, jugés moralement inférieurs, les cols blancs sans emploi revendiquent des services adaptés à leurs besoins et la prise en charge de la distribution de l’assistance par leur groupe. La frontière morale qu’ils tentent d’établir vis-à-vis des chômeurs de la classe ouvrière ne les empêche toutefois pas de s’inspirer de la tradition syndicaliste ouvrière pour justifier la création d’associations. Enfin, cette partie met en lumière le militantisme des cols blancs de sexe masculin auprès du gouvernement provincial contre le travail salarié des femmes, dès lors que l’idéal masculin repose sur le rôle de pourvoyeur. Selon eux, limiter le nombre de femmes au travail permettrait de résoudre le problème du chômage chez les cols blancs.

Quant au phénomène du chômage chez les cols blancs, l’article fait valoir que la crainte d’un déclassement social favorise la création de services d’assistance spécialisés et d’associations pour cols blancs. Ces initiatives visent la différenciation entre les chômeurs de la classe moyenne (les cols blancs) et les chômeurs de la classe ouvrière et la réaffirmation de l’existence et de l’importance de la classe moyenne. S’attarder sur ces initiatives permet de lever le voile sur le phénomène et le processus de reconstruction de l’identité de la classe moyenne9.

Enfin, cet article aborde essentiellement l’expérience des employés de bureau de sexe masculin. Ce n’est pas que les employées de bureau de sexe féminin ne représentent pas des acteurs historiques importants, mais il aurait fallu élargir notre champ de recherche de manière considérable pour rendre compte de leur situation de façon juste et détaillée. Si les femmes ne constituent pas l’objet de recherche principal de cet article, elles n’en sont pas totalement absentes. Les femmes employées dans les bureaux montréalais représentent une compétition que les cols blancs, à la recherche d’un emploi, doivent affronter pendant la crise. Comme nous le verrons, à titre de concurrentes, elles retiennent l’attention des cols blancs et deviennent l’objet d’une campagne visant leur retour au foyer.

Commençons d’abord par établir qui sont les cols blancs. Les acteurs sociaux de l’époque ne nous offrent pas de définition exacte. Pour Alphonse Cool, le fondateur de l’Association des Collets Blancs de la Cité de Montréal, les cols blancs représentent ceux qui « gagnent leur vie avec leur instruction ». Plusieurs contemporains utilisent alternativement les termes « classe moyenne », « collets blancs », « cols blancs » et « White Collar Brigade ». Si on se réfère aux registres du Registration Bureau for Unemployed Office Workers (rbuow) créé en 1930 pour venir en aide aux cols blancs sans emploi, on retrouve, parmi leur clientèle, des comptables, des teneurs de comptes, des sténographes, des commis de bureau, des vendeurs, des commis voyageurs, des ingénieurs, des dessinateurs, des architectes et des agents d’assurances10. Il est important de rappeler que ces travailleurs ne forment pas un groupe homogène. Au contraire, ils exercent diverses professions dans des secteurs d’activités variés, notamment dans les services, la finance, les assurances, l’administration publique, le secteur industriel et manufacturier et les transports. De plus, ils évoluent dans un univers hautement hiérarchisé où le niveau de scolarité, le type de métier exercé, l’âge, le statut matrimonial, l’ethnicité et le sexe ont un impact important sur le salaire, les conditions de travail et les possibilités d’avancement au sein de l’entreprise11.

Les programmes d’assistance publique 

La crise économique des années 1930 surpasse toutes les crises économiques précédentes. Bien qu’habituée au chômage saisonnier et aux crises économiques cycliques, la société canadienne n’est pas préparée à faire face à une crise de cette ampleur : au plus fort de la crise, le taux de chômage atteint près de 27 p. 10012. À l’époque, le pays ne possède ni programme d’assurance-emploi ni réseau d’assistance publique, que ce soit au niveau fédéral ou provincial; l’aide aux plus démunis est généralement prise en charge localement par des organismes privés et religieux, ou dans certains cas, par le bureau d’assistance de la municipalité.

À l’été 1930, malgré un taux de chômage qui avoisine les 13 p. 100, le premier ministre libéral, William Mackenzie King, ne veut pas reconnaitre le sérieux de la situation13. Rappelant que la responsabilité d’aider les chômeurs revient aux municipalités et aux provinces, il refuse d’agir. Cette attitude attentiste lui fait perdre les élections qui ont lieu le 7 août 1930. Dès son entrée en scène, le nouveau premier ministre, Richard B. Bennett, propose certaines mesures pour les chômeurs. Ainsi, en septembre 1930, la Loi sur l’assistance chômage est adoptée. Cette loi, dont la durée et la portée sont limitées, prévoit l’octroi de fonds aux provinces et aux municipalités afin de financer des programmes de travaux publics et d’assistance publique14. Cette forme d’aide d’urgence sera réévaluée et renouvelée sur une base annuelle jusqu’en 194115. Néanmoins, malgré ces octrois substantiels pour l’époque, les municipalités se retrouvent rapidement aux prises avec des problèmes financiers importants. Non seulement les municipalités doivent faire face à l’augmentation du nombre de chômeurs, mais aussi elles doivent assumer les coûts liés à l’administration et à l’organisation des programmes d’assistance.

Montréal est durement touchée par la crise. En 1933, les autorités montréalaises estiment que 34,5 p. 100 de la population dépend des secours directs16. Il demeure cependant difficile d’évaluer avec exactitude le nombre de cols blancs touchés par le chômage. Selon les données enregistrées par les autorités montréalaises en décembre 1930, 1 225 cols blancs figurent parmi les 21 389 chômeurs inscrits17. Toutefois, considérant que les données sont prises au tout début de la crise et que l’enregistrement est fait sur une base volontaire, ces chiffres s’avèrent plutôt conservateurs. Rappelons à titre indicatif qu’à elle seule la Sun Life Insurance Company of Canada licencie, en raison de la crise économique, près du tiers des 2 856 employés travaillant à son siège social, à Montréal18. En février 1932, le président de la Commission industrielle du chômage de Montréal, Norman Holland, constate que la situation est alarmante : « Firms are letting out engineers, draughtsmen, stenographers, office managers, etc. literally by the hundred and there must be thousands of these men out of work today19. » Pendant la crise, le nombre de cols blancs sans emploi devient suffisamment élevé pour représenter un sérieux défi pour les responsables de la charité et les autorités municipales qui n’ont pratiquement jamais eu à venir en aide à cette catégorie de travailleurs.

Le système d’assistance montréalais

À l’époque, Montréal possède un réseau d’assistance privé solidement implanté et organisé. C’est donc vers celui-ci que les autorités municipales se tournent pour assurer la distribution de l’assistance publique. En raison de la diversité de sa population, ce réseau d’assistance se développe au sein de divisions ethnique, religieuse et linguistique20. Ainsi, pendant la crise, les chômeurs catholiques francophones sont pris en charge par la Société Saint-Vincent-de-Paul (ssvp) qui possède des bureaux dans chaque paroisse. Quant aux chômeurs protestants, ils ont accès à un réseau d’organismes et de services chapeautés par le Montreal Council of Social Agencies (mcsa). Ceux de la communauté juive obtiennent de l’assistance auprès de la Federation of Jewish Philanthopies (fjp), et les chômeurs de la communauté catholique anglophone, auprès des organismes de la Federation of Catholic Charities (fcc). Au cours de la crise économique, ces agences subissent une pression énorme non seulement en raison de la forte augmentation d’individus et de familles auxquels elles doivent apporter de l’aide, mais aussi en raison du changement de clientèle. Autrefois composée essentiellement de veuves, d’orphelins, de vieillards, de malades et d’handicapés, la clientèle de la charité est constituée, pendant la crise, d’hommes dans la force de l’âge qui sont aptes à travailler. Ces changements amènent les agences sociales à redoubler d’efforts et, dans certains cas, à élargir leurs offres de services.

En plus de faire appel aux organismes de charité reconnus pour la distribution des secours directs, la Ville se dote de comités consultatifs. À l’automne de 1930, la Commission consultative du chômage est créée. Composée de représentants des organismes de charité et d’un certain nombre d’élus montréalais, la commission a pour tâche d’offrir des recommandations quant à l’organisation et la distribution des secours directs21. Au même moment, on crée la Commission industrielle du chômage qui agira comme service-conseil en matière de travaux de chômage.

Venir en aide aux chômeurs : les secours directs

Au cours de la crise, les chômeurs montréalais ont droit à diverses formes d’assistance publique : des secours directs sous forme de bons échangeables contre de la nourriture, du charbon et des vêtements; des refuges de nuit et de jour pour les chômeurs sans-abri; et des programmes de travaux de chômage. L’administration et la distribution de l’assistance reposent sur une conception des rôles liés au genre, conception qui valorise le rôle de pourvoyeur des hommes, ce qui a pour effet de favoriser les pères de famille. Ainsi, ces derniers obtiennent des secours directs distribués sous forme de bons échangeables dans les commerces et peuvent espérer obtenir un emploi dans le cadre des travaux de chômage. Aux chômeurs célibataires dans le besoin, l’offre d’assistance se limite à un lit pour la nuit et à deux repas par jour dans l’un des refuges publics de la ville22.

De plus, en raison de ressources financières limitées et suivant l’idée selon laquelle les chômeurs qui demandent de l’assistance ne sont pas des victimes, mais plutôt des gens soupçonnés de paresse, l’accès aux secours directs est soumis à un certain contrôle. Une famille désirant obtenir de l’assistance doit se présenter à l’un des organismes de charité reconnus et se soumettre à une enquête qui déterminera si elle se trouve vraiment dans le besoin. Lors de cette enquête, le chômeur doit répondre à une série de questions concernant la situation financière de sa famille et de son réseau familial, l’objectif étant de s’assurer que la famille n’a aucune autre ressource. L’enquête est généralement suivie d’une visite à domicile des représentants de l’organisme de charité qui doivent s’assurer de visu que la famille est bien dans le besoin et que la maison est bien tenue23. Comme les recherches de Denyse Baillargeon sur les familles de la classe ouvrière l’ont démontré, ce processus s’avère humiliant pour les chômeurs, et c’est avec réticence qu’ils se présentent aux portes des organismes de charité24.

Les hommes célibataires, les veufs sans enfants à charge et les immigrants mariés dont la famille ne vit pas au Canada sont dirigés vers l’un des refuges publics de la ville soit le refuge municipal Meurling ayant une capacité d’accueil de 700 lits soit le refuge Vitré ayant une capacité d’hébergement allant jusqu’à 2 000 chômeurs par nuit25. Les autorités municipales décident d’ouvrir ce dernier refuge à l’été de 1931 afin de résoudre le problème que représentent les chômeurs migrants sans-abri qui se comptent alors par milliers. Pendant la crise économique, ce refuge public pour chômeurs deviendra le plus important au pays26.

Le refuge Vitré compte quatre dortoirs organisés en fonction de l’origine ethnique, de la langue, de la citoyenneté et du statut socioprofessionnel des chômeurs. Ainsi, les Canadiens français et les Canadiens anglais possèdent chacun leur dortoir. Tous les chômeurs étrangers, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas naturalisés, sont logés sur le même étage tandis que les cols blancs, sans distinction de langue ou de religion, ont droit à leur propre dortoir. Aucune mention n’apparaît dans les sources consultées quant aux raisons qui poussent les responsables du refuge à séparer les chômeurs ainsi. Cette pratique d’ailleurs ne semble en vigueur ni dans les refuges ailleurs au Canada ni au refuge municipal Meurling27. Selon nous, elle pourrait découler des divisions ethnique, linguistique et religieuse, qui caractérisent déjà le réseau de charité montréalais. La montée de l’agitation sociale chez les chômeurs qui s’organisent pour revendiquer de meilleurs programmes d’assistance et des emplois serait une autre explication. D’ailleurs les autorités associent bien souvent cette agitation aux immigrants et aux étrangers dont certains gravitent au sein de groupes communistes et socialistes28. La peur que les étrangers logés au refuge propagent des idées communistes pourrait donc expliquer que ceux-ci soient séparés des chômeurs canadiens. D’ailleurs, en 1933, des responsables de la charité fondent un refuge à l’usage exclusif des chômeurs canadiens-français exactement pour cette raison29. Enfin, la situation des cols blancs soulève la question de la classe sociale. Est-ce que, dans leur cas, la classe surpasse les critères relatifs à la religion, la langue et l’ethnicité?

L’aide offerte dans ces refuges se limite au strict minimum, soit un toit pour la nuit et deux repas par jour. Les refuges sont fermés pendant la journée afin de permettre le nettoyage, mais surtout pour pousser les chômeurs à se chercher du travail. Souvent surpeuplés, plus ou moins bien entretenus et offrant une alimentation jugée insuffisante et monotone, ces refuges sont considérés par plusieurs chômeurs comme des milieux dégradants. C’est pour cette raison que ces derniers n’hésitent pas à revendiquer de meilleures conditions de vie30. Très peu de données sont fournies concernant le profil des chômeurs ayant utilisé le refuge Vitré; il s’avère donc ardu d’établir le nombre de cols blancs et leur origine ethnique. Selon un reportage publié dans La Revue populaire, les cols blancs sans emploi représentent 2 p. 100 de la clientèle du refuge Vitré. Cependant, même en ayant accès à des données plus complètes, il serait difficile d’avoir un portrait juste, car, semble-t-il, un certain nombre de cols blancs, envahis par la honte, se seraient fait passer pour des journaliers lors de leur admission au refuge31. Malgré des conditions de vie éprouvantes et la honte ressentie dans ces deux refuges, il y aura, par moments, jusqu’à 10 000 chômeurs qui utiliseront ces lieux32.

La création d’agences sociales pour les cols blancs

Aux yeux de certains responsables de la charité, le programme de secours directs financé par la Ville s’avère inadapté pour les cols blancs. Considérant qu’ils doivent être pris en charge séparément des chômeurs de la classe ouvrière, qu’ils méritent un service qui tient compte de leurs sensibilités, de leur statut social et de leurs besoins, les dirigeants du Montreal Council of Social Agencies (mcsa) mettent sur pied le rbuow. Située dans les locaux de l’édifice de la Sun Life Insurance Company of Canada, cette nouvelle agence sociale offre deux types de services33. D’abord, le rbuow offre les services d’un bureau de placement à tous les cols blancs de Montréal, service sur lequel nous reviendrons plus loin. Ensuite, l’organisme compte un volet « assistance matérielle » réservé aux cols blancs de la communauté protestante34. Selon les responsables du rbuow, sa création se justifie non pas en raison du nombre élevé de cas, mais parce que la majorité des cols blancs mérite cette aide35. De plus, cette nouvelle agence permet aux cols blancs d’obtenir de l’aide « without stigma » et de présenter leurs « problems to an individual who has time to listen and discuss » 36.

L’assistance matérielle offerte aux cols blancs diffère également en fonction du statut matrimonial des chômeurs. Dans le cas d’un père de famille, l’assistance prend plusieurs formes et s’avère similaire à celle qui est offerte aux familles de la classe ouvrière : nourriture, charbon pour le chauffage, vêtements, soins médicaux et soins dentaires. On note cependant une différence quant aux denrées alimentaires. Ainsi, si on compare les denrées attribuées aux familles de la classe ouvrière, également desservies par le mcsa, avec celles destinées aux familles de cols blancs, on se rend compte que ces dernières ont droit à une plus grande variété de produits. En effet, seuls les cols blancs ont droit à du poisson, des saucisses, des navets et des tomates en conserve37. Enfin, dans l’éventualité où une famille est menacée d’éviction, le rbuow s’occupe de négocier une entente avec le propriétaire ou d’aider le locataire à payer son loyer afin qu’il puisse, avec sa famille, demeurer dans son logis38. Néanmoins, tout méritants qu’ils sont, les cols blancs et leur famille doivent eux aussi se soumettre à une enquête39. En plus de contacter les anciens employeurs du chômeur, des responsables de la Family Welfare Association (fwa) effectuent une visite à domicile afin de vérifier « the need for relief » et de déceler « any special requirements of the case »40. Certaines semaines, 373 familles dépendent de l’assistance offerte par le rbuow41.

Le cas des cols blancs célibataires

Comme nous l’avons vu plus haut, les chômeurs célibataires dans le besoin doivent se présenter dans l’un des refuges publics de la ville pour se loger ou pour obtenir de quoi se nourrir. Dès le début de la crise, les responsables du rbuow voient d’un très mauvais œil que les cols blancs célibataires se retrouvent, faute de mieux, dans un des refuges pour chômeurs sans-abri de la ville :

The help available through other unemployment relief bureaux is not adequate for them, particularly is this the case with the “without dependents” group, where residence at the Meurling or Dufferin Refuges not only would be a severe emotional strain but also would not permit the individual to keep himself sufficiently neat in appearance to secure work42.

Ainsi, afin d’éviter que les cols blancs célibataires se retrouvent dans un des refuges publics, le rbuow prend des arrangements avec des propriétaires de maison de chambres de la rue Peel pour y loger ceux qui n’ont plus les moyens d’avoir un logis43. Ce genre d’entente comporte certains avantages pour les cols blancs et les responsables du rbuow. En logeant dans ces chambres, les cols blancs n’ont pas à subir la routine d’admission des refuges publics, que plusieurs chômeurs considèrent humiliante (file d’attente, enregistrement, fouille, douches communes, examen médical). Bien qu’ils doivent respecter le couvre-feu de 22 h 30, ils possèdent plus de liberté que les chômeurs du refuge Meurling où le couvre-feu se fait à 20 h. Avoir un endroit bien à eux leur permet d’éviter la promiscuité existant dans les dortoirs des refuges publics. Avoir le droit de dormir dans le même lit chaque soir est un privilège que ne possèdent pas les utilisateurs des refuges. L’accès à un tel logement leur permet de maintenir une bonne hygiène et de soigner leur apparence, atouts essentiels pour un chômeur à la recherche d’un emploi. Enfin, l’utilisation de cartes-repas échangeables dans certains restaurants leur évite la cohue des salles à manger des refuges où les chômeurs ont à peine dix minutes pour prendre leur repas44. S’ils possèdent sans contredit plus de liberté et de confort que les chômeurs logés dans les refuges, les cols blancs pris en charge par le rbuow doivent néanmoins se plier à certaines règles. Ils doivent, entre autres choses, se rapporter quotidiennement au rbuow pour récupérer leurs cartes-repas pour la journée et ainsi permettre aux responsables du bureau d’assurer un suivi. Ils doivent aussi chercher activement du travail pendant la journée45.

Le rbuwo offre aussi de l’aide financière, une autre mesure pour aider les cols blancs à conserver leur dignité et leur respectabilité. D’un point de vue pratique, cette forme d’aide leur permet de faire le nécessaire pour maintenir une allure respectable : aller chez le coiffeur, acheter un rasoir et tout autre objet d’hygiène corporelle et voir à l’entretien des vêtements appropriés à leur statut socioprofessionnel. Ce capital esthétique s’avère un atout non seulement pour chercher un emploi, mais aussi pour affirmer leur respectabilité, leur masculinité et leur appartenance à la classe moyenne.

Cette aide financière se fait toutefois sous forme de prêt. Cette approche s’inscrit d’ailleurs dans les valeurs qui définissent l’assistance privée chez les protestants et qui consistent à favoriser et à valoriser l’indépendance, la débrouillardise et la respectabilité. Ainsi, il est demandé aux chômeurs de rembourser l’aide reçue lorsque leur situation financière le leur permet, ce que, semble-t-il, certains acceptent de faire comme en témoigne cette lettre : « Enclosed is a small amount of what I owe you. I sincerely hope you are not disappointed, I had hoped to enclose more, but there are so many necessities to buy when one has been short of cash for a while. Hopping to be in a position to return a few more dollars in the near future, and thanking you for your personal and financial assistance46. » Le responsable du rbuwo affirme d’ailleurs : « Almost without exception the repayment of these sums means real self-denial, but what it means to a man’s morale is ample compensation47. » De plus, cette assistance donnée en argent permet aux cols blancs de faire leurs propres choix comme consommateurs, ce qui contribue également à rétablir leur estime de soi48.

Toutes ces mesures pour éviter que les cols blancs sans emploi se retrouvent dans les refuges publics comportent d’autres avantages dont celui de réduire les chances de faire face à la déportation. Pendant la crise économique, le nombre de déportations connait une hausse importante, dès lors que les municipalités se servent de la politique de l’immigration pour faire déporter les immigrants sans emploi qui vivent à leurs crochets49. À Montréal, entre 1930 et 1935, 5 558 immigrants sont rapportés au département de l’Immigration aux fins de déportation; un certain nombre d’entre eux sont signalés par les responsables du refuge Meurling et du refuge Vitré50. L’état actuel de la recherche ne nous permet pas de savoir si les cols blancs sont nombreux à faire partie des immigrants déportés ou signalés au cours de cette période. Néanmoins, il demeure indéniable que des cols blancs arrivés au Canada depuis moins de cinq ans et devenus une charge publique doivent vivre avec la crainte réelle de faire l’objet d’une enquête découlant d’une plainte aux fins de déportation. Comme les études portant sur le sujet le démontrent, la deportability, c’est-à-dire la possibilité d’être déporté et la vulnérabilité qui lui est associée, peut être une inquiétude constante et puissante dans le quotidien des immigrants51.

Enfin, la prise en charge des cols blancs célibataires par le rbuwo permet peut-être à certains d’entre eux d’éviter les camps de secours pour chômeurs célibataires créés par le gouvernement fédéral à l’automne 193252. Pendant la crise, de nombreux chômeurs logés au refuge Vitré prennent la route du camp de Valcartier. Les recherches de François Bisson sur le camp de Valcartier montrent que, en avril 1933, alors que le recrutement des chômeurs célibataires bat son plein à Montréal, le pourcentage de commis de bureau au chômage qui doivent quitter la ville pour ce camp de travail est de 5 p. 10053. D’autres cols blancs célibataires montréalais prennent quant à eux le chemin du camp de travail de Petawawa en Ontario54.

Il est indéniable que l’utilisation des services offerts par le rbuwo fait partie des stratégies d’adaptation déployées par les cols blancs touchés par la crise et le chômage. À certains moments, jusqu’à 885 cols blancs célibataires reçoivent de l’assistance matérielle de la part du rbuwo55. Des chiffres qui démontrent à la fois la nécessité et l’intérêt de tels services. Toutefois, la rareté des sources donnant accès à la voix de ces cols blancs ne permet pas de rendre compte de leur expérience de manière plus approfondie et plus personnelle et de connaitre leurs craintes, leurs aspirations et la place que tenait le rbuwo dans leurs stratégies d’adaptation, ou encore, leur opinion sur les services offerts.

Des bureaux de placement pour les cols blancs

Pendant la crise, un certain nombre de bureaux de placement sont mis sur pied par des organismes sociaux ou des associations pour aider les chômeurs à trouver du travail. Les cols blancs ne sont pas oubliés, car des initiatives sont prises pour les accompagner dans leur recherche d’emploi, la plus notable étant le rbuow.

Comme il est mentionné plus haut, le rbuow offre aussi les services d’un bureau de placement pour les cols blancs. Ce bureau d’emploi, dirigé par le ymca de Montréal, a pour mandat d’enregistrer les cols blancs montréalais au chômage, peu importe leur religion ou leur langue, et de les aider à trouver du travail. Encore une fois, il semble évident que, à cause de l’impact de la crise, ils sont nombreux à recourir aux services du rbuow. En 1932, plus de 6 168 d’entre eux s’y inscrivent dans l’espoir de trouver un emploi. Malgré les efforts déployés par les employés du rbuow, le taux de placement est relativement bas. Par exemple, seulement 214 cols blancs inscrits en 1932 réussissent à trouver un emploi permanent56.

Plusieurs raisons expliquent ces résultats décevants. D’abord, les employeurs contactés par le rbuow disent posséder une liste de leurs propres employés qui ont été licenciés en raison de la crise et qui attendent d’être rappelés. Dans d’autres cas, les besoins des employeurs ne correspondent pas au profil des chômeurs. Enfin, selon un rapport du rbuow, il arrive aussi que les employeurs n’arrivent pas à rejoindre les cols blancs à la recherche d’un emploi parce que ces derniers n’ont plus accès à un téléphone57.

D’autres facteurs interviennent dans la capacité des cols blancs à trouver un emploi. Le marché de l’emploi montréalais est caractérisé par des rapports sociaux ethniques et de race qui ont un impact pour certains cols blancs à la recherche d’un emploi. Les grandes firmes, les compagnies d’assurances et les banques font de la discrimination à l’embauche à caractère ethnique. Dans cette société montréalaise où le « language of clerical labour was frequently English », les cols blancs francophones qui ne maitrisent pas la langue de Shakespeare sont largement désavantagés58. En effet, les responsables du rbuow affirment que les entreprises, mêmes francophones, ne veulent pas d’employés qui ne parlent pas, ou qui parlent peu, l’anglais; ils vont même jusqu’à penser qu’il est inutile de prendre en charge le cas des cols blancs unilingues francophones59.

Les cols blancs francophones ne représentent pas le seul groupe à être visés par ces rapports sociaux à caractère ethnique. À cette époque, la communauté juive de Montréal compte un fort pourcentage de cols blancs parmi ses travailleurs60. Pourtant, ils sont peu représentés au sein de la haute direction des banques et des sociétés de fiducie montréalaises ou dans les grands cabinets d’avocats61. Pendant la crise, la rareté des emplois exacerbe les tensions ethniques et favorise la discrimination à l’embauche, une réalité qui fait en sorte que les cols blancs de communauté juive ont de la difficulté à trouver du travail. En réaction à cette discrimination et à la montée de l’antisémitisme qui marque la période, la Federation of Jewish Philanthropies met sur pied, dès l’automne 1929, le Jewish Employment Bureau (jeb)62. Se voulant une agence d’aide à l’emploi où « Jewish men and women workers in office, store and factory may meet Jewish business men and manufacturers and where the answer to the significant query “religion?” does not in the main result in a fatal loss of interest in the applicant’s qualifications for the work », le jeb vise à contrer les effets de la discrimination à l’emploi dont les Juifs font souvent l’objet. Quelques mois après son ouverture, le jeb compte 300 chômeurs dont plus de 50 p. 100 sont des commis de bureau ou des employés de magasin63. Les responsables du bureau de placement concentrent surtout leurs efforts auprès du patronat de la communauté juive, mais tentent également de convaincre certaines entreprises montréalaises d’embaucher les cols blancs de leur communauté64.

Faute de données concernant l’origine ethnique des chômeurs inscrits au rbuow, il s’avère impossible de mesurer l’impact de cette discrimination à l’embauche. Toutefois, une étude menée en 1932, auprès de 1 000 cols blancs inscrits au rbuow, a démontré non seulement que les cols blancs d’origine britannique sont privilégiés au moment de l’embauche, mais aussi qu’ils obtiennent de meilleurs salaires65. Comme il est mentionné plus haut, la discrimination ethnique pousse la communauté juive à créer des agences pour ses chômeurs et à porter une attention particulière à ses cols blancs. Cette situation ne semble pas provoquer la même réaction du côté de la communauté francophone, car, selon nous, aucune initiative visant à offrir une assistance adaptée aux cols blancs n’est mise sur pied. Quant à la communauté catholique anglophone, les initiatives en ce sens demeurent timides. Les cols blancs peuvent être logés au Catholic Men’s Hostel, endroit que la Federation of Catholic Charities a ouvert en septembre 1931, et obtenir de l’aide pour trouver un emploi en s’adressant au Montreal Catholic Employment Bureau66.

L’État québécois entreprend aussi quelques mesures pour venir en aide aux cols blancs à la recherche d’un emploi. En 1932, les responsables au ministère du Travail du Québec estiment que les cols blancs montréalais sont mal desservis par le bureau de placement provincial existant parce que le service est axé sur une clientèle ouvrière67. Pour remédier au problème, un nouveau bureau de placement destiné à l’usage exclusif des « collets blancs » ouvre ses portes en 1932, ce qui constitue une première au Québec68. La presse rapporte que, dès sa première journée d’activité, une centaine de cols blancs se présentent au bureau de placement69. Selon le surintendant des bureaux publics d’emploi de Montréal, Francis Payette, l’ouverture de ce bureau permet de « faire une sollicitation plus active », qui donne des « résultats remarquables »70.

Pendant la période sous étude, le rbuow constitue sans contredit la plus importante agence sociale pour cols blancs à Montréal. Entre 1931 et 1934, plus de 10 000 cols blancs font appel au rbuow pour se faire aider dans leur recherche d’emploi71. Comment expliquer qu’une telle initiative voit le jour au sein de la communauté protestante anglophone plutôt qu’au sein de la communauté catholique francophone? La situation peut s’expliquer par le fait qu’au sein de la population canadienne, les Canadiens d’origine britannique tiennent le haut du pavé dans le secteur du travail de bureau, de la finance et de l’ingénierie. En effet, en jetant un œil au recensement de 1931, il apparaît que chez les hommes, les Britanniques représentent 73 p. 100 des effectifs au sein du groupe des « commis de bureau », suivis respectivement des Canadiens d’origine française et des Canadiens d’origine allemande et autrichienne72. De plus, selon nous, la création de ce bureau au sein de la communauté protestante plutôt que catholique s’explique par les différences culturelles qui se manifestent dans les approches et les pratiques liées à la charité. Du côté des protestants, l’accent est mis sur la responsabilité individuelle et l’autonomie. L’assistance offerte doit permettre aux individus de se prendre en mains et de développer leurs forces, leur débrouillardise et leur indépendance pour se sortir de la pauvreté. Ces attributs sont développés et valorisés par l’entremise de programmes éducatifs et de services spécialisés73. À peu près les mêmes valeurs se retrouvent au sein de la communauté juive. Du côté des catholiques, non seulement les organismes sociaux possèdent moins de moyens financiers, mais aussi ils pratiquent la charité en mettant plutôt l’accent sur le don, la générosité et la famille74. Enfin, la création de ce bureau au sein de la communauté anglophone peut s’expliquer par le fait que, pendant les années 1920, c’est au sein de cette même communauté que les possibilités d’ascension sociale s’avèrent les meilleures, particulièrement chez les cols blancs75. Cette ascension sociale est d’ailleurs mise en péril par la crise économique et le chômage. La création du rbuow vise donc à atténuer les effets de la crise sur cette tranche de la classe moyenne en aidant les cols blancs à faire face aux difficultés financières et matérielles résultant du chômage. D’un point de vue symbolique, sa création vient renforcer l’idée que, en vertu de leur statut social, les cols blancs méritent d’être traités séparément des chômeurs de la classe ouvrière, traitement qui vient réaffirmer leur appartenance à la classe moyenne.

Les programmes de travaux publics

Certains cols blancs n’arrivant pas à trouver du travail se tournent alors vers les programmes de travaux publics mis sur pied par les autorités municipales. Ces programmes créés pour donner du travail aux chômeurs servent non seulement à aider les familles touchées par la crise, mais aussi à préserver la dignité et le moral des chômeurs. Entre décembre 1930 et septembre 1933, la Ville investit plus de onze millions de dollars dans des programmes de travaux publics pour aider les chômeurs76. Dans le cadre de ces travaux, la municipalité fait construire des urinoirs publics, des bains publics, de nombreux viaducs, tunnels et trottoirs. Toutefois, malgré ces importants investissements, les travaux de chômage ne peuvent procurer du travail à tous les chômeurs, ce qui pousse les autorités à restreindre l’accès aux emplois à certaines catégories de chômeurs. Ainsi, selon les directives établies par les autorités municipales, seuls les hommes mariés, pères de famille, et les célibataires, soutiens de famille, qui acquièrent la qualité de résidents de Montréal ont droit aux emplois des programmes de travaux publics77.

L’annonce des travaux publics suscite beaucoup d’espoir chez les chômeurs qui préfèrent de beaucoup travailler pour gagner leur vie plutôt que demander des secours directs78. Cependant, si les programmes de travaux publics créent de l’emploi, ils offrent essentiellement du travail « au pic et à la pelle ». Bien entendu, en tant que résidents de Montréal, les cols blancs mariés ont droit à ces emplois, mais la plupart d’entre eux sont peu, ou pas du tout, habitués à ce genre de travail. Si certains acceptent ces emplois, leur travail n’est pas toujours apprécié des entrepreneurs.

Todd McCallum nous rappelle que les historiens de la crise doivent porter attention aux liens entre l’État et les entreprises privées, car l’implication des entreprises privées dans le système d’assistance publique a un effet direct sur les chômeurs79. Dans le cas des travaux publics, les entrepreneurs en construction obtiennent de lucratifs contrats auprès de la Ville de Montréal. Cependant, certains d’entre eux se plaignent de perdre de l’argent parce que les chômeurs qui leur sont envoyés sont incapables de « lift a shovel » et qu’ils n’ont aucune expérience dans ce genre de travaux80. Ils menacent même la Ville de suspendre les travaux si des ouvriers plus forts ne leur sont pas attribués81. Cette logique capitaliste a un effet dévastateur pour les cols blancs qui cherchent du travail sur les chantiers de travaux publics. En effet, leur inexpérience et leur manque d’endurance physique réduisent considérablement leurs chances de trouver du travail, dès lors que les entrepreneurs pensent d’abord et avant tout à faire des profits plutôt qu’à donner du travail aux chômeurs. La presse montréalaise rapporte que sur certains chantiers, les chômeurs qui ne se montrent pas assez « vigoureux » sont victimes d’intimidation et même, congédiés. À Notre-Dame-de-Grâce et à Saint-Henri, la situation est telle que les chômeurs refusent d’y travailler82. Malgré les directives établies par la Ville, les contractants n’hésitent pas à préférer les chômeurs plus expérimentés, et même, dans certains cas, à refuser carrément d’embaucher des cols blancs sur leur chantier83. Il semble également que les chômeurs anglophones sont victimes de discrimination de la part de contremaitres francophones qui refusent de les embaucher84.

Les autorités municipales se disent conscientes que les emplois des travaux publics ne conviennent pas aux cols blancs. Pour pallier la situation, elles adoptent certaines mesures visant à favoriser l’embauche de cols blancs. Par exemple, en septembre 1931, le comité exécutif de la Ville adopte une résolution stipulant que tous les chantiers de travaux publics se verront attitrer un « assistant-contremaître ». Ces emplois sont destinés à des cols blancs mariés « assez avancés en âge, dignes de confiance et recommandés par une association de charité reconnue par la Cité de Montréal »85. Les autorités espèrent ainsi donner du travail à une centaine de cols blancs, ce qui s’avère très peu considérant que 3 000 à 4 000 chômeurs espèrent avoir un de ces emplois86. Toutefois, l’octroi de ces emplois est marqué par le favoritisme politique que pratiquent certains « échevins ». En conséquence, très peu des cols blancs recommandés par les organismes de charité peuvent profiter de cette initiative87. En fait, Normand Holland admettra en privé :

The Works that are started under the Unemployed Aid Act give a certain amount of help to the various kinds of labour, but these Works offer practically no assistance to the White Collar man. There are literally thousands of them out of work in Montreal alone. While we do not make statements of this description for publication, we have to admit the seriousness of the situation whenever an individual man comes to us for help. It really seems rather hopeless. We can send the working man to the various relief organizations, where he can at least obtain food, but there is nothing that we can do for the better class man88.

Outre l’implantation de ce type de mesures, certains cols blancs peuvent miser sur le développement de la bureaucratie municipale pour dénicher un emploi. En effet, la crise économique favorise la création de nouveaux services et départements municipaux liés à l’administration et à la distribution des secours directs89. À Montréal, la création de ces nouvelles entités représente des possibilités d’emploi pour de nombreux cols blancs au chômage, et les citoyens sont nombreux à faire pression sur leur « échevin » et les fonctionnaires pour obtenir un de ces emplois90. Par exemple, à partir de septembre 1931, les chômeurs montréalais qui désirent trouver du travail sur les chantiers de travaux de chômage doivent obligatoirement posséder une carte d’identité émise par la Ville91. Pour s’assurer que seuls les chômeurs montréalais possèdent cette carte, on établit le Bureau de révision de la carte d’identité. Son directeur, Alphonse Cool, dirige une équipe d’une centaine d’employés composée d’enquêteurs et de commis dont la tâche consiste à vérifier les cartes d’identité en circulation et à s’assurer qu’elles sont utilisées sur les chantiers. L’aventure s’avère toutefois de courte durée, car, à la suite de l’entrée en poste de la nouvelle administration élue lors des élections municipales tenues le 5 avril 1932, l’utilisation de la carte d’identité prendra fin. Il faut dire que ce système a connu de nombreux ratés. Ainsi, le 16 avril 1932, les 113 employés du Bureau de la révision de la carte d’identité trouvent porte close lorsqu’ils se présentent au travail, apprenant ainsi qu’ils sont au chômage92. Déçus, ils plaident leur cause auprès du président du comité exécutif de la Ville de Montréal, Joseph-Maurice Gabias, soutenant que le Bureau de révision de la carte d’identité demeure le seul endroit où les cols blancs au chômage peuvent trouver du travail93. La nouvelle administration ne fléchit pas. Le Bureau de la révision de la carte d’identité demeure fermé et ne sera rouvert qu’en 1934, soit après la réélection de Camilien Houde à la mairie. Sans emploi depuis deux ans, Alphonse Cool tentera d’ailleurs d’y être embauché, mais sans succès94.

Une autre opportunité se présentera en décembre 1932, alors qu’une « escouade de cols blancs » trouvent du travail lorsque les autorités municipales procèdent à l’enregistrement des familles de chômeurs95. Enfin, à partir de décembre 1933, moment où la Ville décide de donner des secours directs sous forme de chèques et de prendre en charge leur distribution, la bureaucratie associée à la gestion et la distribution de l’assistance connait une croissance spectaculaire. Cette extension a probablement pu profiter à certains cols blancs à la recherche d’un emploi, puisque les effectifs mobilisés par la Commission du chômage, qui étaient de 490 employés à l’été 1934, passent à 570 employés en 193696.

En somme, les travaux de chômage profitent peu aux cols blancs sans emploi, bien qu’ils se présentent régulièrement à l’un des bureaux de la Commission industrielle du chômage pour demander du travail. Si le développement de la bureaucratie municipale peut donner la chance à des cols blancs sans emploi de travailler, il n’en demeure pas moins que, pendant la crise, la demande dépasse largement l’offre.

« L’unionisme seul est la source de succès » : les associations pour cols blancs

En 1932, la grogne est manifeste chez certains cols blancs qui peinent à trouver du travail et qui vivent la honte de devoir s’en remettre à l’assistance publique. Face à un système d’assistance qu’ils jugent inadapté, injuste, humiliant et surtout axé sur les besoins de la classe ouvrière, plusieurs d’entre eux ont le sentiment d’être ignorés des autorités municipales, de ne pas être reconnus et respectés. En tant que membres de la classe moyenne, ils s’estiment en droit d’obtenir davantage de la part de la municipalité. Dans le but de forcer les autorités municipales à tenir compte de leurs intérêts et à reconnaitre leur valeur et leur place dans la société, des cols blancs s’organisent et mettent sur pied des associations. S’inspirant des traditions syndicales ouvrières, deux associations pour cols blancs voient le jour au cours de l’été 1932.

L’initiative vient du côté des francophones alors qu’Alphonse Cool, ancien directeur du Bureau de révision de la carte d’identité, fonde l’Association des Collets Blancs de la Cité de Montréal et qu’Hertel Larocque crée l’Association des gens de la classe moyenne. Lors d’une entrevue accordée au journal La Presse, Hertel Larocque explique que l’association est créée pour la raison suivante :

La plus grande partie des souscriptions ou des remèdes extraordinaires auxquels on a recouru dans le passé étaient au profit de la classe ouvrière et on sait que ça toujours été la classe moyenne qui a fourni le plus généreusement. Les travaux de chômage entrepris par la ville [sic] ou par la province ont bénéficié surtout à la classe ouvrière et tout l’argent reçu par les organismes de charité leur a été dévolu97.

Afin d’être en mesure de se faire entendre des autorités municipales, les cols blancs doivent être nombreux et doivent unir leurs forces. Pour Alphonse Cool et Hertel Larocque, il s’agit d’abord de convaincre les cols blancs des avantages à se regrouper en association. Lors d’une assemblée, le fondateur de l’Association des gens de la classe moyenne affirme : « Les ouvriers sont groupés en associations [sic] de même que les professionnels. Tous suivent cet exemple, pourquoi les gens de la classe moyenne n’emboîteraient-ils pas le pas98? » Il leur rappelle que les cols blancs n’obtiendront rien de la part des autorités publiques s’ils ne s’unissent pas et « s’ils ne revendiquent pas leurs droits avec énergie » 99.

Alphonse Cool tient le même genre de discours lorsqu’il présente son projet qui consiste à fonder l’Association des Collets Blancs de la Cité de Montréal :

Tous les corps de métiers ont leurs unions et les professionnels leurs associations qui les regroupent et les protègent [...] Mais les “collets blancs” ont toujours été laissés à eux-mêmes et aujourd’hui, ils souffrent peut-être plus que toutes les autres classes de notre société, parce que n’étant pas unis ils ne peuvent faire efficacement valoir leurs griefs et que les plaintes qu’ils portent individuellement, à l’hôtel de ville ou ailleurs, ne sont pas écoutées100.

Le travail de conscientisation chez les cols blancs représente un défi de taille. En effet, bien que le nombre d’employés de bureau connaisse une croissance fulgurante au cours des premières décennies du 20e siècle, très peu de ces employés, en 1930, sont syndiqués ou font partie d’une association qui défende leurs intérêts101. C’est pourquoi il n’est pas surprenant de retrouver des syndicalistes aux côtés des fondateurs des deux associations. Ainsi, Larcoque travaille en étroite collaboration avec l’avocat et syndicaliste, Bernard Rose, qui milite pour différentes causes, notamment pour la syndicalisation des employés de banque102. Ensemble, ils organisent de nombreuses assemblées aux quatre coins de la ville afin de sensibiliser les cols blancs aux avantages d’être regroupés en association. C’est d’ailleurs dans la foulée de ces assemblées que la West End Protective Association voit le jour avec comme objectif de venir en aide aux cols blancs des quartiers de Notre-Dame-de-Grâce, Snowdon, Westmount et Montréal-Ouest103. Il en va de même pour l’Association des gens de la classe moyenne de Verdun fondée le 8 octobre 1932104. Alphonse Cool, quant à lui, retient les services du syndicaliste, Albert Roy, afin de convaincre les cols blancs des bienfaits de l’unionisme. Lors d’une assemblée de recrutement, ce dernier rappelle aux cols blancs présents :

« Toutes les lois ouvrières que les gouvernements ont passées, l’ouvrier ne les doit pas à ses instances personnelles, mais à la pression que le groupe auquel il s’était uni a fait [sic] sur les représentants du peuple. Ce que des travailleurs pour la plupart sans instruction ont obtenu, ceux qui gagnent leur vie à l’aide de leur instruction sont capables de l’obtenir pour eux-mêmes à plus forte raison105. »

Le chômage et le mode de distribution des secours directs suscitent un vif mécontentement chez les chômeurs montréalais. À l’initiative de groupes communistes tels que la Workers’ Unity League ou de clubs ouvriers, les chômeurs manifestent leur insatisfaction en protestant, en organisant des manifestations et en dépêchant des délégations auprès des autorités municipales. Cette agitation sociale est fortement dénoncée par les autorités civiles et religieuses et réprimée par la police106. Alphonse Cool ressent donc le besoin de se dissocier de cette agitation sociale et de donner à son association une certaine légitimité. Ainsi, il obtient l’appui de certains membres du clergé catholique, qui n’hésitent pas à promouvoir le programme de l’association lors de leurs sermons. Il est même question d’implanter des groupes locaux dans chacune des paroisses. Il entreprend aussi des démarches afin de faire approuver l’association. C’est ainsi que l’Association des Collets Blancs de la Cité de Montréal est officiellement reconnu en tant que « société charitable » en septembre 1932107. Enfin, souhaitant que sa propre association soit dissociée de l’agitation sociale menée par des groupes de chômeurs, il déclare que les communistes et les socialistes ne sont pas les bienvenus au sein de l’association108.

La création de telles associations suscite de l’intérêt, dès lors que, après seulement quelques semaines d’activités, l’Association des Collets Blancs de la Cité de Montréal compte près de 500 membres et que l’Association des gens de la classe moyenne en compte environ 1 000109. Ces associations visent bien entendu à mobiliser les cols blancs pour qu’ils puissent défendre leurs intérêts économiques et sociaux, mais cherchent également à sensibiliser la population montréalaise au sort réservé aux cols blancs. En plus, d’attirer un certain nombre de curieux lors de leurs assemblées hebdomadaires, ces associations, dans le cadre de leurs activités, profitent d’une couverture médiatique dans les journaux et à la radio110.

Voir aux intérêts matériels des cols blancs et à leur dignité

Une des questions qui retient l’attention des associations est la distribution des secours directs, dont la responsabilité revient aux organismes de charité reconnus par les autorités municipales. L’Association des Collets Blancs de la Cité de Montréal et l’Association des gens de la classe moyenne critiquent le système d’assistance en place pour différentes raisons, notamment parce qu’elles estiment que les fonds destinés aux secours directs ne sont pas équitablement répartis et que les cols blancs ne reçoivent pas leur juste part. Alphonse Cool affirme qu’« on semble donner au mot chômeur la signification exclusive “d’ouvriers sans-travail”. L’aide que distribue [sic] la ville [sic] et les associations de charité va tout entière aux nécessiteux qui n’ont pas honte de dévoiler leur misère111. » L’affirmation selon laquelle les fonds ne sont pas répartis équitablement n’est cependant pas claire, car les cols blancs montréalais ont accès aux secours directs distribués par les organismes de charité. Le problème réside peut-être dans le fait que les secours offerts s’avèrent insuffisants pour permettre à une famille de la classe moyenne de maintenir un certain « standard of living ». Hertel Larocque met d’ailleurs en garde les autorités à ce propos : « Nous demanderons aux autorités de nous donner ce à quoi nous avons droit et s’ils ne nous l’accordent pas nous combattrons112. »

Selon les dirigeants des associations, non seulement le système d’assistance en place fait une mauvaise distribution des fonds, mais encore il contraint les cols blancs à subir l’humiliation de se présenter aux portes des organismes de charité qui prennent en charge les chômeurs de la classe ouvrière. Larocque soutient que « les gens de la classe moyenne ne doivent pas être secourus par des organisations de charité ordinaires. Les besoins de la classe ouvrière et ceux de la classe moyenne ne sont pas les mêmes et [leurs membres respectifs] ne doivent pas par conséquent être secourus de la même manière113. » Un des objectifs des associations est de s’assurer que les cols blancs ne ressentent pas de honte lorsqu’ils reçoivent de l’assistance. C’est pourquoi elles revendiquent l’idée de confier la responsabilité de distribuer les secours directs aux cols blancs à des organismes pour cols blancs114. Cette revendication est d’ailleurs défendue par l’Association des gens de la classe moyenne qui demande aux autorités municipales et provinciales que « l’administration des secours directs soit enlevée aux sociétés actuelles pour être livrée entre les mains de cette organisation »115. Néanmoins, malgré les pressions exercées par ces deux associations auprès des autorités municipales, leurs efforts demeurent vains. Dans les procès-verbaux de la Commission consultative du chômage, les demandes des associations ne sont mentionnées qu’à une seule occasion. Elles ne semblent d’ailleurs pas susciter l’enthousiasme de son président, Albert Chevalier, qui estime que « la campagne » entreprise par Alphonse Cool et Hertel Larocque doit être ignorée, car elle « n’a reçu aucune approbation officielle par les Autorités [sic] compétentes »116.

Ce revers n’empêche pas les associations d’offrir de l’assistance à leurs membres. Afin d’amasser des fonds, plusieurs activités sont organisées : spectacles de variétés, galas, encans, etc. Faute de sources disponibles, il est difficile de rendre compte de l’étendue de l’aide matérielle et financière que ces associations ont offerte à leurs membres. Alphonse Cool dira de l’Association des Collets Blancs qu’elle est une « Saint-Vincent-de-Paul d’un caractère spécial »117. Au cours de sa première année de fonctionnement, celle-ci aidera 25 familles à se loger pendant l’hiver en plus de fournir de l’assistance à une centaine de cols blancs118.

Du travail pour les cols blancs

L’autre question qui préoccupe les membres des associations est l’emploi. Comme nous l’avons vu plus haut, ceux qui font appel au rbuow trouvent difficilement un emploi, et les programmes de travaux publics ne s’avèrent pas avantageux pour les cols blancs. Un autre exemple illustrant le fait que les travaux publics offrent peu d’avantages aux cols blancs est cette nouvelle mesure adoptée à l’été 1933, dans le cadre de nouveaux travaux publics exigeant l’embauche de 6 000 chômeurs. Lors de l’annonce des travaux, les autorités municipales affirment pouvoir donner du travail aux cols blancs119. Toutefois, par souci d’économie, il est décidé que les emplois iraient en priorité aux pères de famille nombreuse (5 à 14 enfants)120. Cette nouvelle directive suscite de vives critiques. Selon certains, elle désavantage les chômeurs anglophones qui ont généralement une famille moins nombreuse que les chômeurs francophones121. D’ailleurs, la West End Protective Association considère cette mesure discriminatoire, car elle laisse peu de chances aux familles de la classe moyenne qui sont généralement plus petites que celles de la classe ouvrière. La West End Association se permet même de rappeler aux autorités que, en tant que contribuables, les gens de la classe moyenne paient plus de taxes que ceux de la classe ouvrière et que, pour cette raison, ils méritent plus de considération de la part des autorités122. Malgré ces protestations, la politique d’embauche reste toujours en vigueur quelques mois plus tard123. Si les associations critiquent le fait que les autorités font peu de choses pour offrir des emplois aux chômeurs de la classe moyenne, elles ont peu de solutions à leur proposer pour remédier au problème. En fait, la seule solution clairement formulée en ce sens est proposée par l’Association des Collets Blancs de la Cité de Montréal.

Le retour des femmes au foyer

Pendant la crise, alors que les emplois se font rares, la présence des femmes sur le marché du travail est perçue par plusieurs comme une des causes de la crise économique et comme une menace pour l’ordre sociétale. Partout au Canada, des femmes, des hommes, des associations ainsi que des syndicats débattent de la question et condamnent le fait que des femmes, surtout les femmes mariées, occupent un emploi, alors que des milliers d’hommes sont au chômage. Reprenant le discours sur l’idéologie des sphères séparées (femme/sphère domestique – homme/sphère publique), plusieurs citoyens et citoyennes font pression sur leurs élus afin qu’une règlementation plus stricte soit adoptée concernant le travail salarié des femmes124. Le Québec n’échappe pas à ce débat et sera même la seule province où un projet de loi sera proposé en ce sens.

À l’automne 1933, l’Association des Collets Blancs de la Cité de Montréal se dote de son propre journal : le Bulletin de l’Association des Collets Blancs de la Cité de Montréal. Le premier numéro, publié en septembre 1933, est entièrement consacré au projet concernant le retour des femmes au foyer125. On peut y lire qu’il faudrait remplacer les femmes et les jeunes filles au travail par des chômeurs étant donné qu’un trop grand nombre d’entre elles travaillent « pour le luxe et la toilette » et que des milliers d’hommes sont sans emploi. On estime qu’à Montréal seulement, 100 000 femmes occuperaient un emploi, dont 15 000 dans les bureaux. En remplaçant ces femmes par des chômeurs, il serait alors possible de faire disparaitre le chômage126. Dans cette optique, l’Association des Collets Blancs demande que le gouvernement provincial adopte un projet de loi qui limiterait le travail salarié des femmes et des jeunes filles.

Dans sa campagne pour le retour des femmes au foyer, l’Association des Collets Blancs de la Cité de Montréal fait pression auprès du gouvernement provincial et trouve un allié important en Joseph Achille Francoeur, le député provincial de Montréal-Dorion. Soutenant l’idée de « remettre les choses en place en redonnant à l’homme marié et aux garçons les postes qu’ils occupaient dans le passé » et considérant que « l’invasion des femmes dans le travail » constitue l’une des causes de la crise économique, le député de Montréal-Dorion portera et défendra le dossier à l’Assemblée législative127. En janvier 1933, lorsque le député présentera une première motion en ce sens, celle-ci sera adoptée128.

À la suite de l’adoption de la motion, l’association sollicitera une rencontre avec le ministre du Travail du Québec, Charles-Joseph Arcand, afin d’avoir son opinion sur la question du travail salarié des femmes et de débattre sur le sujet. Lors de cette rencontre, Alphonse Cool est accompagné de délégués d’associations, véritables « sympathisants » pour le projet129. Nous en connaissons peu sur la teneur des discussions. Par contre, nous savons que le ministre a demandé à la délégation de lui envoyer par écrit un projet de loi concernant le travail salarié des femmes130.

L’association ne perd pas de temps, car, dès le mois suivant, elle fait parvenir au ministre une résolution adoptée en assemblée exposant le projet de loi131. Il est demandé de créer une commission qui aurait le pouvoir d’« enquêter partout où travaillent les femmes » et d’obliger les employeurs à fournir une liste de leurs employés incluant des informations concernant « leur âge, leurs moyens d’existence, leurs revenus ainsi que ceux qui dépendent d’eux pour vivre »132. Cette commission déciderait par la suite si les femmes dont les noms apparaissent dans les listes fournies par les employeurs sont en droit ou non de travailler. Dans le cas où ce droit leur serait accordé, elles se verraient remettre un certificat confirmant la décision de la commission. Dans le cas contraire, un avis serait envoyé à l’employeur spécifiant qu’il a le droit de remplacer son employée par un employé qualifié133.

Les espoirs d’Alphonse Cool sont déçus, car, bien que le ministre estime le travail fait par l’association excellent, il pense qu’« il est puéril de tenter la règlementation de l’emploi des filles et des femmes d’après le critère de leurs charges de famille »134. Le refus de la part du ministre du Travail d’endosser un projet de loi visant à limiter le travail salarié des femmes n’empêche pas le député J.-A. Francoeur de présenter une seconde motion aux membres de l’Assemblée législative. Francoeur qui se targue de servir les « vrais intérêts de la femme » demande au gouvernement de trouver un moyen pour que les pères de famille soient embauchés avant les hommes célibataires et pour que les hommes soient préférés aux femmes n’ayant pas d’obligations familiales135. Pour une seconde fois, une motion visant à limiter le travail salarié des femmes est adoptée par les membres de l’Assemblée législative136.

La question du travail des femmes provoque d’importants débats à l’Assemblée législative. Les députés en faveur d’une législation restreignant le travail des femmes affirment que la femme qui travaille « pour être libre, pour avoir plus de confort » prend la place des jeunes hommes instruits, des techniciens et des cols blancs. Le député de Montréal-Laurier, Ernest Poulin, s’inquiète, comme plusieurs de ses homologues, du sort de cette jeunesse : « Allons-nous faire une génération de fainéants, voués à tous les vices137? »

La question est aussi débattue par les citoyens qui sont nombreux à écrire à leurs élus pour faire valoir leur point de vue sur le sujet. Par exemple, en 1934, un groupe de citoyens de Montréal écrit une lettre au premier ministre du Québec, Louis-Alexandre Taschereau, dans laquelle il est demandé au gouvernement de mettre un frein au travail salarié des femmes, surtout en ce qui concerne les femmes mariées. « Faites le tour des compagnies, tel [sic] que le [sic] Montreal Power, le [sic] Montreal Trust, vos bureaux du Gouvernement, tel que Bureau de Poste [sic], Douanes [sic], etc. et vous verrez là un grand nombre de femmes qui travaillent138... » Ils rassurent le premier ministre sur leur capacité à remplacer ces femmes : « Donnez-nous la place de ces personnes et vous verrez que nous aurons autant de cœur qu’elles et nous saurons les remplacer avantageusement139. »

Il est évident que certains cols blancs n’hésiteraient pas à occuper un emploi dit féminin. Ce phénomène est relevé par l’historien Clark Davis qui s’est penché sur la culture des grandes entreprises de Los Angeles du début du 20e siècle. Il remarque que, pendant la crise économique des années 1930, les cols blancs sans emploi sont nombreux à accepter de prendre les postes généralement occupés par des femmes140. Le fait que des hommes désirent occuper des emplois généralement occupés par des femmes ne passent pas inaperçu. Par exemple, une lectrice du journal Le Devoir affirme que les cols blancs qui occuperaient les emplois de sténographe ou de téléphoniste cédés par les femmes ne seraient pas à leur place. Elle leur rappelle qu’« ils auraient dû au début de leur carrière envisager des travaux destinés aux hommes et faire usage de leurs biceps au lieu de devenir “gratte-papier” »141.

D’autres voix s’élèvent contre le projet de loi. Le député Francoeur affirme d’ailleurs : « J’ai été en butte à plusieurs attaques de la part de clubs et de ligues féminines pour avoir exprimé mes opinions [...] sur cette brûlante question. […] Quelques journaux m’ont aussi attaqué sur le sujet142. » Selon l’historienne Margaret Hobbs, le Montreal Council of Women s’avère particulièrement actif dans ce dossier et mène une campagne vigoureuse pour le droit au travail des femmes143. Chez les francophones, Idola Saint-Jean, présidente de l’Alliance canadienne pour le droit de vote des femmes du Québec, manifeste son opposition et se fait un point d’honneur de défendre le droit au travail de « la moitié de la population ». Lors d’une conférence radiophonique, elle rappelle à l’auditoire que « le jeune homme n’a jamais à dire s’il est fils de pauvre ou de millionnaire quand il prend une position ». La femme, soutient-elle, est seule apte à décider dans quelle « sphère d’activité [...] elle se sent le [sic] mieux équipée »144.

Malgré l’opposition qu’un tel projet suscite en janvier 1935, le député Joseph Achille Francoeur revient à la charge et propose un projet de loi visant à interdire l’embauche des femmes lorsque « le travail n’est pas nécessaire à leur subsistance »145. Bien que la plupart des députés s’entendent sur le fait que la femme, en travaillant, s’éloigne de sa mission sociale de reine du foyer, l’idée d’adopter une loi visant à limiter son droit au travail salarié ne fait pas l’unanimité. Le ministre du Travail y est d’ailleurs toujours aussi farouchement opposé :

Est-ce que nous en sommes rendus à la dictature allemande? [...] Nous ne pouvons pas décréter que telle ou telle fille ne peut travailler. La femme a des droits sacrés, tout comme l’homme […] elle a le droit et l’obligation de travailler tout comme l’homme. […] Je ne connais aucun gouvernement qui puisse se permettre d’empêcher qui que ce soit de travailler146.

Le projet de loi est rejeté par une majorité de députés, soit 47 voix contre 16147. Cette défaite ne manque pas de plaire aux membres de la Ligue des droits de la femme, qui remercient le ministre du Travail « du fond du cœur » d’avoir voté contre le projet de loi148.

Comme c’est souvent le cas pour les associations qui voient le jour dans un contexte précis et qui souvent ne perdurent pas au-delà des circonstances qui mènent à leur création, ces dernières ne laissent malheureusement que peu de traces concernant leurs activités, leur fonctionnement au quotidien ou leurs membres. Faute de documentation, il demeure difficile de mesurer l’impact réel qu’elles ont auprès des cols blancs et des autorités municipales. Le rapport de force qu’elles espèrent créer en unissant les cols blancs ne semble pas s’être concrétisé si on considère qu’aucun changement n’est apporté ni dans les programmes de travaux publics ni en ce qui concerne le financement et la distribution des secours directs. Il est aussi difficile de savoir ce qui advient de ces associations, car leur trace est perdue dans les journaux. Selon les sources, l’Association des Collets Blancs existe toujours en 1937, mais Alphonse Cool n’occupe plus le poste de président149.

Néanmoins, nul doute que ces associations savent faire entendre les préoccupations et les revendications de leurs membres sur la place publique comme en témoigne la couverture médiatique sur leurs activités, du moins au début. Il est aussi permis de croire que ces associations font une différence dans la vie de certains cols blancs, ne serait-ce qu’en leur offrant de l’aide matérielle ou en les aidant à trouver du travail. Plus encore, elles constituent aussi probablement un lieu de rencontre où les cols blancs concernés par la crise peuvent trouver une forme de soutien moral, un lieu d’échange où ceux-ci peuvent partager leurs difficultés et les défis auxquels ils doivent faire face et un lieu de discussion où ils peuvent débattre sur les moyens et les stratégies qu’ils doivent adopter pour se faire entendre des autorités municipales. Bien que nous sachions peu de choses sur ces associations, nous pouvons dire que leur création rend compte du mécontentement des cols blancs envers l’administration municipale et du développement de nouvelles formes de moyens de pression chez cette catégorie de travailleurs. Le fait qu’elles aient existé met également en lumière l’inquiétude des cols blancs quant à l’avenir et à leur désir de maintenir leur place au sein de la classe moyenne et dans la société. Enfin, la création d’associations pour les cols blancs témoigne du processus de construction et d’affirmation de l’identité de la classe moyenne.

Conclusion

Les cols blancs de Montréal sont certes moins nombreux à être touchés par la crise économique que les travailleurs de la classe ouvrière. Le spécialiste en sciences sociales, Leonard C. Marsh, affirme que les cols blancs de l’époque « appear to have been affected by the depression more in status than in numbers »150. Néanmoins, comme le démontre cet article, il demeure indéniable qu’ils subissent les contrecoups de la crise et que la crainte d’un déclassement social occupe une place centrale dans leur compréhension du problème et dans leur façon de réagir. En effet, même si, tout comme les cols bleus, les cols blancs dépendent d’un salaire et sont vulnérables au chômage, ils ne s’identifient pas moins à la classe moyenne. La crise et le chômage, de même que la manière dont est conçu le système d’assistance publique en place, menacent leur position sociale et leur appartenance à la classe moyenne. Sans conteste, le choc est dur pour les cols blancs qui se retrouvent sans ressources et qui doivent se résoudre à faire appel à l’assistance publique pour subvenir à leurs besoins. En plus d’être aux prises avec une situation financière difficile impliquant des changements dans leur style de vie, ils subissent également la honte de devoir demander l’assistance publique aux côtés des chômeurs de la classe ouvrière, une situation embarrassante qui contribue à brouiller les frontières de classe.

En réaction et pour réaffirmer leur appartenance à la classe moyenne, les cols blancs veulent se différencier des chômeurs de la classe ouvrière et rétablir les frontières entre les classes sociales. Cette différenciation apparaît notamment sous la forme d’un discours réitérant leur appartenance à la classe moyenne, leur place dans la hiérarchie sociale et leur valeur morale. Cette volonté de se distinguer de la classe ouvrière passe également par la création d’associations pour cols blancs dont l’objectif est de défendre leurs intérêts auprès des autorités municipales et de réaffirmer l’existence et la pertinence de la classe moyenne. Elle se manifeste par la critique du système d’assistance publique et par des revendications en vue d’obtenir des programmes d’assistance adaptés aux besoins des cols blancs. Elle s’exprime par le besoin de maintenir une apparence physique et un style de vie qui correspondent aux critères de respectabilité de la classe moyenne. Les responsables de la charité de la communauté protestante participent aussi à ce processus en mettant sur pied la plus importante agence sociale pour les cols blancs sans emploi.

D’après nos observations sur l’expérience des cols blancs durant la crise et leur façon de réagir, il semble indéniable que leur compréhension des évènements est façonnée par leur appartenance à la classe moyenne. En étudiant les enjeux de classe qui marquent cette période difficile, nous avons pu témoigner de l’expérience des cols blancs de la classe moyenne, de leurs craintes, de leurs aspirations et de leur vision de la société. Une telle approche nous a également permis d’expliquer la création d’associations telles que l’Association des gens de la classe moyenne, la mise sur pied du Registration Bureau for Unemployed Office Workers et les efforts accomplis par les responsables des agences sociales comme le rbuow pour venir en aide à cette nouvelle catégorie de chômeurs.

Je souhaite remercier Jarrett Rudy, Mary Anne Poutanen et Hélène Poulin-Mignault pour avoir commenté des versions préliminaires, les évaluateurs anonymes pour leurs commentaires, le Fonds de recherche du Québec – Société et culture et le Groupe d’histoire de Montréal pour avoir financé cette recherche.


1. Montreal Gazette, 16 décembre 1931.

2. La seule étude portant sur la crise économique des années 1930 qui s’attarde quelque peu au cas des cols blancs est la suivante : Anne Frances MacLennan, Charity and Change : The Montreal Council of Social Agencies’ Attempts to Deal with the Depression, mémoire de maîtrise. Université McGill, 1984. Quelques études pour en savoir plus sur la crise économique au Québec : Denyse Baillargeon, Ménagères au temps de la crise (Montréal : Les Éditions remue-ménage, 1991); Andrée Lévesque, Virage à gauche interdit. Les communistes, les socialistes et leurs ennemis au Québec, 1929–1939 (Montréal : Boréal Express, 1984); Sylvie Tascherau, « Les années dures » dans Dany Fougères, dir., Histoire de Montréal et de sa région (Sainte-Foy : Presses de l’Université Laval, 2012), 805–834; Suzanne Clavette, Des bons aux chèques : aide aux chômeurs et crise des années 1930 à Verdun, mémoire de maîtrise. Université du Québec à Montréal, 1986. Pour le Canada anglais, voir la bibliographie suivante : Lara Campbell, Respectable Citizens. Gender, Family, and Unemployment in Ontario’s Great Depression (Toronto : University of Toronto Press, 2009).

3. Le Canada, 4 mars 1932.

4. Voir notamment Eric Strikwerda, The Wages of Relief. Cities and the Unemployed in Prairie Canada, 1929–1939 (Edmonton : Athabasca University Press, 2013); Todd McCallum, Hobohemia and the Crucifixion Machine. Rival Images of a New World in 1930’s Vancouver (Edmonton : Athabasca University Press, 2014); Campbell, Respectable Citizens; Katrina Srigley, Breadwinning Daughters. Young Working Women in a Depression-Era City, 1929–1939 (Toronto : University of Toronto Press, 2010).

5. Campbell, Respectable Citizens, 57–83; Baillargeon, Ménagères au temps, 198–212.

6. Srigley, Breadwinning Daughters.

7. Paul-André Linteau, Histoire de Montréal depuis la Confédération (Montréal : Boréal, 2000), 335–336.

8. Sébastien Couvrette, Le récit de la classe moyenne. La publicité des quotidiens montréalais, 1920–1970 (Montréal : Leméac Éditeur, 2014).

9. Sur le concept des identités, voir Tristan Landry, « Introduction » dans Tristan Landry, dir., Identités : construction, négociations, négations (Québec : Presses de l’Université Laval, 2014), 1–15.

10. Université Concordia. Gestion des documents et des archives (ci-après ucgda), P145, Fonds ymca Montreal, ha 2000, Dossier Registration Bureau for Office Workers. Weekly Reports.

11. Par exemple, en 1931, un commis de bureau montréalais, âgé entre 20 et 24 ans, gagne un salaire annuel moyen de 898 $, un agent d’assurance, 1 151 $ et un comptable, 1 241 $, alors qu’un commis de bureau, âgé entre 35 et 44 ans, gagne en moyenne 1 531 $. Quant aux femmes commis de bureau, âgées entre 20 et 24 ans, elles peuvent compter sur un salaire annuel moyen de 731 $. Voir Canada, Bureau fédéral de la statistique, Septième recensement du Canada (Ottawa 1931), vol. V, tableau 34. Outre le genre et l’âge, l’ethnicité a aussi un impact sur les salaires. Comme l’a souligné l’historien Ronald Rudin, les francophones gagnent moins que les employés anglophones dans le secteur bancaire montréalais, notamment parce que les employés anglophones sont plus en demande que les employés francophones. Voir Ronald Rudin, « Bankers’ Hours : Life Behind the Wicket at the “Banque d’Hochelaga”, 1901–1921 », Labour/Le Travail, 18 (1986), 71; Voir aussi Michèle Dagenais, « Itinéraires professionnels masculins et féminins en milieu bancaire : le cas de la Banque d’Hochelaga, 1900–1929 », Labour/Le Travail, 24 (1989), 45–68; Mario Nigro et Clare Mauro, « The Jewish Immigrant Experience and the Practice of Law in Montreal, 1830 to 1990 », McGill Law Journal, 44 (1999), 999–1046.

12. Comme les historiens de la crise l’ont souligné, les statistiques disponibles concernant le chômage sont incomplètes et ne reflètent pas exactement l’ampleur de la situation. Voir Andrée Lévesque, Virage à gauche, 20–21.

13. James Struthers, No Fault of their Own. Unemployment and the Canadian Welfare State, 1914–1941 (Toronto : University of Toronto Press), 1983, 45–46.

14. La Loi sur l’assistance-chômage, votée en 1930, permet au gouvernement fédéral d’octroyer une somme de 20 millions de dollars. Les municipalités doivent assumer 50 p. 100 des coûts des travaux publics, le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral se partagent le reste des coûts à parts égales, soit 25 p. 100. Les coûts des programmes d’assistance publique (secours directs) sont assumés à parts égales (1/3) par les trois paliers de gouvernement.

15. Dennis Guest, The Emergence of Social Security in Canada (Vancouver : University of British Columbia Press, 1980), 87.

16. Archives de la Ville de Montréal (ci-après avm), vm006, Fonds Service du greffe, S9, D 357, Dossier Assistance- chômage, Commission consultative du chômage, procès-verbal, 16 mai 1933.

17. avm, vm006, Fonds Service du greffe, S9, D 357, Dossier Commission consultative du chômage, procès-verbal, 18 janvier 1931. Selon le recensement canadien de 1931, entre le 1er juin 1930 et le 1er juin 1931, 6 745 cols blancs de Montréal (14,78 p. 100) (selon mes propres calculs) connaissent des épisodes de chômage à cause du manque de travail. Voir Canada, Bureau fédéral de la statistique, Septième recensement du Canada (Ottawa 1931), vol. VI, tableau 36.

18. Joseph Schull, Les cent premières années de Sun Life du Canada, compagnie d’assurance-vie (Québec : Presses de l’Université Laval, 1971), 67, 75.

19. avm, vm014, Fonds Commission industrielle du chômage, D 2-7-1, lettre de Norman Holland à C.A. Wylie (Executive Director, The Montreal Boys’ Association), 4 février 1932.

20. Pour en savoir davantage sur le développement du réseau d’assistance privé à Montréal, voir Huguette Lapointe-Roy, Charité bien ordonnée. Le premier réseau de lutte contre la pauvreté à Montréal au 19e siècle (Montréal : Boréal, 1987); Dorothy Aikin, The Role of the Montreal Council of Social Agencies in the Establishment of Public Assistance, mémoire de maîtrise. University of Chicago, 1950; Amélie Bourbeau, Techniciens de l’organisation sociale. La réorganisation de l’assistance catholique privée à Montréal, 1930–1974 (Montréal : McGill-Queen’s University Press, 2015); Yolande Cohen, Femmes philanthropes. Catholiques, protestantes et juives dans les organisations caritatives au Québec, 1880–1945 (Montréal : Presses de l’Université de Montréal, 2010).

21. La Commission consultative du chômage existera de novembre 1930 à août 1933. Voir avm, vm006, Fonds Service du greffe, S9, D004, Dossier Rapport majoritaire et minoritaire de la Commission d’enquête du chômage, 1937.

22. À partir de 1933, ce sont les autorités municipales qui auront la responsabilité de distribuer les secours directs. Ces dernières décideront d’abandonner les bons échangeables pour les remplacer par des chèques. À partir d’août 1934, le chômeur célibataire qui est reconnu en tant que résident de Montréal a aussi droit au secours direct sous forme de chèques.

23. Baillargeon, Ménagères au temps, 205.

24. Baillargeon, Ménagères au temps, 204.

25. Pour en savoir plus sur la création du refuge municipal Meurling, voir Marcela Aranguiz, « Les pouvoirs urbains et la prise en charge des vagabonds à Montréal : le cas du refuge municipal Meurling, 1914–1929 », Déviance et Société, 29, nº 2 (2005), 181–199.

26. Pour en savoir davantage sur ce refuge, voir Sonya Roy, Contrôler les frontières de la Cité : les autorités montréalaises et le phénomène des chômeurs migrants, 1930–1935, thèse de doctorat (en cours), Université McGill.

27. Bryan D. Palmer et Gaétan Héroux, Toronto’s Poor. A Rebellious History (Toronto : Between the Lines, 2016); McCallum, Hobohemia and the Crucifixion Machine; Strikwerda, The Wages of Relief ; Aranguiz, « Les pouvoirs urbains et la prise en charge des vagabonds à Montréal ».

28. Donald Avery, Dangerous Foreigners. European Immigrant Workers and Labour Radicalism in Canada, 1896–1932 (Toronto : McClelland and Stewart Limited, 1979); Barbara Roberts, Whence they Came. Deportation from Canada, 1900–1935 (Ottawa : University of Ottawa Press, 1988); Dennis G. Molirano, An Exceptional Law. Section 98 and the Emergency State, 1919–1936 (Toronto : University of Toronto Press, 2017).

29. Il s’agit du refuge Belmont. Il sera en fonction de juin 1933 à juillet 1934.

30. Dès l’ouverture du refuge Vitré, en 1931, des chômeurs se plaignent de la nourriture, des conditions sanitaires et de l’attitude méprisante du gérant du refuge. Voir The Worker, 26 septembre 1931; The Worker, 10 décembre 1932. En 1933, une émeute impliquant près de 400 chômeurs éclate au refuge et cause plus de 300 $ de dommage matériel. Voir La Patrie, 8 février 1933; Le Canada, 16 février 1933.

31. La Revue populaire, février 1933, 9.

32. avm, vm006, Fonds Service du greffe, S9, D 357, Dossier Commission consultative du chômage, procès-verbal, 21 avril 1933.

33. McGill University Archives (ci-après mga), mg 2076, Fonds Montreal Council of Social Agencies, Dossier Report of Special Committee on Unemployment, January 1st, to au 31 décembre 1932.

34. ucgda, P145, Fonds ymca Montreal, ha 2000 (documents non traités), Dossier Unemployment Registration Bureau, The Work of the Central Registration Bureau for Unemployed Office Workers, Winter of 1930–31.

35. ucgda, P145, Fonds ymca Montreal, ha 2000, Dossier The Work of the Central.

36. mga, mg 2076, Fonds Montreal Council of Social Agencies, Dossier Report of Special Committee on Unemployment, January 1st, to December 31st, 1931. Les femmes employées de bureau à la recherche d’un emploi sont prises en charge par le ywca. Voir Montreal Council of Social Agencies, Welfare Work in Montreal in 1931 (Montréal : Montreal Council of Social Agencies, 1931), 41.

37. ucgda, P145, Fonds ymca Montreal, ha 2000, Dossier The Work of the Central; Terry Copp, « Montreal’s Municipal Government and the Crisis of the 1930’s » dans Alan F. J. Artibise et Gilbert A. Stelter, dir., The Usable Urban Past : Planning and Politics in the Modern Canadian City (Toronto : Macmillan, 1979), 116.

38. ucgda, P145, Fonds ymca Montreal, ha 2000, Dosssier The Work of the Central.

39. mga, mg 2076, Fonds Montreal Council of Social Agencies, Dossier Report of Special Committee on Unemployment, January 1st, to December 31st, 1931.

40. ucgda, P145, Fonds ymca Montreal, ha 2000, Dossier The Work of the Central.

41. mga, mg 2076, Fonds Montreal Council of Social Agencies, Dossier Report of Special Committee on Unemployment, January 1st, to December 31st, 1933.

42. ucgda, P145, Fonds ymca Montreal, ha 2000, The Work of the Central.

43. ucgda, P145, Fonds ymca Montreal ha 2000, Dossier The Work of the Central.

44. Au refuge Vitré, on sert entre 6 000 et 10 000 repas par jour. Comme la cafétéria ne possède que 450 places, les chômeurs doivent manger rapidement afin de laisser leur place à ceux qui font la file. Voir avm, vm006, Fonds Service du greffe, S9, D 8-15, Dossier Refuges publics, lettre de Hood au Dr Boucher (directeur des services de santé de la ville), 15 février 1933.

45. ucgda, P145, Fonds ymca Montreal, ha 2000, Dossier The Work of the Central.

46. ucgda, P145, Fonds ymca Montreal, ha 2000, Dossier Unemployment – Registration bureau, Report for the month of February 1932.

47. ucgda, P145, Fonds ymca Montreal, ha 2000, Dossier Minutes of the Meeting of the Metropolitan Unemployment Committee, 15 septembre 1932.

48. Todd McCallum a abordé cette notion en affirmant que l’assistance offerte sous une autre forme que celle de l’argent prive le chômeur de sa liberté de choisir étant donné qu’elle a pour objet de les encadrer en les excluant du « free market of goods and services ». Voir McCallum, Hobohemia and the Crucifixion Machine, 158–159.

49. Pendant la crise économique, 31 125 immigrants sont expulsés du Canada. Un certain nombre, soit 17 555, parce qu’ils étaient devenus une charge publique. Voir Canada Year Book, 1940, tableau 13, 160. Pour une histoire détaillée des pratiques et des mécanismes de déportation au Canada, voir Roberts, Whence they Came.

50. Nous n’avons pas de données concernant le refuge Vitré, mais, en ce qui concerne le refuge Meurling, 698 signalements aux fins de déportation sont émises entre 1929 et 1932. Voir Christine Elie, The City and the Reds : Leftism, the Civic Politics of Order, and a Contested Modernity in Montreal, 1929–1947, thèse de doctorat. Queen’s University, 2015, 132; Rapport du Service de santé de la Cité de Montréal, 1930 à 1935. Rapport annuel du Service de police de la Cité de Montréal, 1932–1935. Il faut toutefois souligner que, dans la pratique, ce ne sont pas tous les immigrants devenus une charge publique qui sont signalés ou déportés. Le Bureau de l’assistance publique de Montréal signale 2 888 immigrants entre 1930 et 1939, et 1 225 parmi eux sont déportés. Voir le Rapport du Service de santé de la Cité de Montréal, 1930 à 1939.

51. Leo R. Chavez. Shadowed Lives. Undocumented Immigrants in American Society (Fort Worth : Harcourt Brace College Publishers, 1998); Nathalie Peutz et Nicolas De Genova, dir., The Deportation Regime. Sovereignty, Space, and the Freddom of Movement (Durham & London : Duke University Press, 2010); Nicholas De Genova, « Migrant “Illegality” and Deportability in Everyday Life », Annual Review of Anthropology, 31 (2002), 419–447.

52. À propos des camps de travail pour chômeurs, voir Lorne Brown, When Freedom Was Lost, the Unemployed, the Agitator and the State (Montréal : Black Rose, 1987).

53. François Bisson, La gestion des chômeurs célibataires sans-abri au cours de la dépression : le cas du camp de secours de Valcartier, 1932–1936, mémoire de maitrise. Université du Québec à Montréal, 1999, 90–91.

54. Au début du mois de mai 1933, neuf cols blancs figurent parmi les chômeurs inscrits pour être enrôlés au camp de travail de Petawawa. Archives nationales du Canada, RG24, Department of National Defense –Unemployment Relief Scheme, volume 3079, Petawawa Project 40, Nominal roll « Unemployed Relied Draft, Montreal to Petawawa, May 5 » et Nominal roll « Unemployed Relied Draft, Montreal to Petawawa, May 11,1933 ».

55. ucgda, P145/02D, Fonds ymca Montreal, Dossier Annual Reports (82nd Annual Report), 1932–1933, 7.

56. ucgda, P145, Fonds ymca Montreal, ha 2000, Dossier Unemployment – Registration bureau, rapport de la semaine se terminant le 17 décembre 1932.

57. ucgda, P145, Fonds ymca Montreal, ha 2000, Dossier The Work of the Central.

58. Rudin, « Bankers’ Hours »,  71.

59. ucgda, P145, Fonds ymca Montreal, ha 2000, Dossier The Work of the Central.

60. Pierre Anctil, Le rendez-vous manqué : les Juifs de Montréal face au Québec de l’entre-deux-guerres (Québec : Institut québécois de recherche sur la culture, 1988), 46–47; David Rome, Clouds in the Thirties : On Antisemitism in Canada, 1929–1939 : A Chapter on Canadian Jewish History (Montréal, 1977–1981), vol. 2.

61. L. Rosenberg, Canada’s Jews : A social and Economic Study of the Jews in Canada (Montréal : Canada Jewish Congress, 1939), 245; Nigro et Mauro, « The Jewish Immigrant Experience », 999–1046.

62. The Canadian Jewish Chronicle, 25 octobre 1929. Pour en savoir davantage sur la montée du mouvement antisémite à Montréal, voir Pierre Anctil, Le Montréal Juif entre les deux guerres (Sillery : Septentrion, 2001).

63. The Canadian Jewish Chronicle, 25 octobre 1929; Canadian Jewish Archives (ci-après cja), mb1, Fonds Federation of Jewish Philanthropies, B-2, Dossier fjp – Vocational Guidance, lettre à M. Safran, 16 décembre 1929.

64. cja, mb1, Fonds Federation of Jewish Philanthropies, B-2, Dossier  Unemployment, businessmen’s Council, 1932, Dossier Procès-verbaux du comité du chômage, 31 janvier 1932.

65. L’étude a démontré que, lors de leur dernier emploi, seulement 26 p. 100 des Anglais et 23 p. 100 des Écossais gagnent moins de 20 dollars par semaine, alors que ce taux se situe à 43 p. 100 chez les cols blancs canadiens. Voir Lloyd G. Renolds, The British Immigrant : His Social and Economic Adjustment in Canada (Toronto : Oxford University Press, 1935), 187–189.

66. Bourbeau, Techniciens de l’organisation sociale, 78; Ce bureau d’emploi dessert toutes les catégories de travailleurs de la communauté. En janvier 1932, 756 chômeurs y sont inscrits, dont 58 cols blancs. Voir Reynolds, The British Immigrant, 319.

67. Pour en savoir plus sur l’implantation des bureaux de placement au Québec voir François Bisson, L’État et le placement des chômeurs au Québec. Les premiers bureaux d’emploi publics, 1909–1932, thèse de doctorat. Université du Québec à Montréal, 2007.

68. Le Canada, 9 septembre 1932.

69. Le Canada, 20 septembre 1932.

70. Au cours des dix premiers mois d’activité, 2 558 cols blancs utilisent les services du bureau. Sur ce nombre, 766 chômeurs trouvent du travail. Voir Bibliothèque et archives nationales du Québec, centre de Québec (ci-après banq-q), E24, Fonds du ministère du Travail, E-9/33-34, Dossier Rapport annuel des opérations du Service de placement de la province de Québec, pour l’année fiscale se terminant le 30 juin 1933.

71. Harold C. Cross, One Hundred Years of Service with Youth. The Story of the Montreal YMCA (Montréal : s.é., 1951), 294.

72. Canada, Bureau fédéral de la statistique, Septième recensement du Canada (Ottawa 1931), vol. vii, tableau 49.

73. Par exemple, en plus d’offrir des chambres à prix réduit, des abonnements gratuits ainsi que des activités sociales et éducatives, le ymca met ses installations (salle de lecture, gymnases, piscine, etc.) à la disposition des chômeurs. Voir ucgda, P145, Fonds ymca Montreal, D2, Dossier Rapport annuel, 1930–1939.

74. Lucia Ferretti, « Les agences sociales à Montréal, 1932–1971 », Études d’histoire religieuse, 66 (2000), 69–88; Susan Traverso, Welfare Politics in Boston, 1910–1940 (Amherst et Boston : University of Massachusetts Press, 2003), 15–23, 95–99.

75. Linteau, Histoire de Montréal, 325.

76. Le montant total voté par les autorités municipales pour les travaux publics est de 11 333 100 $. Voir avm, vm006, Fonds Service du greffe, S9, D 355, Dossier Rapport de la Commission consultative du chômage (octobre 1930–juin 1933), 1934.

77. Pour être reconnu comme résident de Montréal, un chômeur doit avoir habité Montréal pendant une certaine période, laquelle période varie pendant la crise, allant de un an à presque trois ans. Voir Family Welfare Association, The Non-Resident Problem in Montreal : A Report of the Non-Resident Committee of the Family Welfare Association, août 1937, 2–4.

78. Dans son rapport du mois de février 1932, le directeur du Registration Bureau for Unemployed Office Workers affirme concernant les travaux publics : « As fas as we can observe the city relief work to wich many of our registrants looked so hopefully has not helped to relieve the situation ». Voir ucgda, P145, Fonds ymca Montreal, ha 2000, Dossier Report from W.J. Holliday, février 1932.

79. McCallum, Hobohemia and the Crucifixion Machine, 8–9.

80. Montreal Gazette, 29 février 1932.

81. Montreal Gazette, 1er mars 1932.

82. Le Canada, 22 avril 1932.

83. Le Canada, 29 février 1932; Le Canada, 1er mars 1932.

84. Montreal Gazette, 3 mars 1932. Dans son étude menée en 1932 sur les immigrants britanniques à Montréal, Lloyd G. Reynolds mentionne que les ouvriers britanniques sont désavantagés sur le marché de l’emploi, car les ouvriers canadiens-français et européens sont non seulement plus robustes physiquement, mais aussi plus disposés à travailler pour un salaire moindre et dans des conditions difficiles. Il souligne également que les ouvriers francophones n’hésitent pas à se moquer des ouvriers britanniques dont les capacités physiques ne leur permettent pas de maintenir la cadence. Voir Reynolds, The British Immigrant, 180 et 182.

85. avm, vm006, Fonds Service du greffe, S9, D003, Dossier Extrait du procès-verbal d’une résolution du comité exécutif de la Cité de Montréal, 9 septembre 1931; Le Canada, 20 février 1932.

86. avm, vm014, Fonds Commission industrielle du chômage, Dossier 2-7-1, Norman Holland à M. H. McKenzie, 28 mars 1932.

87. Montreal Gazette, 20 février 1932.

88. avm, vm014, Fonds Commission industrielle du chômage, Dossier 2-7-1, Norman Holland à C.B. McNaught, 6 avril 1932.

89. Michèle Dagenais, Des pouvoirs et des hommes. L’Administration municipale de Montréal, 1900–1950 (Montréal et Kingston : McGill-Queen’s University Press, 2000); McCallum, Hobohemia and the Crucifixion Machine.

90. Dagenais, Des pouvoirs et des hommes, 72.

91. Pour en savoir davantage sur l’établissement de la carte d’identité avec photographie, voir Roy, Contrôler les frontières de la Cité.

92. Montreal Gazette, 20 avril 1932.

93. Le Devoir, 19 avril 1932.

94. avm, vm006, Fonds Service du greffe, S9, D208, 2-2-2, lettre d’Alphonse Cool au président et aux membres du comité exécutif de la Cité de Montréal, 28 avril 1934.

95. Le Devoir, 2 décembre 1932.

96. avm, vm006, Fonds Service du greffe, S9, D004, Dossier Rapport majoritaire et minoritaire.

97. Nous n’avons malheureusement pas pu collecter davantage d’informations concernant les fondateurs de ces deux associations. Voir La Presse, 3 août 1932.

98. La Presse, 25 août 1932.

99. Le Canada, 25 août 1932.

100. La Patrie, 8 juillet 1932.

101. Au Canada, entre 1900 et 1930, le nombre de commis de bureau passe de 58 789 à 258 689. Voir Canada, Bureau fédéral de la statistique, Mouvement des occupations au Canada 1891–1931 (Ottawa 1931), tableau 7; Graham S. Lowe, « The Mechanization of the Canadian Office », dans Craig Heron et Robert Storey, dir., On the Job : Confronting the Labour Process in Canada (Montréal et Kingston : McGill-Queen’s University Press, 1986), 201. Sur la question de la réticence des cols blancs à se syndiquer, voir Graham S. Lowe, Women in the Administrative Revolution. The Feminization of Clerical Work (Toronto : University of Toronto Press, 1987), 170–175; Charles W. Mills, White Collar : The American Middle Classes (New York : Oxford University Press, 1953), 304–323. Les recherches de Michèle Dagenais sur les fonctionnaires de la ville de Montréal démontrent qu’en 1920 un groupe de cols blancs fondent le Syndicat catholique et national des fonctionnaires municipaux. Cependant il est très peu actif avant les années 1940. Voir Dagenais, Des pouvoirs et des hommes, 114–144. Dans le secteur banquier canadien, la première grève organisée a lieu à Montréal en 1942, mais s’avère un échec pour les employés syndiqués. Voir Julia Smith, « The First Canadian Bak Strike : Labour Relations and White-Collar Union Organizong during the Second World War », Canadian Historical Review, 99, no 4 (2018), 623–646.

102. Dans un article publié dans Le Monde ouvrier, Bernard Rose dénonce les bas salaires des employés de banque qui doivent « maintain a certain standing in the community » en plus de devoir bien se vêtir et habiter dans un quartier respectable. Il leur demande de suivre l’exemple de leurs collègues de la Grande Bretagne qui « found it advisable and profitable to organize an association ». Voir Bernard Rose, « Bank Employees Should Organize », Le Monde ouvrier, 24 novembre 1931.

103. Montreal Gazette, 26 août 1932.

104. La Presse, 8 octobre 1932.

105. Le Canada, 30 novembre 1932.

106. Lévesque, Virage à gauche interdit, 42–69.

107. L’Association des Collets Blancs est reconnue comme « société charitable » le 8 septembre 1932. Bibliothèque et Archives nationales du Québec-Québec (ci-après banq-q), E12, Fonds Inspecteur général des institutions financières, Dossier Association des Collets Blancs de la Cité de Montréal. À notre connaissance, elle est la seule association à faire une demande d’accréditation auprès du gouvernement provincial.

108. La Presse, 22 juillet 1932.

109. La Presse, 25 août 1932 ; La Patrie, 23 août 1932.

110. Le 19 septembre 1932, La Presse annonce qu’Hertel Larocque de l’Association des gens de la classe moyenne donnera un entretien sur les ondes de ckac. Voir La Presse, 19 septembre 1932.

111. Le Canada, 8 juillet 1932.

112. La Presse, 23 août 1932.

113. La Presse, 23 août 1932.

114. Montréal Gazette, 23 août 1932; La Patrie, 25 août 1932.

115. La Patrie, 25 août 1932.

116. avm, vm009, Fonds Service du greffe, S9, D 357, Dossier Commission consultative du chômage, procès-verbal, 26 août 1932.

117. Le Canada, 24 novembre 1932.

118. banq-q, E12, Fonds du ministère du Travail, Dossier Association des Collets Blancs de la Cité de Montréal, Bulletin de l’Association des Collets Blancs de la Cité de Montréal, septembre 1933, 3.

119. La Presse, 27 juillet 1933.

120. Montreal Gazette, 12 août 1933.

121. Montreal Gazette, 8 septembre 1933.

122. Montreal Gazette, 2 novembre 1933.

123. Montreal Gazette, 6 février 1934.

124. Margaret Hobbs, Gendering Work and Welfare – Women’s Relationship to Wage-work and Social Policy in Canada during the Great Depression, thèse de doctorat. Université de Toronto, 1995,105.

125. Bulletin de l’Association des Collets Blancs de la Cité de Montréal, septembre 1933. Il y est indiqué que le bulletin sera publié mensuellement, mais comme nous n’avons pas réussi à retracer les autres numéros, il est difficile de savoir si le bulletin a été publié plus d’une fois.

126. Bulletin de l’Association des Collets Blancs de la Cité de Montréal, 3.

127. Québec, Débats de l’Assemblée législative, 18e législature, 2e session (Québec 1er février 1933).

128. Québec, Débats de l’Assemblée législative, 18e législature, 2e session (Québec 7 février 1933).

129. Dans sa lettre, Alphonse Cool ne mentionne pas le nom des associations visées. Voir banq-q, E24 Fonds du ministère du Travail, L-24/33-34, Dossier Collets-Blancs 1933–1934, lettre d’Alphonse Cool à C.J. Arcand, ministre du Travail, 11 décembre 1933.

130. banq-q, E24, Fonds du ministère du Travail, L-24/33-34, lettre d’Alphonse Cool à C.J. Arcand, ministre du Travail, 20 janvier 1934.

131. banq-q, E24, Fonds du ministère du Travail, L-24/33-34, lettre d’Alphonse Cool à C.J. Arcand, ministre du Travail, 20 janvier 1934.

132. L’Autorité, 3 février 1934.

133. banq-q, E24, Fonds du ministère du Travail, L-24/33-34, lettre d’Alphonse Cool à C.J. Arcand, ministre du Travail, 20 janvier 1934.

134. Nous n’avons pu retracer la lettre originale envoyée par le ministre du Travail. Voir banq-q, E24, Fonds du ministère du Travail, L-24/33-34, Gérard Tremblay à Louis-Alexandre Taschereau, 3 février 1934.

135. Le Canada, 14 mars 1934.

136. Le Canada, 14 mars 1934.

137. Québec, Débats de l’Assemblée législative, 18e législature, 2e session (Québec 7 février 1933).

138. banq-q, E24, Fonds du ministère du Travail, B-9/34-35, Dossier Travail des femmes 1934–1935, groupe de citoyens de Montréal au premier ministre Louis-Alexandre Taschereau, 25 septembre 1934.

139. banq-q, E24, Fonds du ministère du Travail, B-9/34-35, Dossier Travail des femmes, groupe de citoyens de Montréal au premier ministre Louis-Alexandre Taschereau, 25 septembre 1934.

140. Clark Davis, Company Men, White Collar Life and Corporate Cultures in Los-Angeles, 1892–1941 (Baltimore : The John Hopkins University Press, 2000), 199. L’historienne Katrina Srigley note cependant que les hommes, à Toronto, sont peu enclins à prendre des emplois de bureau généralement occupés par des femmes. Voir Srigley, Breadwinning Daughters, 69.

141. Le Devoir, 2 mars 1933.

142. Québec, Débats de l’Assemblée législative, 18e législature, 4e session (Québec 22 janvier 1935).

143. Hobbs, Gendering Work and Welfare, 98–99.

144. L’Autorité, 17 novembre 1934.

145. Québec, Débats de l’Assemblée législative, 18e législature, 4e session (Québec 22 janvier 1935).

146. Québec, Débats de l’Assemblée législative, 18e législature, 4e session (Québec 23 janvier 1935).

147. Québec, Débats de l’Assemblée législative, 18e législature, 4e session (Québec 23 janvier 1935).

148. banq-q, E24, Fonds du ministère du Travail, B-9/34-35, lettre de la Ligue des droits de la femme au ministre du Travail, 27 janvier 1935.

149. banq-q, E12, Fonds du ministère du Travail, lettre d’Albert Chevalier à J.-A. Paradis, 20 octobre 1938. L’Association des Collets Blancs est répertoriée dans les annuaires Lovell de Montréal, édition 1933–1934 et édition 1935–1936. Dans cette dernière édition, il est indiqué qu’Alphonse Cool est le président de l’association et qu’Oliva Pepin en est le secrétaire. Il n’y a plus aucune mention de cette association par la suite. Selon la lettre d’Albert Chevalier datée du 20 octobre 1938, le président de l’association est un certain I.-J. Nolet, alors que le secrétaire est toujours Oliva Pepin.

150. Leonard C. Marsh, Canadians In and Out of Work. A Survey of Economic Classes and Their Relation to the Labour Market (Toronto : Oxford University Press, 1940), 288.


How to cite:

Sonya Roy, “Une catégorie de chômeurs à part : les cols blancs de Montréal, 1930–1935,” Labour/Le Travail 84 (Automne 2019): 107–140.