Labour / Le Travail
Issue 84 (2019)
Abstracts / Résumés
The Employment Standards Enforcement Gap and the Overtime Pay Exemption in Ontario
Employment Standards (es) legislation sets minimum terms and conditions of employment in areas such as wages, working time, vacations and leaves, and termination and severance. es legislation is designed to provide minimum workplace protections, particularly for those with little bargaining power in the labour market. In practice, however, es legislation includes ways in which legislated standards may be avoided, including through exemptions that exclude specified employee groups, fully or partially, from legislative coverage. With a focus on the Ontario Employment Standards Act, this article develops a case study of exemptions to the overtime pay provision of the act and regulations and examines in closer detail three specific areas in which exemptions apply. Through this study of the overtime pay exemption, the system of exemptions is presented as a contradictory approach to the regulation of es that, in effect, reduces es coverage, contributes to the avoidance of key legislated standards, and undermines the goal of providing protection for workers in precarious jobs.
La Loi sur les normes d’emploi fixe des conditions minimales d’emploi dans des domaines tels que les salaires, la durée du travail, les vacances et les congés, ainsi que les licenciements et les indemnités de départ. Cette loi vise à fournir une protection minimale sur le lieu de travail, en particulier pour ceux qui ont un faible pouvoir de négociation sur le marché du travail. Cependant, dans la pratique, la Loi sur les normes d’emploi comprend des moyens pour éviter les normes législatives, notamment par le biais d’exemptions excluant totalement ou partiellement certains groupes d’employés de la couverture législative. En mettant l’accent sur la Loi sur les normes d’emploi de l’Ontario, cet article élabore une étude de cas sur les exemptions à la disposition de la loi et de ses règlements sur la rémunération des heures supplémentaires et examine plus en détail trois domaines spécifiques dans lesquels les exemptions s’appliquent. Dans cette étude sur l’exemption des heures supplémentaires, le système d’exemptions est présenté comme une approche contradictoire de la réglementation de la Loi sur les normes d’emploi qui, en réalité, réduit sa couverture, contribue à éviter les normes clés définies par la loi et sape l’objectif de protection des travailleurs qui occupent des emplois précaires.
The New New Poor Law: A Chapter in the Current Class War Waged from Above
This essay is an attempt to outline recent trends in the criminalization of working-class lives. It casts the net broadly, both historically and geographically, situating capitalist austerity’s recent turn to mass incarceration in the United States and Canada in early 19th-century poor law sensibilities. What is happening now differs from the workhouse regime of industrial capitalism’s new poor law, of course, but it has undoubted connections to this older regime of regulation. The new new poor law of our times is part of a long history of how dispossession has been pivotal to capitalism’s project of uninhibited accumulation and suppression of those driven to defiance and dissent. It reveals how, as profit declines in the productive sphere, incarceration itself can be made to pay. The new new poor law is fundamental to contemporary capitalist political economy as the politics of austerity, the dismantling of the welfare state, and an assault on working-class entitlements and trade unionism are complemented by the rise of a prison-industrial complex. Driven by class antagonisms and racialized scapegoating, the new new poor law inevitably draws into its sphere of influence public-sector workers employed in the criminal justice system. It also unleashes intensified grievances of the incarcerated, stimulating the birth of movements of protest in which prisoners and proletarians search out ways of making common cause.
Cet essai tente de décrire les tendances récentes en matière de criminalisation de la vie de la classe ouvrière. Il jette les bases largement, historiquement et géographiquement, en situant le virage récent de l’austérité capitaliste vers une incarcération de masse aux États-Unis et au Canada, au début du 19e siècle à l’égard de la loi sur les pauvres. Ce qui se passe actuellement diffère du régime de travail de la nouvelle loi sur les pauvres du capitalisme industriel, bien sûr, mais il a des liens incontestables avec cet ancien régime de réglementation. La nouvelle loi sur les nouveaux pauvres de notre époque fait partie d’une longue histoire montrant à quel point la dépossession a été au centre du projet du capitalisme d’accumulation sans entrave et de suppression de ceux qui sont poussés au défi et à la dissidence. Elle montre comment, lorsque le profit diminue dans la sphère productive, l’incarcération elle-même peut être payée. La nouvelle loi sur les nouveaux pauvres est fondamentale dans l’économie politique capitaliste contemporaine, car la politique d’austérité, le démantèlement de l’État social, l’assaut contre les droits de la classe ouvrière et le syndicalisme sont complétés par la montée d’un complexe pénitentiaire. Poussé par des antagonismes de classe et des boucs émissaires racialisés, la nouvelle loi s’inscrit inévitablement dans sa sphère d’influence sur les travailleurs du secteur public employés dans le système de justice pénale. Elle libère également les griefs intensifiés des incarcérés, stimulant ainsi la naissance de mouvements de protestation dans lesquels les prisonniers et les prolétaires recherchent des moyens de faire valoir leur cause commune.
Une catégorie de chômeurs à part : les cols blancs de Montréal, 1930-1935
Pendant la crise économique des années 1930, les cols blancs se retrouvent nombreux parmi les rangs des chômeurs, créant ainsi « une nouvelle classe de pauvres ». Cet article explore le phénomène du chômage chez les cols blancs de Montréal et lève le voile sur leur expérience de la crise. Il s’attarde aux programmes d’assistance publique mis sur pied par les autorités municipales pour venir en aide aux chômeurs et à la réaction des cols blancs et de certains responsables de la charité relativement à la crise et à un système d’assistance jugé inadapté pour les cols blancs. L’article révèle que l’expérience et les réactions des cols blancs quant à la crise sont façonnées par leur appartenance à la classe moyenne. Au chômage, ils n’arrivent plus à maintenir les standards de respectabilité et le style de vie associés à la classe moyenne et se trouvent forcés de demander l’assistance publique aux côtés des ouvriers. La crainte d’un déclassement social et la peur d’être associés aux chômeurs de la classe ouvrière poussent les cols blancs à vouloir se différencier de ces derniers, réaffirmer leur appartenance à la classe moyenne et revendiquer des programmes d’assistance qui répondent à leurs besoins spécifiques. Certains responsables de la charité qui estiment que les cols blancs méritent des services adaptés participent également à cette différenciation.
During the economic crisis of the 1930s, white-collar workers found themselves among the ranks of the unemployed, thus creating a «new class of the poor”. This article explores the phenomenon of unemployment among Montreal white-collar workers and reveals their experience of the crisis. It focuses on public assistance programs set up by the municipal authorities to help the unemployed and the reaction of white collar workers and some of the charity leaders to the crisis and to a system of public assistance deemed inadequate for white-collar unemployed. The article reveals that the experience and the reactions of white-collar workers to the crisis have been shaped by their middle class identity. No longer able to maintain the standards of respectability and the lifestyle associated with the middle class, and forced to seek public assistance alongside unemployed of the working class, unemployment threatened white-collar workers’ ability to stay in the middle class. The fear of losing their social status and the fear of being associated with the working-class unemployed pushed white-collar workers to distance themselves from them, to reaffirm their belonging to the middle class and to demand assistance programs that met their specific needs. Some charity leaders who believed that white-collar unemployed deserved special treatment also contributed to this differentiation.
Proletarianization of Professional Employees and Underemployment of General Intellect in a “Knowledge Economy”: Canada, 1982–2016
Proletarianization refers to the subordination of hired labour to the owners of capital. This inquiry assesses the extent of proletarianization of professional employees on the basis of a distinctive series of national surveys of the general labour force in Canada between 1982 and 2016. Non-managerial professional employees are distinguished from professionals in other class positions (i.e. professional employers, self-employed professionals, and professional managers) with whom they have been conflated in much of the prior research. The findings suggest increasing proletarianization of professional employees during this period in terms of declining job autonomy and decreasing participation in organizational decision-making, as well as increasing underemployment and more critical political attitudes. But there is also evidence of increasing qualifications and development of “general intellect” among more traditional working-class employees, as well as even more extensive underemployment. Implications of convergence between the proletarianization of professional employees, as a “new working class,” and the qualifications and perceived working conditions of other non-managerial hired labour in emergent “knowledge economies” are discussed. More careful distinctions between non-managerial professional employees and professionals in other class positions in future studies are recommended.
La prolétarisation fait référence à la subordination de la main-d’œuvre salariée aux propriétaires du capital. Cette enquête évalue l’ampleur de la prolétarisation des employés professionnels sur la base d’une série distincte d’enquêtes nationales sur la population active en général au Canada entre 1982 et 2016. Les employés professionnels non-cadres sont distingués des professionnels occupant d’autres postes (par ex. employeurs professionnels, travailleurs indépendants et gestionnaires professionnels) avec lesquels ils ont été confondus dans la plupart des recherches antérieures. Les résultats suggèrent une prolétarisation croissante des employés professionnels au cours de cette période en termes de perte d’autonomie professionnelle et de participation à la prise de décision organisationnelle, ainsi que d’augmentation du sous-emploi et d’attitudes politiques plus critiques. Mais il existe également des preuves d’une augmentation des qualifications et du développement de « l’intellect général » chez les employés plus traditionnels de la classe ouvrière, ainsi que d’un sous-emploi encore plus étendu. Les implications de la convergence entre la prolétarisation des employés professionnels, en tant que « nouvelle classe ouvrière », et les qualifications et les conditions de travail perçues des autres travailleurs salariés non-cadres dans les « économies du savoir » émergentes sont discutées. Des distinctions plus soigneuses entre les employés professionnels non-cadres et les professionnels occupant d’autres postes de la classe dans les études éventuelles sont recommandées.
Building Union Muscle: The GoodLife Fitness Organizing and First-Contract Campaign
This case study of a union campaign to organize personal trainers and fitness instructors at GoodLife Fitness, the world’s fourth-largest fitness chain, is used to highlight the challenges and possibilities of organizing precarious workers in the multi-billion-dollar fitness industry. Drawing on the broader literature on union organizing and strategic corporate campaigns, primary documents related to the organizing drive, media coverage of the campaign, and in-depth interviews with union officials and fitness workers, the case study reveals how the workers were successfully, yet unconventionally, able to leverage institutional, symbolic, and associational power to build union muscle in an industry that is virtually union-free.
Cette étude de cas d’une campagne syndicale visant à organiser des entraîneurs personnels et des instructeurs de condition physique chez GoodLife Fitness, la quatrième chaîne mondiale de condition physique, est utilisée pour mettre en évidence les défis et les possibilités d’organisation des travailleurs précaires dans l’industrie de la condition physique de plusieurs milliards de dollars. S’appuyant sur la littérature plus vaste sur les campagnes syndicales et stratégiques d’entreprise, sur les principaux documents relatifs à la campagne de syndicalisation, sur la couverture médiatique de la campagne et sur des entretiens approfondis avec des responsables syndicaux et des professionnels de la condition physique, l’étude de cas révèle comment les travailleurs ont réussi, de manière non conventionnelle, à tirer parti du pouvoir institutionnel, symbolique et associatif pour renforcer le pouvoir syndical dans une industrie pratiquement sans syndicat.
“They Didn’t Even Realize Canada Was a Different Country:” Canadian Left Nationalism at the 1971 Vancouver Indochinese Women’s Conference
From 1 to 6 April 1971, over 600 women gathered to attend the Vancouver Indochinese Women’s Conference (viwc), an international women’s antiwar conference organized by women’s liberationists in Vancouver. The conference was intended to bring women together under the banner of an international sisterhood, but this desired goal did not happen. Instead, tensions between American and Canadian women divided conference organizers and attendees, culminating in verbal and physical conflict. The viwc is useful for examining how Canadian women experienced interactions with American feminists and radical activists in attendance at the conference. Several women viewed the actions of American delegates as imperialistic. The experiences of conference organizers and attendees show how the viwc represents a moment in women’s liberation where the limits to international feminism were particularly visible.
Du 1er au 6 avril 1971, plus de 600 femmes se sont réunies pour assister à la Conférence des femmes indochinoises de Vancouver (cfiv), une conférence internationale contre la guerre organisée par les défenseurs de la libération des femmes à Vancouver. La conférence avait pour but de rassembler les femmes sous la bannière d’une fraternité internationale, mais cet objectif souhaité n’a pas été atteint. En revanche, les tensions entre les femmes américaines et les femmes canadiennes ont divisé les organisateurs de la conférence et les participants, aboutissant à des conflits verbaux et physiques. La cfiv est utile pour examiner comment les femmes canadiennes ont vécu des interactions avec des féministes américaines et des activistes radicaux présents à la conférence. Plusieurs femmes ont considéré les actions des délégués américains comme impérialistes. L’expérience des organisateurs et des participants de la conférence montrent à quel point la cfiv représente un moment dans la libération des femmes où les limites au féminisme international étaient particulièrement visibles.
The Forgotten Work of Cultural Workers
This paper is based on work history interviews with a group of nine Toronto theatre workers covering a three-year period. During the interviews, participants did not spontaneously mention 13.1 per cent of their jobs in the creative cultural sector. Because forgotten work fails to register in surveys attempting to assess cultural workers’ contributions to the economy or to ameliorate their precarious conditions, it is important to explore why and how such work could go unreported. We locate the forgetting of cultural work in relation to the complexity and stresses of cultural workers’ schedules and to a discourse that opposes a devotion to art to the pursuit of money. Further, we explore how the participants’ particular tendency to forget their shortest-term jobs is informed by another discourse that prioritizes the building of a goals-based, coherent résumé. Last, we suggest that their surprising propensity to also forget their longest-term jobs can be understood in reference to the “piecework” model of cultural work and to a lack of socially supported remembering strategies. Based on these findings, we recommend improvements to the design of surveys on cultural workers’ work history.
Ce document se base sur des entrevues de l’histoire du travail avec un groupe de neufs travailleurs de théâtre à Toronto, qui ont eu lieu dans une période de trois ans. Pendant les entrevues, les participants n’ont pas mentionné spontanément 13,1 pour cent de leurs postes dans le secteur culturel créatif. Comme les travaux oubliés ne parviennent pas à s’inscrire dans les sondages visant à évaluer les contributions économiques des travailleurs culturels ou à améliorer les conditions précaires dans leurs milieux de travail, il est important d’évaluer pourquoi et comment les travaux en question pourraient passer sans être déclarés. On associe l’oublie des postes au secteur culturel avec les nombreuses complexitées et stresses quant aux horaires irréguliers, et à un discours opposant le dévouement à l’art à la poursuite de l’argent. De plus, nous explorons le raisonnement des participants de prendre en compte l’importance de leurs postes de plus courtes durées, afin de ne pas nuire à l’allure d’un résumé cohérant centré seulement sur les objectifs ambitieux. En dernier lieu, on déduit que la propensité étonnante d’oublier également leurs postes de plus longs termes est dû au modèle de « travail à la pièce » et à un manque de stratégies socialement soutenus de mémoire. Avec ces résultats, nous recommandons des améliorations aux modèles de sondages sur l’historique de travail dans le secteur culturel.
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