Labour / Le Travail
Issue 87 (2021)

Note de recherche / Research note

Formes de solidarité et de mobilisation et modes d’organisation de trois grèves au Québec pour le salaire minimum à 15 $ l’heure

Xavier Lafrance, l’Université du Québec à Montréal

Résumé : Trois grèves qui avaient pour objectif l’obtention du salaire minimum à 15 $ l’heure ont été menées par des syndicats québécois en 2016. Ces grèves se sont inscrites dans des campagnes politiques qui avaient le même objectif. Cet article propose une étude comparée de ces grèves dans le but d’analyser dans quelle mesure les formes de solidarité et les modes d’organisation déployés offrent des pistes de revitalisation qui permettraient au mouvement syndical québécois de relever les défis stratégiques contemporains auxquels fait face le mouvement syndical québécois. L’analyse de ces trois grèves, en s’appuyant sur une typologie des divers syndicalismes et activismes syndicaux, permet d’approfondir les formes de solidarité déployées par les syndicats ainsi que les formes de mobilisation originales qui, toutefois, n’ont pas mené à un progrès substantiel du contrôle démocratique exercé par les membres sur leur mouvement.

Mots-clés : Modèles de syndicalisme, salaire minimum, grève, luttes syndicales, démocratie syndicale, renouveau syndical, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, Confédération des syndicats nationaux, Alliance de la fonction publique du Canada, Service Employees International Union

Abstract: Three strikes aimed at obtaining the minimum wage of $15 an hour were led by Quebec unions in 2016. These strikes were part of political campaigns that had exactly the same objective. This article proposes a comparative study of these strikes with the aim of analyzing the extent to which the forms of solidarity and the modes of organization deployed offer avenues of revitalization that would allow the Quebec union movement to meet its contemporary strategic challenges. Using a typology of various unions and union activism, the analysis of these strikes reveals that they allowed for a deepening of union solidarities, as well as original forms of mobilization which, however, did not lead to a substantial improvement of the democratic control exercised by union members over their movement.

Keywords: typology of unionism, minimum wage, strike, labour struggles, union democracy, union renewal, Québec Federation of Labour, Confederation of National Trade Unions, Public Service Alliance of Canada, Service Employees International Union

La bataille pour l’obtention du salaire minimum à 15 $ l’heure a été l’une des luttes les plus porteuses des mobilisations syndicales nord-américaines au cours de la dernière décennie. Cette lutte, lancée aux États-Unis en 2012, puis reprise au Canada et au Québec au cours des années suivantes, a mené à des gains tangibles et substantiels. Ces campagnes soulèvent des enjeux stratégiques et pratiques dans un contexte marqué par un ressac de solidarité et de combativité du mouvement syndical, depuis les années 1980.

Au Québec, les grandes centrales syndicales ont participé à la mise en place des campagnes politiques pour le salaire minimum à 15 $ l’heure, bien que leurs efforts concrets de mobilisation sur cet enjeu soient demeurés relativement limités. Ce sont surtout des organisations communautaires et des groupes politiques, parfois coalisés avec des organisations syndicales, qui ont été le fer de lance de cette lutte sur le terrain. Toutefois, en 2016, la bataille pour cet enjeu a été menée lors de grèves au Québec par trois différents syndicats : le Syndicat des travailleuses et des travailleurs d’Indigo Parc (stt-Indigo Parc); le Syndicat des employés du Vieux-Port de Montréal (sevpm); et le Syndicat québécois des employées et employés de services, section locale 298 de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (sqees-298).

La particularité de ces grèves tient à ce qu’elles ont été consciemment ‒ quoique de manière différente dans chacun des cas ‒ inscrites dans un effort de revitalisation des pratiques syndicales dans le cadre d’une campagne politique plus large visant l’obtention du salaire minimum à 15 $ l’heure. Le présent article vise à analyser dans quelle mesure et de quelles façons les formes de mobilisation et de solidarité et les pratiques organisationnelles déployées lors de ces grèves offrent des pistes stratégiques qui permettraient au mouvement syndical québécois de faire face aux défis contemporains.

La première section de l’article porte sur la problématique concernant les défis que relève le mouvement syndical québécois dans sa lutte pour l’obtention du salaire minimum et traite de la méthodologie utilisée. Le cadre théorique qui guide l’analyse est présenté en deuxième partie et les résultats, en troisième partie. Une conclusion permettra de revenir sur la problématique globale.

Problématique et méthodologie : défis stratégiques
du mouvement syndical contemporain et lutte pour le salaire minimum à 15 $ l’heure

La lutte pour le salaire minimum à 15 $ l’heure est lancée alors que le mouvement syndical québécois évolue dans un contexte trouble depuis maintenant plusieurs décennies. Alors que le Canada connaît une baisse importante de la présence syndicale depuis les années 1980, le Québec maintient un taux plus stable, soit 38 p. 100 et plus1. Cette présence est toutefois beaucoup plus forte dans le secteur public (83,2 p. 100 en 2015) que dans le secteur privé, où ce taux est passé de 27,4 p. 100 en 2006 à 24,9 p. 100 en 20152. De plus, la combativité du mouvement syndical québécois s’est grandement amenuisée alors que les nombre de conflits de travail, de travailleuses et travailleurs impliqués dans un conflit et de jours-personnes perdus par année chutait de façon drastique depuis le milieu des années 1980. Parallèlement, les salaires réels des travailleuses et travailleurs ont fait du surplace depuis la fin des années 1970 malgré d’importants gains de productivité3 et la qualité des emplois et des conditions de travail est, dans le meilleur des cas, demeurée stable et dans le pire des cas, s’est dégradée pour plusieurs salariés, malgré la croissance économique de la moitié des années 1980 à la Grande Récession de 2008–20094. Une importante proportion de la population active demeure aujourd’hui dans des emplois précaires et trop faiblement rémunérés : 23 p. 100 des salariés québécois, soit environ 830 000 personnes, gagnent moins de 15 $ l’heure en 2017. De ce nombre, près de 50 p. 100 sont âgés de plus de 30 ans, 67 p. 100 ne sont pas aux études, 57 p. 100 travaillent à temps plein, environ 85 p. 100 ne sont pas syndiqués et une importante proportion d’entre eux sont des personnes migrantes et racisées5. Dans ce contexte, et alors même qu’il peine à défendre les intérêts de ses membres, le mouvement syndical québécois prête flanc aux critiques qui l’accusent de préserver les privilèges d’un bastion de travailleuses et travailleurs syndiqués, relativement privilégiés, qui se détachent d’une masse de salariés laissés à eux-mêmes6. Grâce à la mobilisation des salariés les plus précaires, dont une majorité n’est pas syndiquée, la lutte pour une hausse du salaire minimum semble pouvoir offrir une ouverture vers un relent de combativité et de solidarité en rupture avec certains réflexes concertationnistes et sectionalistes, ou corporatistes, du mouvement syndical. Saisir ce potentiel exige une analyse critique des forces qui orientent les stratégies du mouvement syndical. Ces forces touchent aux effets interreliés du cadre légal et de l’économie politique néolibérale dans lesquels est plongé le monde syndical québécois contemporain. Ces deux dimensions seront analysées à tour de rôle.

En amont du cadre légal des relations industrielles et de l’activité syndicale, il importe d’abord de noter les effets de la séparation de l’« économique » et du « politique » sous le capitalisme. Alors que les rapports de classes prenaient une forme directement politique, ou « extraéconomique », au sein des sociétés précapitalistes, le capitalisme rend possible un mode d’exploitation en apparence purement confiné à une sphère « économique »7. Cette configuration du pouvoir social propre au capitalisme tend à compartimenter et à orienter les pratiques du mouvement syndical, qui semble être confronté à deux types distincts de problèmes « économiques » et « politiques »8. Les organisations syndicales ont une propension à confiner leur action à la sphère « économique » et à défendre une conception étroite des intérêts de leurs membres au sein de lieux de travail atomisés. La politique tend, quant à elle, à être réduite aux enjeux électoraux et parlementaires (et à exclure les mobilisations extraparlementaires) et à être perçue comme un élément extérieur au mouvement syndical et comme un vecteur potentiel de division. Le cadre légal du syndicalisme au Canada et au Québec contribue à exacerber ces tendances.

Le cadre juridique moderne des activités syndicales au Canada est apparu dans les années 1940. Il découle des luttes de syndicats industriels qui ont défié les restrictions légales de l’époque grâce à un ancrage dans les communautés ouvrières, au sein desquelles des militants communistes et socialistes ont souvent joué un rôle clé d’organisateurs9. Ce cadre légal qui s’est développé au plan fédéral avant de s’étendre aux différentes provinces a permis de réduire l’arbitraire patronal et a donné aux travailleuses et travailleurs le pouvoir de négocier des gains salariaux et des avantages sociaux substantiels au cours de la période d’après-guerre.

Ce même cadre légal a cependant aussi créé des obstacles importants à la solidarité et à la combativité syndicale10. La reconnaissance syndicale se limite à des unités d’accréditation atomisées au sein desquelles une majorité d’employés appuient la formation d’un syndicat, ce qui tend à canaliser l’activité syndicale vers la négociation avec l’employeur et à l’éloigner des campagnes politiques plus larges. La grève est interdite entre les périodes de négociations alors que le piquetage, les grèves de solidarité et les campagnes de boycottage font l’objet d’importantes restrictions. Pendant toute la période où a duré la convention collective, les conflits avec l’employeur devaient être résolus par le truchement d’un processus de grief, plutôt que par l’action collective. Cette façon de faire tend à gonfler l’appareil bureaucratique des organisations syndicales, à limiter leur vie démocratique et à diriger leurs efforts vers l’arène judiciaire, tout en limitant les énergies que les dirigeants, les employés syndicaux et les membres consacrent au travail de mobilisation.

Une vague de grèves, souvent insufflées par des caucus de gauche au sein des organisations syndicales et dont plusieurs contrevenaient à la volonté de leurs dirigeants, a remis en question des limites du cadre juridique d’après-guerre au cours des années 1960 et 197011. Cette période est marquée par l’ouverture d’un  deuxième front  qui élargit la mobilisation à l’arène extraparlementaire et au-delà de la négociation collective. Les luttes syndicales de l’époque permettent finalement d’étendre le droit à la syndicalisation au secteur public sans que ses fondements s’en trouvent toutefois transformés lors du tournant néolibéral des années 198012.

L’essor de l’économie politique néolibérale, qui représente une contre-offensive patronale, prend ses racines dans la crise de profitabilité des années 197013. Afin de soutenir la restauration de la profitabilité, les différents gouvernements ont procédé à une libéralisation des marchés financiers, des marchés du travail et du commerce international14. Dans ce contexte en évolution, les entreprises privées ont rapidement développé et mobilisé des technologies numériques et logistiques afin de développer de nouvelles chaînes de valeur. La dispersion géographique de la production a accompagné l’essor de nouvelles structures d’entreprises, y compris un recours fréquent à la sous-traitance et aux franchises et le développement de nouveaux pôles d’accumulation dans diverses régions du monde, ce qui a accentué la mise en compétition des travailleuses et travailleurs à l’échelle internationale. Corollairement, la réorganisation de la production grâce aux techniques de production lean, autant dans le secteur privé que dans le secteur public, apporte d’importants gains de productivité. Cette réorganisation qui se fait par vagues accélérées au cours de récessions successives permet la « destruction créatrice » d’entreprises moins performantes. Plus encore que la délocalisation de la production, ce sont ces gains de productivité qui entraînent la perte d’emplois manufacturiers et syndiqués en Amérique du Nord. Cette perte est compensée en partie par l’essor d’emplois souvent relativement précaires dans les secteurs de services, et tout particulièrement dans les secteurs privés du care, de même que dans les secteurs d’entretien et du transport15.

Le mouvement syndical contemporain évolue donc dans un cadre légal qui tend à restreindre ses formes de solidarité et fait face à des forces économiques qui le placent sur la défensive à l’intérieur de ce cadre. Afin de prioriser la préservation des emplois, les dirigeants syndicaux opèrent un passage stratégique du « combat au partenariat », alors même que les dirigeants politiques et d’entreprises passaient du « consentement à la coercition » en multipliant respectivement le recours aux lois spéciales de retour au travail et aux lockouts16. Les conseillers syndicaux qui appuient le travail de négociation et de mobilisation des syndicaux locaux sont aujourd’hui plus réticents à recourir à la grève. Ils et elles tendent à préférer le recours à la conciliation et à des moyens de pression plus « légers », et ils sont plus nombreux à privilégier une culture de « dialogue social » qui a pour but de trouver des solutions communes avec l’employeur17.

Pourtant, au cours de la période néolibérale, et à plus forte raison dans un contexte de faible croissance économique depuis la Grande Récession de 2008–2009, la négociation décentralisée sur divers lieux de travail et la posture « partenariale » priorisée par le mouvement syndical ne lui permettent ni de faire des gains pour ses membres ni d’agir comme locomotive, ce qui aurait permis de faire avancer les intérêts de la classe des travailleuses et des travailleurs dans son ensemble18. Tel que l’ont noté différents auteurs, les défis auxquels fait face le mouvement des travailleuses et travailleurs sont le regain de la combativité, le dépassement des divisions internes grâce au développement de nouvelles solidarités et une revitalisation des pratiques démocratiques du groupe des travailleurs19.

Deux aspects des pratiques de mobilisation et d’organisation seront considérés afin d’analyser la façon dont les trois grèves étudiées dans cet article ont pu contribuer à relever ces défis. D’abord, la dimension horizontale, soit les liens et les formes de solidarité développés par les syndicats étudiés dans le cadre des grèves et campagnes politiques nationales, avec des groupes externes et entre eux. Puis, la dimension verticale, soit le rapport démocratique entre les membres, d’une part, et les élus et conseillers syndicaux, d’autre part, dans la construction d’un rapport de force face à l’employeur et dans l’insertion de la lutte syndicale dans des campagnes politiques plus larges.

Les résultats analysés découlent d’une étude empirique réalisée de mai 2017 à janvier 2018. Douze entrevues semi-structurées ont été réalisées auprès de conseillers syndicaux, d’élus locaux et de membres issus de chacun des syndicats. Les personnes interviewées ont été sélectionnées en raison de leur engagement dans la grève menée par leur syndicat et en raison de leur participation à la préparation de cette grève. Des documents internes et des articles publics qui traitent du déroulement de ces grèves ont aussi été analysés. La présentation des campagnes politiques québécoises pour le salaire minimum à 15 $ l’heure s’appuie sur différentes publications et sur des documents d’analyse interne produits par des militantes et militants qui ont été impliqués dans ces campagnes. Certaines vérifications factuelles ont aussi été effectuées par courriel avec des militantes et militants qui ont joué un rôle clé dans ces campagnes. L’absence d’entrevues formelles réalisées avec les dirigeants et les militants de campagnes politiques menées pour l’obtention du salaire minimum à 15 $ l’heure (sauf ceux et celles qui étaient membres des syndicats étudiés), et donc l’absence de prise en compte de leur point de vue, représente une limite à notre compréhension de l’apport des grèves analysées dans cet article. Il s’agit là d’une dimension qu’il serait important de considérer dans une recherche ultérieure. Notons aussi que, comme le sqees-298 est un vaste syndicat qui comprend un grand nombre d’unités d’accréditation et de membres répartis dans plusieurs régions, l’analyse de cette grève a été complétée par une lecture des études déjà produites par Louise Boivin et son équipe20.

Chacune des entrevues, qui dure entre 90 et 120 minutes et qui est toujours réalisée avec une nouvelle personne, a été enregistrée et retranscrite dans son entièreté. Le contenu a par la suite été codé et analysé suivant les dimensions identifiées plus haut. Les énoncés se rapportant à la dimension horizontale (liens et solidarités avec les groupes et les campagnes externes et entre les syndicats) ont d’abord été regroupés. Les énoncés se rapportant à la dimension verticale (rapports démocratiques entre les membres et les élus et conseillers) ont été regroupés dans un deuxième temps. L’opération a été répétée pour chacun des syndicats en vue d’une analyse comparée des données, qui permet de dégager des parallèles et des divergences entre les cas étudiés de façon à mettre en exergue, ou encore à relativiser, certaines des initiatives et réalisations des grévistes. Un second degré de codage a aussi été développé sur la base du cadre théorique qui suit.

Cadre théorique : types de solidarités et d’activismes syndicaux

Les mobilisations liées aux grèves tenues par les trois syndicats étudiés seront mesurées à l’aune d’une typologie des modèles de syndicalisme, d’une part, qui recoupe en partie une typologie des modes d’activisme, d’autre part. Les différents modèles qui sont présentés découlent d’un effort de distinction analytique. Les distinctions qui en émergent ne sont pas toujours en parfaite adéquation avec des pratiques syndicales concrètes qui recoupent parfois des éléments rattachés à plus d’un modèle. Pour bien cerner la nature de l’activité syndicale, il est toutefois utile d’évaluer vers quel pôle analytique elle se rapproche et gravite. En effet, alors que l’insertion d’une grève dans le cadre d’une campagne politique plus large pour l’obtention du salaire minimum à 15 $ l’heure invite les organisations syndicales à dépasser une posture corporatiste, il reste à voir quelles formes de solidarité et quels modes de démocratie sont impliqués concrètement. Pour ce faire, la théorisation des modèles de syndicalisme et d’activisme peut nous offrir une certaine aide.

Un premier modèle est celui du syndicalisme d’affaires, qui amène les organisations qui y adhèrent à concentrer leurs énergies sur la négociation collective avec l’employeur21. Ce modèle met de l’avant une conception étroitement économique des intérêts de membres et vise à améliorer leur condition matérielle à l’intérieur du système économique en place. L’intérêt et l’identité des membres se rattachent à un métier ou à une profession plutôt qu’à une classe sociale, ce qui implique une forme de solidarité limitée, corporatiste ou sectionaliste. Bien que le recours à la grève dans le but d’obtenir des gains économiques pour les membres ne soit pas exclu, une posture de collaboration avec l’employeur est ici fréquente. L’implication politique hors du cadre de la négociation collective est perçue comme un facteur de division qui peut nuire à cette négociation. L’engagement politique, s’il a lieu, se confine aux arènes électorale et parlementaire et vise à appuyer de façon pragmatique les candidats ou partis qui servent les intérêts de membres. Au plan organisationnel, ce modèle implique une structure hiérarchique découlant d’un souci d’efficacité permettant de maximiser les gains pour les membres. L’expertise des élus et des employés permanents est valorisée, et ces derniers concentrent le contrôle sur l’organisation au détriment de l’implication démocratique des membres.

Un deuxième modèle, celui du syndicalisme social, se démarque du premier par sa considération des intérêts des travailleuses et travailleurs non seulement en tant que citoyennes et citoyens, mais aussi en tant qu’employés d’une entreprise ou d’un métier spécifique22. Cette position implique de défendre l’intérêt de l’ensemble des travailleuses et travailleurs, qu’elles et qu’ils soient syndiqués ou non, ce qui tend vers une solidarité de classe et non plus corporatiste. Bien que la négociation avec l’employeur demeure une considération prioritaire, l’action syndicale tend ainsi à déborder du lieu de travail et à s’inscrire plus largement dans les champs social et politique23.

Un troisième modèle, le syndicalisme de mobilisation, recoupe largement le modèle précédent malgré d’importantes nuances24. Ce modèle allie lui aussi une recherche de justice sociale plus large que la négociation avec l’employeur, mais il se démarque par l’accent qui est mis sur la mobilisation des membres autant sur les lieux de travail qu’à l’extérieur des entreprises. Ceci laisse place à des campagnes de mobilisation sociale et politique aux tactiques souvent créatives et au sein desquelles une partie des membres sont actifs, en plus des élus et des employés syndicaux. Bien que le développement de capacités de mobilisation sur le long terme y occupe une place importante, le contrôle démocratique exercé par les membres sur leur mouvement tend par contre à être limité ou inexistant au sein de ce modèle, alors que les orientations stratégiques tendent à être dégagées par des employés permanents des syndicats.

Un dernier modèle, celui du syndicalisme de mouvement social, se caractérise lui aussi par une solidarité de classe et une préoccupation pour la défense des intérêts des travailleuses et travailleurs sur les lieux de travail et au-delà de ceux-ci, ainsi que par la priorisation de la mobilisation des membres. Ce modèle se démarque toutefois par sa perspective plus critique du système socioéconomique en place et surtout, par l’accent qu’il met sur le contrôle démocratique exercé par les membres sur les mobilisations au sein desquelles elles et ils sont impliqués25.

La logique du modèle du syndicalisme de mouvement social recoupe en bonne partie celle du modèle du travail d’organisation (organizing) que Jane McAlevey oppose à ceux de la défense de causes (advocacy) dans l’espace public et de la mobilisation (mobilizing) dans sa typologie des formes d’activisme26. Pour McAlevey, la défense d’une cause s’apparente à un jeu d’influence des élites politiques et économiques mené par des experts de la communication et des sondages d’opinion dans le cadre d’efforts de lobbying qui sont pris en charge par des dirigeants alliés à des consultants. La mobilisation est quant à elle dirigée et contrôlée par un cercle restreint d’employés permanents et de militants. Le modèle de l’organisation décrit par McAlevey se démarque des deux précédents dans la mesure où il va beaucoup plus loin en ce qui a trait à la participation active des membres de la base syndicale. Un des axes centraux de délimitation des différents modèles identifiés par McAlevey est donc celui qui oppose une conception descendante (top-down) de l’organisation syndicale, au sein de laquelle le sommet de l’appareil est en charge, à une conception ascendante (bottom-up), qui laisse place à une participation active et démocratique des membres de la base.

Le travail d’organisation tel qu’envisagé par McAlevey, est enclenché par des conseillers syndicaux qui s’associent non plus simplement à des militants syndicaux « autosélectionnés », mais plutôt à des  « leaders organiques » qui sont ancrés et influents au sein de la base syndicale et qui permettent de la mobiliser dans sa vaste majorité, dans le cadre d’un processus démocratique. L’objectif du travail d’organisation est donc d’amener les membres à passer du statut d’objets passifs à celui de sujets actifs dans le développement d’une orientation stratégique qui leur permettra d’établir pourquoi, comment, quand et où exercer leur pouvoir collectif à terme, et ce, essentiellement par l’exercice de la grève afin de défendre leurs intérêts27. Le syndicalisme de mouvement social présenté plus haut recoupe en bonne partie ces considérations et met de l’avant l’autoactivité de la base syndicale qui était historiquement promue par des minorités militantes qui regroupaient des individus reconnus comme leaders par leurs collègues et dont une partie était membres d’organisations socialistes28.

La valeur heuristique des notions théoriques présentées ci-haut pour l’analyse des mobilisations syndicales liées à la lutte pour le salaire minimum à 15 $ l’heure est illustrée par une considération de la campagne qui a été menée aux États-Unis. Le Service Employees International Union (seiu) a été l’instigateur et principal bailleur de fonds de la campagne Fight for $15 (ff15) aux États-Unis29. En menant cette campagne, pour laquelle il a investi quelque 60 millions de dollars afin d’engager 1 500 organisateurs syndicaux, le seiu avait pour objectif de lutter contre le travail précaire et de lancer un vaste processus de syndicalisation du secteur privé30.

La campagne a d’abord impliqué des grèves tenues dans le secteur de la restauration rapide à partir de 2012 dans le but de revendiquer un salaire horaire minimal de 15 $ tout en ciblant la syndicalisation des entreprises visées31. Les grèves organisées n’ont cependant impliqué que des lignes de piquetage symboliques rassemblant une petite minorité d’employés et d’organisateurs du seiu, alors que le travail continuait à l’intérieur des restaurants32. L’objectif était de faire une publicité négative aux chaînes de restauration rapide pour les forcer à augmenter les salaires et à accepter la formation de syndicats dans leurs succursales. Pour ce faire, le seiu a eu recours aux services de consultants médiatiques et a laissé peu de place à l’implication démocratique des travailleurs et travailleuses33. En effet, la campagne ff15 états-unienne a été organisée de façon très hiérarchique par des employés du seiu et par des consultants34. Les efforts de syndicalisation de la campagne se sont soldés par un échec complet. Ce résultat a amené le seiu à se rabattre sur l’organisation de référendums d’initiative populaire qui ont mené à l’adoption de lois qui ont haussé le salaire minimum à 15 $ l’heure dans plusieurs villes et États du pays35. Les résultats législatifs de la campagne ont été impressionnants, même si elle n’a pas permis le développement du pouvoir collectif des travailleurs et travailleuses36.

La campagne du seiu dépasse clairement le cadre du syndicalisme d’affaires. Elle s’inscrit dans un syndicalisme de mobilisation qui met de l’avant une solidarité de classe. La campagne a impliqué un travail de promotion de cause et de mobilisation, non pas un travail d’organisation, au sens que donne McAlevey à ce concept. Cette campagne a débordé des lieux de travail et a permis d’engager un effort de formation de coalitions avec divers groupes et mouvements, comme en témoignent par exemple les ponts qui ont été établis avec le mouvement Black Lives Matter37. Cette mobilisation est toutefois demeurée sous le contrôle descendant des directions syndicales et des firmes de consultants : elle n’a pas permis le contrôle démocratique de leur mouvement par l’implication d’une majorité des travailleuses et travailleurs des lieux de travail visés, qui est l’apanage du syndicalisme de mouvement social. Les succès législatifs importants de cette campagne états-unienne ont toutefois amené des organisations syndicales québécoises à s’en inspirer.

Résultats et discussion : trois grèves inscrites dans le mouvement pour le 15 $ l’heure

Le mouvement québécois pour le 15 $ l’heure s’est mis en branle en 2015, dans la foulée du mouvement états-unien. La principale caractéristique du mouvement québécois est sa division en plusieurs campagnes38. De plus, bien que les grandes centrales syndicales québécoises et certaines de leurs fédérations et syndicats affiliés aient directement été impliquées dans ce mouvement, les ressources financières investies et les efforts organisationnels ont été relativement limités. Ce sont le plus souvent des organisations communautaires et des groupes politiques, parfois coalisés avec des organisations syndicales, qui ont joué un rôle initiateur et structurant dans la mobilisation pour l’obtention du salaire minimum à 15 $ l’heure au Québec.

Le groupe Alternative socialiste a d’abord lancé sa campagne 15plus en s’inspirant de la campagne ff15 états-unienne, alors que le Centre des travailleuses et travailleurs immigrants (cti) enclenchait une campagne nommée  15 et justice . Ces campagnes se sont orchestrées en partie autour de manifestions, et dans le cadre de la campagne 15plus, une pétition appuyée et diffusée par Québec solidaire a été lancée à partir du 1er mai 2016. Les membres du Syndicat Industriel des Travailleurs et des Travailleuses ‒ Industrial Workers of the World (sitt-iww) ainsi que le cti se sont par la suite joints aux organisations membres de la campagne 15plus pour lancer une nouvelle campagne nommée 15maintenant en juin 2016. Une rencontre de tous les groupes et coalitions en lutte a ensuite eu lieu en septembre 2016 à l’initiative de 15maintenant et a débouché sur une structure nommée  Les campagnes unies pour le 15, qui a permis des actions organisées conjointement, sans toutefois permettre l’émergence d’une campagne unifiée et unique39. Parallèlement à ces initiatives, des comités de quartier ont vu le jour dans le but de mobiliser les travailleurs et travailleuses précaires et non syndiqués, qui ont joué un rôle relativement limité dans les campagnes québécoises. L’objectif de ces comités était de canaliser la mobilisation de ces travailleurs et travailleuses en alliance avec la population et les organismes locaux, mais leurs activités sont demeurées relativement limitées40.

Du côté syndical, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (ftq) a lancé le 1er mai 2016 la campagne Minimum 15 $ qui proposait à l’origine une augmentation du salaire minimum à 15 $ étalée sur six ans, jusqu’en 2022. La ftq a par la suite modifié sa demande pour exiger des gouvernements provinciaux et du gouvernement fédéral une hausse du salaire minimum à 15 $ dès que possible. La Confédération des syndicats nationaux (csn), la Centrale des syndicats du Québec (csq) et la Centrale des syndicats démocratiques (csd) se sont quant à elles réunies autour de la campagne 5-10-15, à laquelle participaient aussi le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (sfpq), le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (spgq) ainsi que certains groupes communautaires. En plus du salaire minimum à 15 $, les employés revendiquaient, dans le cadre de cette campagne, le droit de connaître leur horaire cinq jours à l’avance et le droit de disposer de dix jours de congé payés par année pour cause de maladie ou en raison de responsabilités familiales41. En plus d’assurer un travail de lobbying politique et de représentation auprès du milieu des affaires et dans l’espace médiatique, ces campagnes ont produit des sites Web et du matériel d’information et de mobilisation. Elles ont aussi mené à participer à des manifestations et ont invité les syndicats membres à mettre de l’avant les revendications de la campagne lors du renouvellement de leurs conventions collectives42.

La participation des centrales syndicales à la lutte pour le salaire minimum à 15 $ l’heure s’inscrit dans un syndicalisme social. Cette lutte a impliqué un travail de mobilisation limité et surtout des efforts de promotion de la cause portés par les différentes campagnes ainsi qu’un travail de lobbying auprès du gouvernement provincial43. Trois grèves menées par des syndicats québécois se sont aussi inscrites dans cette lutte politique, parfois de façon sensiblement plus créative et mobilisatrice.

La grève du Syndicat des travailleuses et des travailleurs d’indigo Parc
(stt-Indigo Parc)

Le stt-Indigo Parc rassemble des employés travaillant dans des stationnements de la ville de Québec. Il regroupe environ 80 membres en moyenne, mais la composition des effectifs varie grandement d’une saison à l’autre. Indigo Parc est un sous-traitant qui administre un ensemble de stationnements disséminés dans la ville. Tous les membres du syndicat gagnaient moins de 15 $ l’heure avant les négociations et la grève menée par le syndicat en 2016.

L’adoption de la revendication du salaire à 15 $ l’heure par le stt-Indigo Parc en vue de la négociation avec l’employeur est imputable à certains membres de l’exécutif local. Un des membres de l’exécutif qui a joué un rôle clé dans ce processus est membre d’Alternative socialiste, une organisation politique impliquée dans les campagnes nationales 15plus et 15maintenant.

Le stt-Indigo Parc a donné son appui formel à la campagne 15plus d’Alternative socialiste lors de l’assemblée générale au printemps 2016 alors que sa convention collective arrivait à échéance. Cette décision a été prise quasi unanimement. L’objectif de cet appui politique « n’était pas de déplacer la lutte à l’extérieur du syndicat local. La négociation, la diffusion d’informations et la mobilisation des membres demandaient déjà toutes les énergies. L’objectif était plutôt d’accroître la confiance des membres en la pertinence de la revendication et en leurs chances de succès44. » Le stt-Indigo Parc a donc priorisé la négociation collective avec l’employeur sans toutefois se confiner au lieu de travail. On déborde donc ici clairement du syndicalisme d’affaires en liant la négociation locale à une campagne politique plus large. Le but était d’aiguiller plus fermement la lutte face à l’employeur pour le salaire à 15 $ l’heure et d’ouvrir la porte à un travail de promotion de cause et à la mobilisation dans l’espace public.

Certains membres se sont approprié la revendication en organisant des soupers-causeries qui avaient pour objectif de présenter les luttes nord-américaines pour le salaire minimum à 15 $ l’heure à des petits groupes de travailleurs et travailleuses dès que l’occasion se présentait. L’assemblée générale du syndicat a finalement adopté à très forte majorité un barème d’augmentation allant « entre 14 $ et 17 $ l’heure ». Aux yeux des membres du conseil exécutif, cette proposition reprenait « l’esprit de la revendication d’un salaire minimum à 15 $ l’heure ». Les négociations menées par le stt-Indigo Parc, avec l’aide de la Fédération du commerce de la csn, se sont étirées sur une période de presque huit mois à partir de l’hiver 2016. Entre le début des négociations et le déclenchement de la grève en août 2016, diverses actions ont été menées dans le cadre d’une escalade des moyens de pression. Ce sont essentiellement un membre de l’exécutif local, un membre de l’équipe de négociation locale, ainsi que le conseiller syndical dépêché par la Fédération du commerce de la csn qui ont établi la stratégie d’ensemble pour la négociation et la mobilisation.

Deux actions de visibilité consistant à faire la tournée des stationnements afin de faire signer une pétition en faveur du salaire minimum provincial à 15 $ l’heure ont été organisées ‒ dès que l’occasion se présentait. La participation de membres d’Alternative socialiste et de militants de la campagne 15plus, dont certains venaient de Montréal, a été déterminante. Québec solidaire a aussi pris l’initiative de contacter les dirigeants du stt-Indigo Parc pour donner son appui au syndicat, ce qui a mené à la tenue d’un point de presse rassemblant les exécutants et Manon Massé, députée du parti de gauche, à l’Assemblée nationale.

En parallèle, des assemblées générales ont permis un travail important d’information et de discussion à propos de campagnes états-uniennes et québécoises pour l’obtention du salaire minimum à 15 $ l’heure. Au départ, la participation des membres à ces assemblées était faible (moins de dix personnes), mais elle a augmenté au cours de la période de négociation et de mobilisation pour atteindre près de 80 p. 100 des membres. Bien que les membres du stt-Indigo Parc n’aient eu que des contacts ponctuels et limités avec les campagnes nationales durant toute la période de négociation et de grève, la conscience de faire partie d’une mouvance plus large, qui avait déjà connu certains succès, semble avoir contribué à leur adhésion à la revendication de porter le salaire minimum à 15 $ l’heure. Les membres ont dans l’ensemble adhéré dès le départ à cette revendication. Bien qu’un noyau semble avoir été enthousiasmé par la perspective d’une hausse salariale substantielle, une majorité de membres a fait montre d’une adhésion plus passive. Durant la négociation avec l’employeur, les membres de l’exécutif et de l’équipe de négociation ont aussi visité les stationnements afin de présenter l’évolution des négociations. Ces efforts d’information semblent toutefois avoir été insuffisants, car on nous a rapporté que certains membres s’étaient plaints d’un certain manque de transparence quant au développement des négociations.

Il ressort des entrevues réalisées qu’un travail d’identification d’une minorité militante a été effectué, mais l’effort soutenu d’activation de la base militante n’était pas là. Autrement dit, il n’y a pas eu d’organisation en profondeur (tel que conceptualisé par McAlevey) d’une majorité des membres, qui leur aurait permis d’être préparés et motivés à participer à l’élaboration de la stratégie qui guidait leur mobilisation. Des efforts de promotion de cause et de mobilisation ont certainement eu lieu. On se situe donc ici dans un syndicalisme de mobilisation, qui s’apparente au syndicalisme social en ce qu’il relie la négociation à des enjeux politiques. Dans ce type de syndicalisme, la mobilisation des membres va plus loin, mais se fait toujours à partir du sommet de l’organisation. Le contrôle démocratique exercé par la base se trouve ainsi limité.

À un certain point des négociations, des cadres de l’entreprise sont intervenus auprès des employés sur les lieux de travail afin de les convaincre de voter en faveur d’une offre patronale. Le syndicat a répondu à ces interventions en déposant une plainte au Tribunal administratif du travail (tat). Craignant l’effritement de leur rapport de force face à l’employeur.se, le conseil exécutif du syndicat a obtenu des membres l’adoption d’un mandat de grève illimitée à très forte majorité (plus de 90 p. 100) en juillet. Une escalade des moyens de pression s’est alors amorcée : des autocollants ont été apposés sur les lieux de travail et les membres du syndicat ont cessé de porter l’uniforme obligatoire au travail.

Face à l’absence d’avancées à la table de négociation malgré l’intensification des moyens de pression, les exécutants ont rapidement décidé d’avoir recours à une demi-journée de grève en août 2016. Près de 80 p. 100 des membres ont alors participé à un rassemblement qui a été organisé sur le site d’un des stationnements gérés par l’entreprise lors du débrayage. Une fois la grève déclenchée, la médiation a promptement été demandée par l’employeur, qui a révélé une clause du contrat de sous-traitance permettant sa résiliation après une période de 24 heures si les services n’étaient pas assurés de façon satisfaisante. Puisque la grève menaçait directement la poursuite des activités de sous-traitance d’Indigo Parc, la partie patronale a cherché à faire fléchir la partie syndicale sur cette base. L’équipe de négociation syndicale a cependant fait valoir qu’il s’agissait d’une arme à double tranchant, puisque l’employeur ne voulait pas non plus perdre le contrat de gestion des stationnements octroyé par la Ville de Québec.

L’employeur a alors « tenté d’utiliser l’article 58.2 du Code du travail pour demander au ministère du Travail de forcer le syndicat à aller en assemblée générale et soumettre son offre finale au vote ». Le ministère du Travail a cependant rejeté cette manœuvre de l’employeur. Après ce refus, et en échange du retrait de la plainte précédemment déposée au tat contre elle, la partie patronale « a été obligé de conclure une entente de principe rapidement pour éviter le déclenchement [d’une grève illimitée] : 6 % la première année, 2,8 % la seconde, une convention de deux ans qui tombe à échéance en 2018 ». Cette augmentation, bien qu’étant sous les objectifs initiaux et ne permettant pas d’atteindre un salaire horaire de 15 $ pour la plupart des employés, a été jugée satisfaisante et a été acceptée par les membres.

L’insertion de la revendication locale dans une lutte politique plus large, un travail d’information et une mobilisation des membres dans le cadre d’une escalade des moyens de pression ont permis dans le cas du stt-Indigo Parc de construire un rapport de force suffisant pour contrecarrer les manœuvres de l’employeur. Cependant, en l’absence d’un travail d’organisation en profondeur, la consolidation d’une minorité militante capable de faire vivre la mémoire des luttes passées et de nourrir les réflexions stratégiques futures au sein du syndicat ne s’est pas opérée : les entrevues ont révélé que, un an après la grève, une seule personne membre du conseil exécutif prenait en charge le plus gros des tâches administratives du syndicat local. Malgré un niveau de mobilisation plus limité, la grève menée par le stt-Indigo Parc a débouché sur des gains relativement plus intéressants que ceux d’une autre grève menée en 2016 par les travailleurs et travailleuses du Vieux-Port de Montréal, ayant eu elle aussi comme objectif l’obtention du salaire minimum à 15 $ l’heure.

La grève du Syndicat des Employés.es du Vieux-Port de Montréal (sevpm)

Le sevpm, section locale 10333 de l’Alliance de la fonction publique du Canada (afpc), compte 200 membres (durant l’hiver) et entre 280 et 300 membres (durant l’été). Environ 40 p. 100 des membres touchaient un salaire horaire inférieur à 15 $ avant la grève de 2016. La Société du Vieux-Port de Montréal, qui gère le site du Vieux-Port (qui comprend le Centre des sciences de Montréal), est elle-même administrée par la Société immobilière du Canada, dont le siège social est situé à Toronto. C’est le Code canadien du travail qui établit les normes du travail et qui régit les relations des membres du sevpm avec leur employeur.

L’adoption d’une revendication d’un salaire horaire de 15 $ par le sevpm a emprunté un parcours en partie similaire à celui du stt-Indigo-Parc. En effet, ce sont certains membres influents du comité exécutif et du comité de négociation du syndicat qui ont présenté cette revendication au sein du syndicat. Encore ici, l’influence d’Alternative socialiste s’est fait sentir et a contribué à l’adhésion de la direction syndicale locale à la lutte pour le 15 $. Une campagne d’information sur cette lutte visant les membres du syndicat a débuté à l’automne 2015, environ six mois avant le déclenchement de la grève en mai 2016. Dans le cadre de cet effort d’information et de mobilisation, plus de 115 employés (sur un total d’environ 200 à ce moment-là) ont signé une pétition pour l’obtention du salaire minimum à 15 $ l’heure. L’exécutif a aussi organisé des projections de films documentaires sur l’enjeu et des repas-causeries. De plus, le journal syndical local (Le syndicaliste) a été relancé.

L’adoption de la revendication du salaire minimum à 15 $ l’heure en vue de la négociation avec l’employeur s’est faite au sein de l’équipe de négociation, et la consultation des membres est demeurée informelle. Une assemblée générale a été organisée afin de débattre de l’enjeu, mais très peu de membres s’y sont présentés. De plus, aucun vote visant à inclure formellement cette revendication dans le cahier de demandes syndicales n’a été tenu. La revendication a toutefois été soumise à la partie patronale au début des négociations. Un autre enjeu majeur des négociations a été celui des congés de maladie (ou « congés mobiles »), alors que seuls les employés permanents avaient droit à ces congés, ce qui représentait environ 180 membres sur 280.

Dans le cadre de ces négociations, le sevpm n’a pas formulé de demandes normatives et s’est concentré sur deux revendications salariales. L’équipe de négociation a en effet décidé de laisser le normatif « de côté entièrement [et de] miser toute [la] mobilisation sur l’enjeu salarial, centré autour du 15 $ l’heure et les congés de maladie pour tous ». L’équipe syndicale a exigé le salaire minimum à 15 $ l’heure pour tous les employés et une hausse proportionnellement équivalente pour les cinq autres échelons salariaux déjà enchâssés dans la convention collective.

La revendication du salaire minimum à 15 $ l’heure a été appuyée par une majorité des employés temporaires, dont beaucoup touchaient un salaire horaire inférieur à 15 $. Une importante minorité, formée en bonne partie d’employés permanents touchant déjà davantage que 15 $ l’heure, se sont par contre braqués contre cette revendication. Le mécontentement semble s’expliquer en bonne partie aussi par le fait que toutes les demandes normatives aient été largement abandonnées par la partie syndicale. La polarisation semble aussi avoir été amplifiée par une division entre employés bénéficiant déjà de congés de maladie et entre employés n’y ayant pas droit. Cette polarisation a donné lieu à des échanges tendus en assemblée générale et à une division sur les lignes de piquetage où se retrouvaient à la fois des membres qui avaient appuyé la grève et d’autres qui y étaient opposés.

Cette division au sein du sevpm a rapidement poussé la partie syndicale à mettre en veilleuse l’exigence du salaire horaire à 15 $. Cette dernière, n’ayant pas été formellement adoptée en assemblée générale, a pu être mise en veilleuse unilatéralement par l’équipe de négociation. Un paradoxe important a alors fait surface. La grève s’est prolongée durant plusieurs mois, en partie en réaction à la « posture insultante » de l’employeur et malgré les divisions internes du sevpm. Cependant, alors que la demande du salaire minimum à 15 $ l’heure avait cessé d’être la priorité à la table de négociation, le sevpm a continué de défendre cette revendication de façon soutenue dans l’espace public et médiatique, en lien avec les campagnes nationales portant sur cet enjeu. Un décalage partiel entre la négociation et la mobilisation des membres s’est donc installé.

La grève menée par le sevpm a débuté à la fin mai 2016. L’offre finale de l’employeur.se ayant été rejetée, l’assemblée générale de cette section locale s’est dotée d’un mandat de grève illimité par une majorité de plus de 80 p. 100. La grève s’est étirée jusqu’en octobre 2016. Malgré que le Code canadien du travail prévoie certaines dispositions45 relatives aux travailleurs de remplacement, celles-ci sont peu restrictives. C’est pourquoi l’employeur a pu avoir recours à des briseurs de grève. On nous a rapporté que le recours à des briseurs de grève et à la sous-traitance sur le site du Vieux-Port a « énormément nui » au syndicat et l’a ultimement empêché de construire un rapport de force favorable face à l’employeur. L’employeur a aussi rapidement obtenu une injonction très sévère et restrictive qui empêchait les syndiqués de manifester sur leur lieu de travail ou de tenir des lignes de piquetage qui auraient pu nuire ou empêcher le recours aux briseurs de grève.

Étant donné ces contraintes importantes, survenues très tôt au cours du conflit, les membres de la section locale 10333 de l’afpc ont concentré leurs efforts de mobilisation vers l’espace public. La négociation opposait le syndicat à la Société immobilière du Canada, et donc ultimement au Conseil du Trésor du Canada. Il semblait donc utile d’aller chercher des appuis extérieurs et de politiser le conflit. L’objectif devenait alors de s’inscrire activement dans la « grande famille du mouvement pour le 15 $ l’heure » pour briser l’isolement de la section locale. On déborde donc ici encore clairement du cadre du syndicalisme d’affaires pour investir l’espace public, mais contrairement au cas du stt-Indigo Parc, la lutte politique a eu tendance à prendre le dessus sur la négociation collective dans le cadre de la grève du sevpm. Et il semble que c’est un « rapport de force [face à l’employeur] qui n’était pas optimal » qui a mené le syndicat à s’inscrire dans un mouvement plus large « pour avoir un poids politique ».

Cette volonté de politisation du conflit a laissé cours à une intense mobilisation ponctuée de toute une série d’actions diversifiées. Plusieurs rassemblements publics ont eu lieu, ainsi qu’une campagne d’affichage public massive. Avec l’appui de Québec solidaire et de l’afpc-Québec, le sevpm a fait circuler une pétition en faveur du salaire minimum à 15 $ l’heure, et les membres de la section locale ont réussi à recueillir des milliers de signatures.

Plusieurs bureaux de députés du Parti libéral du Canada ont été visités par des groupes de manifestants ainsi que le bureau de comté du premier ministre Justin Trudeau, qui a aussi été visité à plusieurs reprises. Des activités de piquetage secondaire ont eu lieu devant les bureaux des commanditaires du Vieux-Port de Montréal, tels que les compagnies Sleeman et Telus. Des manifestations ont eu lieu devant les résidences de certains cadres du Vieux-Port. Les bureaux de l’entreprise responsable d’effectuer des tâches de briseurs de grève ont été occupés par les membres du sevpm et leurs alliés. Plusieurs autres actions et occupations ont eu lieu, dont une visant les bureaux de la Société immobilière du Canada situés à Toronto. Les grévistes et leurs alliés se sont aussi rendus à Ottawa afin de participer à une manifestation en collaboration avec les militants de la campagne ontarienne Fight for 15 and Fairness. Une autre manifestation a été organisée face à l’Assemblée nationale, à Québec, à l’occasion de laquelle les grévistes ont pu rencontrer les députés de Québec solidaire.

Appuyés par des alliés issus de différents groupes de gauche, les membres du sevpm se sont aussi fréquemment rendus sur les lieux où le sqees-298 menait au même moment une grève pour leur montrer leur appui. Ces efforts de réseautage et de solidarité ont été laissés largement à la charge du sevpm. Comme l’explique une des personnes rencontrées,

le travail de réseautage entre les sections locales, c’est entièrement nous qui l’avons fait. Ça a été un peu une source de frustration à la longue parce qu’on a eu à construire ces liens-là tout seul. On a eu à apprendre à se connaitre sur le tas, dans la mobilisation, dans la lutte. C’est très regrettable parce que c’est sûr que quelque part les administrations syndicales de la ftq, de l’afpc, elles avaient conscience de qui était en négociation, puis des revendications, mais elles n’ont jamais fait le lien entre nous pour qu’on se solidarise, pour qu’on lutte ensemble. Ça, c’est nous entièrement qui avons construit ça, à travers des organismes parallèles, comme le Centre des travailleuses et travailleurs immigrants, Alternative socialiste, les iww, et même la Ligue communiste. En allant aux rencontres de ces gens-là, on a appris à se connaitre — les sections locales, syndicats locaux en lutte… on a tissé les liens qui nous ont permis de créer le mouvement qui a eu lieu en 2016.

La stratégie de négociation et de mobilisation a au départ été établie par la direction du sevpm au sein d’un comité de stratégie. Rapidement après le début de la grève, certains membres, dont beaucoup avaient participé à la grève étudiante de 2012, ont exigé cependant la tenue d’assemblée générales sur une base régulière afin de permettre à l’assemblée des membres d’établir les orientations de la négociation et de la mobilisation menées par le syndicat. La direction syndicale a concédé la tenue d’« assemblées de discussion » qui n’avaient pas de pouvoir décisionnel et a aussi accepté d’approuver les initiatives de mobilisation de différents membres au cas par cas.

Une partie de la mobilisation a donc été organisée par des « groupes affinitaires » qui contactaient une personne du conseil exécutif afin de faire valider leurs initiatives. Une structure parallèle de mobilisation a donc émergé au sein du syndicat. Les membres qui ont participé à ces groupes affinitaires, inspirés par leur expérience au sein du mouvement étudiant, ont fait preuve d’une grande créativité. Des alliés du sitt-iww, du cti, de la Ligue communiste et d’Alternative socialiste ont prêté main-forte à certains membres du sevpm lors de leurs actions de mobilisation.

Le sevpm s’est intensément engagé dans un syndicalisme de mobilisation, qui malheureusement s’est matérialisé par une forte division de l’effectif syndical. Une minorité importante s’est rapidement opposée à la grève alors que, parallèlement, certains membres se sont lancés dans un effort effréné de mobilisation, ponctué d’une multitude d’actions appuyées par des militants socialistes et de gauche qui, sans en être membres, ont été des alliés importants du syndicat. Malgré des appels en ce sens par certains membres s’inspirant de leur expérience au sein du mouvement étudiant, ces actions n’ont pas été intégrées à un plan d’ensemble qui aurait pu être présenté, débattu et adopté en assemblée générale, de façon à rejoindre et à engager une majorité des membres dans un processus d’auto-organisation démocratique. Il semblerait donc que les membres actifs du sevmp ont consacré davantage de temps et d’énergie à cibler des lieux de pouvoir (bureaux de la Société immobilière du Canada, bureaux de députés, etc.) qu’à transformer les rapports entre membres à l’interne de façon à construire leur pouvoir face à l’employeur, bien que ces deux dimensions du mouvement auraient pu être plus fortement reliées.

Autrement dit, comme cela a été le cas pour la grève du stt-Indigo Parc, la minorité militante identifiée et formée sur la cause du 15 $ l’heure dans le cadre de repas-causeries et autres évènements ne s’est pas occupée de rallier et d’activer une majorité des membres. La mobilisation a donc été portée par des militants et militantes « autosélectionnés » (dans le syndicat et à l’extérieur) plutôt que par des « leaders organiques » membres du sevpm et capables de rallier une majorité dans le cadre d’un processus démocratique, comme l’aurait impliqué un travail d’organisation dans un cadre de syndicalisme de mouvement social.

Malgré l’impressionnante énergie militante déployée lors d’une multitude d’actions publiques, n’arrivant pas à empêcher le recours aux briseurs de grève dans un conflit qui s’étirait, l’élan des grévistes s’est progressivement étiolé. Après deux premiers votes lors d’une assemblée générale, qui rejetaient une offre patronale et une entente proposée par un médiateur, une offre a finalement été acceptée par une faible majorité de 52 p. 100 à la fin octobre.

Les résultats à la table de négociation ont été décevants du point de vue des membres du sevpm rencontrés. Au final, les gains ont été très limités. En ce qui concerne les hausses salariales, la partie syndicale n’aura finalement réussi qu’à abolir la catégorie salariale la plus faible, à laquelle appartenaient moins de dix employés et à obtenir des augmentations à peine plus élevées que l’inflation (et plus faibles pour les nouveaux salariés), et donc bien en deçà de ce qui aurait été nécessaire pour l’obtention du salaire minimum à 15 $ l’heure. Quant aux congés de maladie, le sevpm a obtenu pour les employés non permanents, qui n’y avaient pas droit, le congé de maladie après 650 heures travaillées (contre 250 heures pour les permanents, tel que la convention l’établissait déjà). Enfin, l’employeur a accepté la mise sur pied d’un comité paritaire ayant pour mandat d’embaucher une firme de recherche qui effectuera une étude de marché afin de comparer les conditions salariales des employés du Vieux-Port avec celles de travailleurs et travailleuses occupant des fonctions similaires dans la région montréalaise. Les conclusions de ce comité n’étaient cependant pas contraignantes pour l’employeur.

Pour expliquer ces résultats décevants, il faut souligner que le contexte dans lequel la grève a été menée était particulièrement difficile et peu propice à un travail d’organisation au sein du syndicat et éventuellement, au sein de la communauté et auprès du public en vue d’obtenir des appuis soutenus d’alliés qui auraient pu aider à contrecarrer le recours à des briseurs de grève. On peut ajouter que la déconnexion partielle (et croissante au cours de la grève) entre la négociation locale et la lutte politique plus large a posé problème. Particulièrement dans la mesure où les actions dans l’espace public s’inscrivaient fortement dans des efforts de promotion d’une cause et de mobilisation politique, qui visaient trop peu à consolider un rapport de force interne face à l’employeur.

Comme l’affirme Jay Johnston, militant de ce qui était à l’époque le syndicat des Travailleurs canadiens de l’automobile,

ce qui rend possibles [sic] les luttes sociales de plus grande envergure [menées pas le mouvement syndical], c’est la réussite en milieu de travail. Avant que les membres d’un syndicat ne croient que ce syndicat puisse être un véhicule de réforme sociale, il faut qu’il soit pertinent et efficace dans l’amélioration des conditions de travail […] Ce n’est pas que les questions sociales et la lutte ne soient pas importantes pour les salarié.es, mais c’est plutôt que la résistance en milieu de travail est un prérequis de la réussite sur le plan social46.

Il semble que la direction ainsi que certains militants et militantes du sevpm aient au moins en partie perdu de vue le point formulé par Johnston. En effet, le contraste croissant entre l’intensité de la mobilisation politique hors du lieu de travail pour le 15 $ l’heure et l’incapacité à établir un rapport de force réel face à l’employeur pour faire valoir cette revendication dans le cadre de la négociation a en définitive contribué à miner ces deux dimensions de la lutte de la sevpm pour les raisons évoquées par Johnston. La construction d’un tel rapport de force aurait d’abord exigé un travail d’organisation en profondeur au sein du sevpm pour dépasser les divisions internes entre ses membres. Elle aurait aussi exigé un travail d’organisation en profondeur avec d’autres syndicats et groupes politiques et communautaires qui aurait fait en sorte d’empêcher le recours à des briseurs de grève et à des sous-traitants. Cette mobilisation aurait pu impliquer des actions de désobéissance civile de masse sur et autour des lieux de travail.

Une autre grève pour le salaire minimum à 15 $ l’heure a été menée parallèlement à celle du sevpm. Les résultats en ce qui concerne les salaires ont été plus intéressants.

La grève du Syndicat québécois des employées et employés de services, section locale 298 (ftq) (sqees-298)

Le Syndicat québécois des employées et employés de service (sqees-298), qui est la section locale 298 du seiu, est affilié à la ftq. Ce syndicat regroupe plusieurs unités d’accréditations syndicales (unités de base) dans le secteur des services, dont environ 120 qui rassemblent quelque 25 000 travailleurs et travailleuses dans des résidences privées pour aînés (rpa) situées partout au Québec. Parmi les travailleuses et travailleurs des rpa syndiqués au sqees, 77 p. 100 sont des femmes, et plus de 70 p. 100 sont des employés à temps partiel. Avant la grève de 2016, le salaire horaire moyen du premier échelon salarial était de 12,11 $ alors que celui du dernier échelon était de 13,38 $. Une proportion importante des membres sont aussi des travailleuses immigrantes et travailleurs immigrants, souvent de nouveaux arrivants racisés, particulièrement dans les grands centres urbains. Enfin, notons qu’il existe un taux de roulement important de la main-d’œuvre dans la plupart des rpa47.

La campagne pour le salaire minimum menée par le sqees-298 a découlé d’efforts stratégiques et concertés des dirigeants provinciaux de l’organisation syndicale. Ce sont les conseillers syndicaux qui ont mis en branle un plan de lutte pour le salaire minimum à 15 $ l’heure échelonné sur plusieurs années. Cette campagne a impliqué une tentative de coordination des négociations collectives des différentes unités d’accréditation en résidences privées pour personnes âgées que regroupe ce syndicat en faisant de l’obtention, dès le départ, du salaire minimum à 15 $ l’heure pour les préposés aux résidents au premier échelon salarial un de ses objectifs centraux48. Cette campagne visait aussi l’obtention de vacances annuelles, de jours fériés et de congés de maladie, ainsi que des primes de soir, de nuit et de fin de semaine49. Notons aussi que la revendication du salaire minimum à 15 $ l’heure et les grèves menées par les unités locales du sqees ont été directement inspirées par la campagne états-unienne pour l’obtention du salaire minimum à 15 $ l’heure, en plus de s’inscrire dans la campagne Minimum 15 $ de la ftq. Tel que mentionné précédemment, le sqees-298 est rattaché au seiu, qui a été le fer de lance de la campagne ff15 aux États-Unis.

Dans le cadre de sa campagne de mobilisation, le sqees a assuré une distribution de matériel d’information et a tenu des séances d’information parallèlement à des actions de visibilité médiatiques. Un journal syndical a aussi été massivement distribué auprès des membres. Les conseillers syndicaux du sqees ont ainsi progressivement contribué à l’adoption de la revendication du salaire minimum à 15 $ l’heure, dès l’embauche, au sein des différentes unités locales, de sorte que cette revendication a rapidement gagné un appui « quasiment unanime » chez les membres avant d’être adoptée tour à tour par les assemblées générales des unités de base.

Pendant les mois qui ont précédé les grèves menées par les différentes unités de base du sqees, celles-ci ont organisé de nombreuses actions locales afin d’accélérer le rythme des négociations. Des manifestations ont par exemple été tenues sur l’heure du midi, et des macarons ou des bandanas ont aussi été portés par les travailleuses et travailleurs. Ces actions ont exercé une pression qui a permis à certaines unités de base de parvenir rapidement à des accords avec leur employeur.

Dans plusieurs autres cas, par contre, la grève a été nécessaire. Une première grève de 24 heures, qui a impliqué 41 rpa, a été tenue le 11 mai 2016. Des grèves de deux jours (à la fin mai 2016), puis de trois jours (à la fin juin 2016) ont ensuite eu lieu. Craignant le déclenchement d’une grève illimitée, certains employeurs ont cédé à la pression et ont fait des offres jugées satisfaisantes par leurs employés. Une grève illimitée a cependant été nécessaire dans plusieurs rpa réparties dans neuf différentes régions administratives. Celle-ci a été déclenchée le 21 juin et a impliqué simultanément 32 rpa et 2 585 salariés. La durée moyenne des grèves illimitées a été de 41 jours, et trois rpa ont vu la grève s’étirer jusqu’en 201750.

L’exercice du droit de grève a cependant été grandement limité par la loi pour les centres d’hébergement et de soins de longue durée (chsld) publics ou privés, les centres de réadaptation et les centres hospitaliers spécialisés. Cette loi exige que 90 p. 100 des salariés soient maintenus en poste dans chaque équipe de travail advenant une grève. Comme l’expliquent Louise Boivin et ses collègues, « le sqees a négocié des ententes basées sur cette norme du 90 p. 100 pour la plupart des rpa […] Concrètement, la grève a donc porté sur 10 p. 100 du temps de travail, ce qui représentait environ 45 minutes par jour51. » En négociant ces ententes conciliantes, les conseillers du sqees ont fait le choix stratégique de concentrer leurs énergies sur le terrain, pour la mobilisation, plutôt que de judiciariser les conflits.

La grève menée par le sqees était en elle-même un mouvement provincial articulé autour de la revendication du salaire à 15 $ l’heure, ce qui donnait beaucoup de légitimité à leur mouvement aux yeux des grévistes. L’isolement des membres des unités de base a ainsi été partiellement brisé par les médias sociaux qui permettaient aux grévistes de suivre l’évolution des grèves et les gains réalisés dans d’autres régions. Par ailleurs, le sqees a aussi organisé un commando d’occupation des bureaux montréalais de Chartwell ‒ la plus importante compagnie du secteur ‒ pour forcer, avec succès, l’entreprise à tenir des négociations coordonnées impliquant plusieurs de ses établissements52.

Durant cette campagne de négociations coordonnées, peu de liens ont été établis avec les campagnes nationales pour l’obtention du salaire minimum à 15 $ l’heure au Québec. Les membres du sevpm, ainsi que ceux du cti, d’Alternative socialiste et du sitt-iww se sont rendus sur les lignes de piquetage du sqees à différentes reprises. Les entrevues réalisées nous ont cependant révélé que la direction et les conseillers syndicaux du sqees ont fait le choix stratégique de ne pas chercher à développer ces appuis et collaborations et ont préféré garder une certaine distance vis-à-vis de ces groupes ou syndicats et des campagnes nationales dans lesquelles ils s’inscrivent. Comme le soulignent Louise Boivin et ses collaboratrices, on constate aussi une absence d’alliances avec des groupes associatifs qui auraient pu offrir un soutien important aux travailleuses immigrantes et travailleurs immigrants racisés ‒ se trouvant en grand nombre au sein du sqees ‒ afin de mettre de l’avant, au cours de cette campagne, des enjeux liés au racisme et au sexisme subis par les employés53.

La grève du sqees-298 a donc certains traits du syndicalisme d’affaires, dans la mesure où la priorité a clairement été la négociation avec l’employeur afin d’améliorer les conditions matérielles des membres. L’impressionnante solidarité développée dans le cadre de cette campagne de grèves s’est articulée autour d’une identité liée davantage à un métier qu’à une classe. Les occasions de construire des alliances horizontales avec des groupes externes et d’autres syndicats en grève autour de l’enjeu du 15 $ l’heure n’ont pas été saisies et ont même été consciemment évitées. Il est toutefois possible d’identifier des caractéristiques d’un syndicalisme social et de mobilisation dans cette campagne de grève vu que le syndicat y est allé d’efforts de promotion de causes dans l’espace médiatique et d’efforts de mobilisation menant notamment à une occupation des bureaux d’un des employeurs visés.

La mobilisation liée à ces négociations coordonnées et les grèves qui en ont découlé ont été organisées de façon descendante par la direction et les conseillers syndicaux du sqees. Les élus des unités de base ont pris en charge la négociation avec l’aide de conseillers du sqees, mais les membres n’ont pas participé de façon active à l’élaboration stratégique du mouvement de mobilisation. Comme on nous l’a expliqué, cette campagne « n’était pas du bottom-up […] pas du grassroot du tout. C’est un peu de l’astroturf […] du faux base, de la base organisée par en haut. » On a donc dans ce cas-ci sciemment évité le syndicalisme de mouvement social et le travail d’organisation en profondeur et démocratique qu’il implique. L’organisation descendante de la campagne de grèves a été justifiée en entrevue par l’absence quasi-totale d’expérience syndicale ‒ sans parler d’expérience de grève ‒ chez la grande majorité des membres.

La grève a permis l’obtention de hausses salariales dans les différentes rpa impliquées. Tel que mentionné, le cas du sqees recoupe une multitude de négociations menées par différentes unités de base avec différents employeurs. Alors que l’atteinte de la revendication du 15 $ l’heure au premier échelon salarial aurait nécessité une hausse salariale moyenne de 24,6 p. 100, l’augmentation moyenne pour l’ensemble des rpa a été de 5,3 p. 100. Un salaire horaire de 15 $ au premier échelon salarial lors de la première année n’a été atteint dans aucun des rpa ayant fait la grève. La revendication centrale du mouvement de grève n’a donc pas été atteinte. Toujours pour la première année des conventions obtenues, un salaire minimum à 15 $ l’heure au dernier échelon salarial n’a été arraché que dans quatre rpa. Pour ce qui est de la dernière année des conventions, un salaire minimum à 15 $ l’heure au dernier échelon salarial a été atteint dans 75 p. 100 des rpa. Boivin et ses collaborateurs précisent toutefois que l’atteinte de ce dernier échelon exige en moyenne plus de sept ans pour une préposée aux bénéficiaires qui travaille à temps partiel et plus de quatre ans, dans le cas d’une préposée qui travaille à temps plein. Dans un secteur à fort taux de roulement de la main-d’œuvre et où environ 72 p. 100 des travailleuses et travailleurs sont employés à temps partiel ou sur une base occasionnelle, peu d’entre elles et d’entre eux seront susceptibles d’atteindre ce dernier échelon permettant de toucher un salaire à 15 $ l’heure54.

Il ressort de cette analyse que la lutte pour le salaire minimum qui permettrait aux travailleurs et travailleuses de ce secteur d’obtenir un niveau de vie décent n’a clairement pas pris fin lors de la grève menée par le sqees en 2016. Les débrayages menés par le sqees ont toutefois permis à des milliers de salariés ‒ dont une majorité de femmes et un grand nombre de personnes racisées ‒ d’obtenir une première expérience de grève qui pourrait servir d’appui pour des mobilisations futures.

Conclusion

Une des personnes interviewées dans le cadre de cette recherche a affirmé que « le vrai enjeu [de la lutte pour le salaire minimum à 15 $ l’heure], c’est la capacité du mouvement syndical à se revitaliser, puis si les organisations syndicales ne font qu’une campagne politique, basée sur l’opinion publique et du lobbying ‒ et c’est ce qu’elles font ‒ bien on a un gros de [sic] problème […] le grand enjeu c’est la lutte pour nous permettre de revitaliser le mouvement syndical, puis si on échappe cette opportunité-là, bien on échappe le plus important des campagnes. » Or, il ressort de l’analyse qui précède que, malgré leurs limites, les grèves étudiées sortent du cadre conventionnel et apportent des pistes originales pour faire face aux défis contemporains qui se présentent au monde syndical québécois.

Les syndicats analysés sont soumis au cadre légal présenté plus haut, qui tend à décentraliser la négociation, à limiter la combativité et la solidarité syndicale et à renforcer la bureaucratisation des organisations syndicales aux dépens de leur vitalité démocratique. Les défis liés à l’économie politique néolibérale se sont aussi fait sentir. Le stt-Indigo Parc a fait face à un employeur sous-traitant et le sevpm à un employeur qui a aussi eu recours à des sous-traitants et à des briseurs de grève. Les membres du sqees-298 évoluent dans le secteur privé du  care, un secteur en forte croissance. En effet, un nombre croissant de rpa appartiennent à de grandes entreprises privées.

Dans ce contexte, les syndicats québécois étudiés ont mené de véritables grèves et non pas des actions médiatiques comme ce fut le cas aux États-Unis. Ils ont ainsi fait preuve d’une combativité en rupture avec la tendance dominante à la conciliation au sein du mouvement syndical. L’originalité de cette combativité tient à l’insertion consciente et réfléchie des grèves en question au sein de campagnes politiques plus larges.

L’analyse des grèves sur le plan vertical de l’analyse des grèves révèle que les syndicats cherchent à développer de nouvelles formes de solidarité qui débordent des lieux de travail et du cadre de la négociation décentralisée. Cette volonté a clairement été efficacement aiguillée par l’insertion de chacune des grèves dans la lutte politique pour le salaire minimum à 15 $ l’heure. Le sqees-298 a organisé une campagne de négociation coordonnée qui a impliqué plusieurs dizaines d’unités d’accréditation réparties dans différentes rpa, mais il a été réticent à élargir la solidarité au-delà de ces rpa. Le stt-Indigo Parc et le sevpm ont au contraire activement créé des liens avec des groupes extérieurs et, particulièrement le sevpm, ont investi l’espace public pour revendiquer une hausse du salaire minimum. On peut donc noter ici une volonté et une certaine capacité à dépasser la séparation de l’« économique » et du « politique » à laquelle fait face le mouvement syndical.

L’analyse des grèves sur le plan horizontal révèle que les rapports entre les directions syndicales et les membres sont demeurés descendants. Cela a été particulièrement le cas pour le sqees-298. C’est aussi vrai pour le stt-Indigo et le sevpm. Dans ces deux syndicats, cependant, des efforts d’identification et d’activation d’une minorité militante ont eu lieu, sans qu’une activation subséquente d’une large proportion des membres dans un processus d’auto-organisation démocratique ne prenne place. Cette minorité militante, en partie issue des groupes socialistes ou encore du mouvement étudiant, a cependant mis en branle des mobilisations politiques qui ont débordé des lieux de travail et qui ont été ponctuées d’actions de désobéissance civile dans le cadre de grèves qui ont indiqué des avenues qui pourraient permettre au syndicalisme québécois de faire face à certains défis contemporains.

L’auteur remercie Guillaume Legault, David Camfield, David Mandel ainsi que trois évaluateurs ou évaluatrices anonymes pour leurs commentaires sur différentes versions de cet article.


1. Marc-André Demers, « Portrait de l’emploi syndiqué et de la présence syndicale au Québec », Cap sur le travail et la rémunération, n15 (2019).

2. Québec, Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, La présence syndicale au Québec en 2015 (Québec 2016).

3. Jacques Rouillard et Jean-François Rouillard, Perspective historique sur l’évolution des salaires réels au Québec (1940–2016) (Sherbrooke : Groupe de recherche en économie et développement international, 2018), https://ideas.repec.org/p/shr/wpaper/18-04.html.

4. Peter Graefe, « Whiter the Quebec Model? Boom, Bust and Quebec Labour » dans John Peters, dir., Boom, Bust and Crisis: Labour, Corporate Power and Politics in Canada (Halifax : Fernwood, 2012), 129–131.

5. Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, Pourquoi un salaire minimum à 15 $ l’heure (Montréal : Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, 2018); Institut de la statistique du Québec, « Les travailleurs rémunérés à moins de 15 $ l’heure au Québec et au Canada », Cap sur le travail et la rémunération, n8 (2017).

6. David Camfield, Canadian Labour in Crisis. Reinvinting the Workers’ Movement (Halifax : Fernwood, 2011), 66; Graefe, « Whiter the Quebec Model? Boom, Bust and Quebec Labour »; Stephanie Ross et Larry Savage, « Rethinking the Politics of Labour in Canada: An Introduction » dans Stephanie Ross et Larry Savage, dir., Rethinking the Politics of Labour in Canada (Halifax : Fernwood, 2012), 12; Donald Swartz et Rosemary Warskett, « Canadian Labout and the Crisis of Solidality » dans Ross et Savage, dir., Rethinking the Politics of Labour in Canada, 30–31.

7. Ellen Meiksins Wood, Democracy Against Capitalism. Renewing Historical Capitalism (Cambridge : Cambridge University Press, 1995), 19–48.

8. Sur ces tendances, voir Swartz et Warskett, « Canadian Labout and the Crisis of Solidality », 21–22.

9. Camfield, Canadian Labour in Crisis. Reinvinting the Workers’ Movement, 69; Judy Fudge et Eric Tucker, Labour Before the Law: The Regulation of Workers’ Collective Action in Canada, 1900–1948 (Toronto et Buffalo : University of Toronto Press, 2004); Leo Panitch et Donald Swartz, From Consent to Coercion. The Assault on Trade Union Freedoms (Aurora, Ontario : Garamond Press, 2003), 10–19; Jacques Rouillard, Le syndicalisme québécois. Deux siècles d’histoire (Montréal : Boréal, 2004), 98–100.

10. Camfield, Canadian Labour in Crisis. Reinvinting the Workers’ Movement, 61–62 et 69–73; Panitch et Swartz, From Consent to Coercion. The Assault on Trade Union Freedoms, 19–21; Donald M. Wells, « Origins of Canada’s Wagner Model of Industrial Relations: The United Auto Workers in Canada and the Suppression of “Rank and File” Unionism, 1936–1953 », The Canadian Journal of Sociology/Cahiers canadiens de sociologie, 20, n2 (1995), 193–225.

11. Rouillard, Le syndicalisme québécois. Deux siècles d’histoire, 139–213.

12. Peter Graefe, « Québec Labour: Days of Glory or The Same Old Story » dans Stephanie Ross et Larry Savage, dir., Rethinking the Politics of Labour in Canada, 66–68; Ross et Savage, « Rethinking the Politics of Labour in Canada: An Introduction », 14; Swartz et Warskett, « Canadian Labout and the Crisis of Solidality », 26.

13. Andrew Glyn, Capitalism Unleashed: Finance, Globalization, and Welfare (Oxford et New York : Oxford University Press, 2007); David McNally, Global Slump. The Economics and Politics of Crisis and Resistance (Oakland : pm Press, 2011), 25–60.

14. François Chesnais, Finance Capital Today. Corporations and Banks in the Lasting Global Slump (Leiden et Boston : Brill, 2016); Daniel Kinderman, « The Neoliberal Revolution in Industrial Relations », Catalyst, 2, n4 (2019), 107–124.

15. Kim Moody, On New Terrain. How Capital is Reshaping the Battleground of Class War (Chicago : Haymarket Books, 2017).

16. Marc-Antonin Hennebert et Marcel Faulkner, « Are strikes still a tool for union action? », Economic and Industrial Democracy, 41, no 1 (2017), 93; Panitch et Swartz, From Consent to Coercion. The Assault on Trade Union Freedoms; Martin Petitclerc et Martin Robert, Grève et paix. Une histoire des lois spéciales au Québec (Montréal : Lux, 2018); Jean-Marc Piotte, Du combat au partenariat (Québec : Éditions Nota bene, 1998).

17. Hennebert et Faulkner, « Are strikes still a tool for union action? », 82–91.

18. Camfield, Canadian Labour in Crisis. Reinvinting the Workers’ Movement, 105; Graefe, « Whiter the Quebec Model? Boom, Bust and Quebec Labour », 140.

19. Camfield, Canadian Labour in Crisis. Reinvinting the Workers’ Movement, 118–127; Ross et Savage, « Rethinking the Politics of Labour in Canada », 9–10.

20. Louise Boivin, Catherine Vincent et Sophie Béroud, « Une grève pionnière de salariées précaires dans les services privés d’hébergement pour personnes âgées au Québec », Chronique internationale de l’IRES, no157 (2017), 53–65; Louise Boivin, Mathieu Dufour et Marie-Hélène Verville, La grève coordonnée de 2016 pour le salaire à 15 $ dans 41 résidences privées pour ainé.e.s au Québec. Évaluation des gains salariaux (Gatineau : réqef, uqo et erts, 2018).

21. Stephanie Ross, « Business Unionism and Social Unionism in Theory and Practice » dans Stephanie Ross et Larry Savage, dir., Rethinking the Politics of Labour in Canada, 35–40.

22. Stephanie Ross, « Business Unionism and Social Unionism in Theory and Practice », 40–42.

23. Camfield, Canadian Labour in Crisis. Reinvinting the Workers’ Movement, 51.

24. Camfield, Canadian Labour in Crisis. Reinvinting the Workers’ Movement.

25. Camfield, Canadian Labour in Crisis. Reinvinting the Workers’ Movement.

26. Jane McAlevey, No Shortcuts. Organizing for Power (Oxford : Oxford University Press, 2016), 9–12.

27. McAlevey, No Shortcuts. Organizing for Power, 2–6 et 9.

28. Micah Uetricht et Marry Eidlin, « U.S. Union Revitalization and the Missing “Militant Minority” », Labor Studies Journal, 44, n°1 (2019), 36–59.

29. Jane McAlevey et Bob Ostertag, Raising Expectations (and Raising Hell): My Decade Fighting for the Labor Movement (London, Royaume-Uni et New York : Verso, 2014); Jonathan Rosenblum, Beyond $15: Immigrant Workers, Faith Activists, and the Revival of the Labor Movement (Boston : Beacon Press, 2017).

30. Jonathan Rosenblum, « Fight for $15: Good Wins, but Where did the Focus on Organizing Go? », Labor Studies Journal, 42, no4 (2017), 387–93.

31. Steven Ashby, « Ashby Response to Rosenblum and Juravich: Fight for Fifteen », Labor Studies Journal, 42, n4 (2017), 398–404.

32. Jonathan Rosenblum, « Where to Begin? Lessons from the Fight for $15 Beyond North America », The Bullet (Toronto), 6 décembre 2017, https://socialistproject.ca/2017/12/b1521/.

33. Jane McAlevey, « Having the Hard Conversations », Jacobin (Brooklyn), 4 octobre 2015, https://www.jacobinmag.com/2015/10/strike-chicago-teachers-union-public-private-sector.

34. Arun Gupta, « Fight For 15 Confidential: How Did the Biggest-Ever Mobilization of Fast-Food Workers Come About, and What Is Its Endgame? », In These Times (Chicago), 11 novembre 2003, http://inthesetimes.com/article/15826/.

35. « About Us », Fight for $15, consulté le 20 mai 2019, https://fightfor15.org/about-us/.

36. Rosenblum, Beyond $15: Immigrant Workers, Faith Activists, and the Revival of the Labor Movement, 169.

37. Steven Ashby, « Assessing the Fight for Fifteen Movement from Chicago », Labor Studies Journal, 42, n4 (2017), 366–86.

38. Mylène Fauvel, « Le mouvement pour 15 dollars l’heure : où en sommes-nous », Nouveau Cahiers du Socialisme, 22 (2019), 179–185.

39. Fauvel, « Le mouvement pour 15 dollars l’heure : où en sommes-nous », 179–181.

40. Fauvel, « Le mouvement pour 15 dollars l’heure : où en sommes-nous »,181.

41. Desbiens et Faucher-Farley, Note sociopolitique no 8 : Note sur l’Atelier de réflexion sur la lutte pour le 15 $ (Québec : GIREPS, 2017).

42. Confédération des syndicats nationaux, Cahier des propositions adoptées par le 65e Congrès de la csn et le conseil confédéral du 20 juin 2017 (Montréal : Confédération des syndicats nationaux, 2017); Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, « La ftq ouvre un nouveau front », Le Monde ouvrier, no119 (2017), 7.

43. Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, Pourquoi un salaire minimum à 15 $ l’heure, 5.

44. Pierre-André Audet-Bédard, « À propos du 15 $ l’heure », Presse-toi à gauche! (Québec), 14 février 2017, https://www.pressegauche.org/A-propos-du-15-l-heure

45. Voir Canada, « Section vi : Interdictions et recours la section », Code canadien du travail, 25 mars 2020, https://lois-laws.justice.gc.ca/fra/lois/L-2/page-17.html#h-332340.

46. Cité dans David Camfield, La crise du syndicalisme au Canada et au Québec : réinventer le mouvement ouvrier (Mont-Royal : M Éditeur, 2014), 203.

47. Boivin, Vincent et Béroud, « Une grève pionnière de salariées précaires dans les services privés d’hébergement pour personnes âgées au Québec », 54–7; Boivin, Dufour et Verville, La grève coordonnée de 2016 pour le salaire à 15 $ dans 41 résidences privées pour ainé.e.s au Québec, 16–7.

48. Boivin, Dufour et Verville, La grève coordonnée de 2016 pour le salaire à 15 $ dans 41 résidences privées pour ainé.e.s au Québec, 18–19.

49. Syndicat québécois des employées et employés de services, « Prendre soin de nous, c’est toujours pour vous! », sqees, consulté le 12 juin 2019, https://www.sqees.ca/campagnes/prendre-soin-de-nous-cest-aussi-pour-vous.

50. Boivin, Dufour et Verville, La grève coordonnée de 2016 pour le salaire à 15 $ dans 41 résidences privées pour ainé.e.s au Québec, 19.

51. Boivin, Vincent et Béroud, « Une grève pionnière de salariées précaires dans les services privés d’hébergement pour personnes âgées au Québec », 61.

52. Boivin, Vincent et Béroud, « Une grève pionnière de salariées précaires dans les services privés d’hébergement pour personnes âgées au Québec », 62.

53. Boivin, Vincent et Béroud, « Une grève pionnière de salariées précaires dans les services privés d’hébergement pour personnes âgées au Québec », 64.

54. Boivin, Dufour et Verville, La grève coordonnée de 2016 pour le salaire à 15 $ dans 41 résidences privées pour ainé.e.s au Québec, 30–5.


How to cite:

Xavier Lafrance, “Formes de solidarité et de mobilisation et modes d’organisation de trois grèves au Québec pour le salaire minimum à 15 $ l’heure,” Labour/Le Travail 87 (Printemps 2021): 121–147, https://doi.org/10.1353/llt.2021.0006.