Labour / Le Travail
Issue 89 (2022)

Research Note / Note de recherche

Conflits et droit du travail : la mobilité provinciale des travailleurs de la construction au Québec

Pier-Luc Bilodeau, Université Laval

Résumé : Au Québec, les relations du travail dans l’industrie de la construction font l’objet, depuis 1968, d’un encadrement spécifique en marge du Code du travail. L’adoption et l’originalité de ce régime, qui prévoit un éventail de règles visant les rapports collectifs du travail, mais aussi l’emploi des travailleurs de la construction, sont souvent expliquées par les rivalités intersyndicales qui ont marqué le secteur depuis les années 1960.

L’objectif du texte est de montrer que la mobilité provinciale des travailleurs de la construction constitue, au Québec, une source de conflits au travail qui, bien que pouvant mettre en présence des organisations syndicales rivales, doit néanmoins être distinguée de ces rivalités naissant du pluralisme syndical.

Pour ce faire, après avoir mis en évidence certaines caractéristiques industrielles et économiques de la construction québécoise, nous proposons une analyse de l’évolution du cadre législatif et réglementaire applicable à l’emploi dans ce secteur, en portant une attention particulière aux conflits et manifestations qui l’ont marqué.

Mots clefs : emploi, mobilité de la main-d’oeuvre, conflits, droit du travail et de l’emploi, syndicalisme, industrie de la construction, Québec

Abstract: In Quebec, since 1968, labour relations in the construction industry have been the subject of a specific framework beyond the Labour Code. The adoption and singularity of this undertaking, which provides for a range of rules targeting collective labour relations, but also the employment of construction workers, are often explained by the inter-union rivalries which have had a great impact on the sector since the 1960s.

The objective of the article is to demonstrate that provincial mobility of construction workers constitutes, in Quebec, a source of labour conflicts, which, although it may involve rival labour organizations, must nevertheless be distinguished from the rivalries arising from union pluralism.

In order to achieve our goal, besides highlighting certain industrial and economic characteristics of Quebec construction, we suggest an analysis of the evolution of the legislative and regulatory framework applicable to employment in the sector, paying special attention to conflicts and demonstrations which have marked the sector.

Keywords: employment, labour mobility, conflicts, employment and labour law, trade unionism, construction industry, Québec

Le régime de relations du travail propre à l’industrie québécoise de la construction se présente comme une anomalie dans le paysage nord-américain : pluralisme syndical, représentation collective obligatoire des travailleurs et des employeurs, négociation sectorielle et régulation élaborée de l’emploi, autant de caractéristiques qui le distinguent d’un droit du travail généralement fragmenté et dont les règles générales visant les rapports collectifs du travail au Canada et aux États-Unis présentent une parenté certaine.

On attribue souvent ce particularisme à l’histoire des rivalités intersyndicales découlant de la coexistence de deux courants : l’un provenant des États-Unis, qui propose un syndicalisme de métier et d’affaires; et l’autre, propre au Québec, d’héritage confessionnel, qui regroupe généralement les travailleurs sur une base industrielle. Or, bien que la représentation syndicale constitue, de toute évidence, un facteur de premier plan dans l’adoption du régime particulier de relations du travail de la construction, le fait de mettre celle-ci en évidence comme source principale, sinon exclusive, des développements législatifs et réglementaires dans ce secteur a pour effet de masquer d’autres sources de conflits, ancrées dans la structure industrielle de l’industrie de la construction. Le présent texte a donc pour visée, assez modeste, de rappeler l’une de ces sources qu’est la mobilité de la main-d’œuvre.

Après avoir exposé les caractéristiques de l’industrie de la construction au Québec afin d’en faire ressortir les particularités en matière de travail et d’emploi et de montrer comment ces dernières sont elles-mêmes sources de conflits, nous proposerons un retour sur la genèse et l’évolution de l’encadrement des relations du travail dans cette industrie en accordant une attention particulière à la régulation de l’emploi et à la mobilité de la main-d’œuvre depuis les années 1960. La mise en relation entre des évènements survenus à cette époque et d’autres événements observés depuis la réinsertion de l’enjeu de la mobilité de la main-d’œuvre dans le champ de la négociation collective, survenue en 1995, permettra enfin de mettre en évidence l’importance de l’emploi et de son encadrement, comme objets distincts de mobilisation et de conflits, dans une industrie où l’insécurité d’emploi est répandue.

1. Le travail et l’emploi comme sources de conflits dans l’industrie de la construction

Afin de saisir pleinement la dynamique des relations du travail dans la construction québécoise, il importe d’aborder sommairement les particularités de ce secteur d’activité et leurs effets sur le travail et l’emploi (1.1) ainsi que les conflits découlant de ces effets (1.2).

1.1 Le travail et l’emploi dans la construction

Au Québec1, l’industrie de la construction, c’est-à-dire « les établissements dont l’activité principale est la construction, la réparation et la rénovation d’immeubles et d’ouvrages de génie civil, et le lotissement et l’aménagement de terrain2 », est un secteur d’activité économique de premier plan. Elle contribue, bon an mal an, à près de 12 p. 100 du produit intérieur brut (pib) et génère près de 5 p. 100 de l’emploi total de la province3.

La diversité des produits (bâtiments et ouvrages de génie civil) en fait une industrie hétérogène, comme en témoigne sa division en quatre sous-secteurs : génie civil et voirie, industriel, institutionnel-commercial, et résidentiel. La nature des chantiers – donc du travail – varie en fonction de ce qui y est construit, et la logique d’investissement propre aux différents donneurs d’ouvrage (clients) entraîne des niveaux d’activité fort variables selon les sous-secteurs et les régions.

Les situations de travail varient aussi d’un chantier à l’autre au sein d’un même sous-secteur puisque, dans la plupart des cas, la production répond aux exigences particulières d’un donneur d’ouvrage (elle est donc souvent « sur mesure ») et se fait habituellement sur le site même où se tiendra le bâtiment ou l’ouvrage de génie civil (« à pied d’œuvre »). Les conséquences de ces deux caractéristiques pour le travail et l’emploi des travailleurs de la construction sont de trois ordres.

D’abord, un tel mode de production limite les possibilités de standardisation des travaux de construction, faisant ainsi obstacle au développement de procédés industriels de production (par exemple une chaîne d’assemblage). C’est alors la qualification professionnelle des travailleurs et des entrepreneurs qui est garante de la qualité des produits, et c’est la raison pour laquelle le travail sur les chantiers est organisé autour de métiers. Cette organisation du travail a favorisé une spécialisation des entreprises de construction et a contribué à l’existence d’un grand nombre de très petites entreprises4 intervenant dans un réseau de production prenant souvent la forme d’une sous-traitance en cascade5. Dans la mesure où les entrepreneurs et leurs salariés n’effectuent qu’une partie des travaux, la durée de leurs contrats et de leur présence sur les chantiers est déterminée et variable, et ce n’est donc souvent que par le cumul de contrats que les uns et les autres parviennent à s’assurer d’un revenu suffisant.

Ensuite, la production à pied d’œuvre impose un changement de lieu de travail d’un projet à l’autre, et l’immobilité du produit fait que les différentes étapes de progression d’un chantier doivent être réalisées successivement en faisant chaque fois appel à des métiers et à des occupations spécifiques, et a pour effet de placer les travailleurs et les entrepreneurs en situation d’extrême interdépendance, en plus de réduire la possibilité de disposer, à l’avance, des matériaux et des équipements nécessaires. La construction constitue donc un modèle de production en « flux tendu », soit une chaîne de « fournisseurs-clients » caractérisée par l’absence de « stocks intermédiaires » et imposant une forte pression temporelle à tous les intervenants successifs de la production6. La durée et le moment de l’intervention des entrepreneurs et des travailleurs de la construction variant considérablement d’un chantier à l’autre, il s’ensuit un jeu d’horaires complexe où des périodes d’inactivité s’intercalent souvent entre les périodes d’activité en raison des contrats disponibles dans une région précise à un moment donné et au gré des saisons. L’emploi dans ce secteur est donc intermittent puisqu’il contraint les travailleurs de la construction à chercher périodiquement un emploi. Les contraintes de l’organisation en « flux tendu » aggravent cette situation en diminuant la marge de manœuvre du travailleur quant au moment de sa prestation de travail sur les chantiers auxquels il participe.

À ces contraintes découlant de la production en chantier et par projet s’ajoute l’instabilité de la demande pour les bâtiments et ouvrages de génie civil, laquelle découle de plusieurs facteurs économiques propres aux sous-secteurs ou généralisés à l’ensemble de l’industrie. Il en est ainsi des cycles économiques, des conditions climatiques et de la répartition inégale des chantiers sur le territoire.

Enfin, l’intermittence favorise l’émergence de différentes formes de mobilité géographique liée à l’emploi7. L’une de ces formes, dont il sera question à la section suivante, est associée à des projets de grande envergure réalisés loin des centres urbains et faisant parfois appel à une main-d’œuvre provenant d’autres régions, d’autres provinces ou d’autres pays8, bien que des accords conclus par les syndicats et les donneurs d’ouvrage favorisent parfois l’embauche de travailleurs locaux ou issus de groupes sous-représentés dans la main-d’œuvre9. La littérature récente fait par ailleurs état de divers impacts de la mobilité, notamment sur le statut social, la santé et la sécurité, et la conciliation travail-vie personnelle10.

L’effet combiné de ces réalités de l’industrie de la construction est une grande insécurité économique11, laquelle constitue le ressort de conflits qui, comme nous le verrons, se sont avérés être une source de préoccupation importante pour les pouvoirs publics.

1.2 Les conflits liés à l’emploi dans la construction

Dans la construction, l’emploi se présente donc comme une source de préoccupation importante12 et se trouve marqué par une triple conflictualité mise en lumière par Gérard Hébert et s’ajoutant à celle qui caractérise la relation d’emploi13. Deux types de conflits sont ainsi liés à des comportements protectionnistes découlant de l’intermittence de l’emploi : les conflits de compétence de métiers et les conflits liés à la mobilité. Comme nous le verrons, ces conflits, bien que véritablement distincts, s’entremêlent souvent à ceux qui opposent des syndicats concurrents ou rivaux.

Les conflits de compétence sont définis comme des « désaccord[s] entre deux ou plusieurs syndicats à l’occasion de l’affectation d’une tâche ou d’un groupe de tâches en raison des qualifications exigées pour l’exécution du travail, des coutumes des métiers, du champ d’application des conventions collectives, ou d’ententes intersyndicales14 ». Ces conflits opposent fondamentalement des groupes de travailleurs appartenant à des métiers différents sur un même chantier, et l’enjeu de ceux-ci en est un de protection des tâches – et par là même des heures de travail – relevant d’un groupe plutôt que d’un autre. C’est parce que la défense du métier et de son champ de compétence constitue un mandat traditionnel des syndicats de métier dominants dans la construction nord-américaine que ces conflits s’expriment habituellement par la voie syndicale et qu’ils sont qualifiés de « désaccord[s] entre deux ou plusieurs syndicats ». Nous sommes ainsi placés devant une première superposition de conflits liés à l’emploi et liés à l’affiliation syndicale.

Les conflits liés à la mobilité de la main-d’œuvre portent, quant à eux, sur l’embauche de travailleurs provenant d’une autre région pour effectuer des heures de travail sur un chantier, en lieu et place des travailleurs domiciliés dans la région dudit chantier. Ces embauches peuvent être le fait d’employeurs ayant leurs bureaux dans la région du chantier ou d’employeurs provenant de l’extérieur et souhaitant employer des travailleurs de leur région d’origine. Ils opposent à la fois des groupes de travailleurs entre eux et des groupes de travailleurs (régionaux) à un ou plusieurs employeurs. Dans la construction, ce type de conflits revêt une importance particulière : « l’ouvrier de la construction a conscience d’avoir un droit de propriété sur la construction nouvelle dans son patelin : c’est son gagne-pain. Si des travailleurs d’en dehors viennent lui “voler”, comme il dit, son emploi, il se battra pour le garder ou pour le recouvrer15. » C’est ce type de conflits qui fera l’objet des lignes qui suivent.

2. La mobilité de la main-d’œuvre et le développement du droit du travail dans la construction québécoise

Au Québec, la mobilité provinciale des travailleurs de la construction est un phénomène relativement marginal jusque dans les années 1960 en raison du caractère essentiellement régional des marchés dans ce secteur et de la régulation régionale découlant du régime d’extension juridique (par décret) des conventions collectives16. C’est en effet avec la Révolution tranquille, alors que la société québécoise entrait dans une phase de modernisation accélérée17, que la mise en chantier de plusieurs projets d’envergure génère une forte demande de main-d’œuvre à Montréal et sur tout le territoire de la province. L’ampleur de ces projets entraîne alors une extension du marché de la construction et de la mobilité des travailleurs, laquelle est associée, comme on le verra plus loin, à des conflits importants.

Les années 1960 sont également marquées par la montée des rivalités intersyndicales dans la construction. Cette rivalité s’explique par la coexistence de deux courants syndicaux dans le secteur : un syndicalisme de métier, d’origine américaine (cpqmc–ftq18), et un syndicalisme national, récemment déconfessionnalisé, regroupant les travailleurs sur une base industrielle (ctcc/csn19). Autrefois présentes sur des portions distinctes du territoire québécois20, les organisations syndicales incarnant ces courants voient leur coexistence pacifique perturbée, dans les années 1960, par l’extension du marché de la construction et par la nouvelle mobilité « extrarégionale » de la main-d’œuvre du secteur.

Ces évènements culminent avec l’adoption, par le législateur, d’un régime de relations du travail original, la Loi sur les relations du travail dans l’industrie de la construction21 (2.1), puis avec l’adoption d’une série de mesures réglementaires visant plus spécifiquement l’emploi des travailleurs de la construction (2.2), lesquelles feront l’objet d’un assouplissement dans les années 1990 afin de laisser plus de place à la négociation collective (2.3).

2.1 La genèse du régime de relations du travail de l’industrie de la construction

Entre 1968 et 1977, une époque où les conflits de travail connaissent un sommet au Québec depuis le début du vingtième siècle22, les arrêts de travail enregistrés dans la construction québécoise occasionnent des pertes annuelles de jours-personnes par emploi trois fois supérieures à celles de l’ensemble des secteurs d’activité québécois (2,98 contre 0,98) et près de deux fois supérieures à celles de la construction en Ontario (2,98 contre 1,51)23. Ces données ne tiennent d’ailleurs pas compte des grèves sauvages et autres débrayages spontanés dont l’occurrence est, selon toute vraisemblance, plus fréquente dans la construction que dans d’autres secteurs, du fait de la nature de l’activité productive24.

Ces autres conflits portent très souvent sur l’accès à l’emploi et sur l’embauche de certains travailleurs au détriment d’autres. Aussi, comme nous l’avons indiqué plus tôt, ils se présentent souvent, aux yeux du public, comme des conflits intersyndicaux en raison de l’adhésion des travailleurs des différents groupes à des organisations syndicales distinctes. C’est le cas, en 1962, du chantier d’une aciérie de la région de Sorel où les autorités locales doivent faire appel à la police provinciale après qu’une ligne de piquetage, érigée par un peu plus d’une centaine de membres des « unions » internationales pour empêcher l’entrée sur le chantier d’une quarantaine de travailleurs locaux membres de la csn, est prise d’assaut par quelque 1 200 militants de la csn provenant des usines et chantiers de la région25. C’est aussi le cas, en 1967, d’un chantier portuaire de la région du Bas-Saint-Laurent qui fait l’objet d’un blocus d’une semaine par un groupe de travailleurs de la construction, membres de la csn, afin de protester contre l’embauche de travailleurs de l’extérieur, membres des « unions » internationales et de forcer les entreprises de construction exécutant les travaux à signer des ententes avec leur syndicat26. Ces affrontements culminent, avec ceux de l’été 1968, au chantier d’une aluminerie de Baie-Comeau sur la Côte-Nord, où de violents affrontements éclatent entre des travailleurs de la région, membres de la csn, et des travailleurs de Montréal, membres des « unions » internationales27. Ce conflit, où se mêlent, encore une fois, l’embauche de travailleurs de l’extérieur et les rivalités intersyndicales, nécessite l’intervention d’une escouade spéciale de la Sûreté du Québec pendant plusieurs jours et entraîne une véritable « guérilla judiciaire » entre les organisations syndicales28. Il sert de trame de fond à la préparation et à l’adoption de la Loi sur les relations du travail dans l’industrie de la construction, une loi qui vise à assurer la paix industrielle dans un secteur névralgique pour la modernisation sociétale en cours, dont l’État est le plus important client.

Ce régime particulier, adopté en décembre 1968, reprend certaines dispositions du Code du travail29 et du régime d’extension juridique des conventions collectives30, dont les travailleurs et les employeurs de la construction sont désormais exclus. Ainsi, tout comme le Code du travail, la nouvelle loi vise à assurer la paix industrielle par une certaine démocratisation des rapports de travail au moyen de deux des trois éléments essentiels de la loi américaine de 1935, le National Labor Relations Act31 : (1) la protection de la liberté d’association des travailleurs salariés à l’encontre de pratiques déloyales de l’employeur; et (2) l’obligation pour l’employeur de négocier de bonne foi avec le syndicat reconnu par l’État pour représenter des travailleurs à son emploi. S’appuyant sur plus de trois décennies d’application de la Loi relative à l’extension juridique des conventions collectives de travail, le législateur y intègre aussi un système original reconnaissant la liberté et le pluralisme de la représentation syndicale et patronale32. Dans le nouveau régime, la négociation collective est obligatoirement multiemployeur et multimétier, et la convention collective est étendue par voie de décret gouvernemental, dont l’administration est confiée à un comité paritaire constitué en vertu des règles du régime du décret33.

Telle qu’elle est adoptée, la Loi sur les relations du travail dans l’industrie de la construction n’aborde toutefois pas les problématiques liées à l’emploi (définition des métiers et occupations, formation, embauche, mobilité, etc.), pourtant cruciales pour l’atteinte des objectifs du législateur, parmi lesquels nous retrouvons au premier chef : « l’établissement de rapports plus civilisés entre les parties intéressées » et « la réduction des conflits »34. Leur mise en place est soumise à une commission mixte tripartite devant faire des recommandations au ministre, laquelle ne parvient pas à s’entendre malgré des mois de pourparlers.

2.2 La réglementation de la mobilité de la main-d’œuvre et son développement

Dès la première ronde de négociations suivant l’adoption de la loi, les questions de sécurité d’emploi et de placement de la main-d’œuvre, pourtant exclues du champ du négociable, sont au cœur des différends opposant les parties patronales et syndicales, mais aussi les associations syndicales entre elles. Devant l’impasse, la question qui n’a pu être réglée par le comité mixte créé dans la foulée de l’adoption de la loi est soumise à l’arbitrage.

La sentence arbitrale du 31 mars 1970, reprise intégralement dans un décret gouvernemental35, établit un premier régime de régulation de l’emploi, où des priorités d’embauche sont établies en fonction du statut d’emploi (salarié permanent ou réserviste dans l’industrie, salarié régulier régional ou provincial pour un employeur) et en fonction du nombre d’heures de travail effectuées au cours d’une année de référence36. En raison de désaccords entre les acteurs, de cafouillages administratifs et de l’indisponibilité des informations requises, le régime contenu dans la sentence arbitrale n’entrera finalement en vigueur que sept ans plus tard, après quatre tentatives37 et une commission d’enquête publique.

Entretemps, les manifestations et conflits sur les chantiers se poursuivent. En plus de visites de chantiers, de rencontres d’élus locaux et d’autres actions de visibilité en 1969 et 197038, des centres de main-d’œuvre du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de la Montérégie sont occupés par des travailleurs de la construction39. En Montérégie (où le taux de chômage serait de 35 p. 100), cette action fait suite à la fermeture d’un chantier par des chômeurs pour protester contre l’embauche de travailleurs provenant de Montréal. Quelques semaines plus tard, sur un chantier ferroviaire sur la Côte-Nord, la presse rapporte des affrontements entre des militants du Syndicat des métallurgistes unis d’Amérique (affilié à la ftq), qui représente quelque 1 000 travailleurs du secteur minier dans la région et des travailleurs de la construction membres de la csn. Les premiers font alors obstacle à l’embauche des seconds, la csn représentant pourtant près de 90 p. 100 des travailleurs de la construction dans cette région40. À la même période, des conflits du genre surviennent aussi sur un chantier industriel près de Montréal, sur le chantier d’une raffinerie de la Rive-Sud de Québec et sur un chantier résidentiel des Cantons-de-l’Est41.

Dans son rapport déposé en 1975, la Commission d’enquête sur l’exercice de la liberté syndicale dans l’industrie de la construction (commission Cliche) reconnaît que « le problème d’insécurité d’emploi dans la construction est fondamental » et propose l’établissement d’un mécanisme de sécurité d’emploi reposant sur quatre critères de priorité, dont le lieu de domicile du salarié42. L’année suivante, le Règlement relatif au placement des salariés dans l’industrie de la construction43 établit une priorité régionale d’embauche pour les travailleurs de la construction détenant un permis de travail accordé notamment en fonction du nombre d’heures de travail effectuées dans l’industrie au cours de l’année précédente et en fonction du statut professionnel44.

Les règles de mobilité de la main-d’œuvre contenues dans cette quatrième tentative en moins d’une décennie sont modifiées à quelques reprises entre 1977 et 1982, mais demeurent essentiellement les mêmes jusqu’en 1993. Elles accordent une priorité d’emploi aux travailleurs titulaires du certificat de compétence approprié et domiciliés dans la région d’exécution des travaux tout en accordant une mobilité provinciale exceptionnelle aux travailleurs ayant effectué 1 500 heures de travail ou plus pour l’employeur souhaitant les embaucher, au cours d’une période de référence de vingt-quatre mois45. Au cours de cette période, la recherche documentaire ne permet de retracer aucun conflit de même nature que ceux ayant défrayé les manchettes entre 1962 et le début des années 1970.

En 1993, le législateur abroge le Règlement relatif au placement qu’il renomme Règlement sur l’embauche et la mobilité des salariés dans l’industrie de la construction46, et réintroduit la mobilité de la main-d’œuvre dans le champ de la négociation collective47.

2.3 Les suites de la déréglementation partielle de la mobilité provinciale

En 1995, au terme d’une controverse de plusieurs mois sur les modifications apportées au régime en 1993 et d’une élection provinciale ayant donné lieu à un changement de gouvernement provincial, une nouvelle loi qui annule l’abrogation du règlement tout en préservant la possibilité, pour chaque secteur, de négocier des règles conventionnelles de mobilité de la main-d’œuvre est adoptée48. Les parties aux négociations de 2001 dans le secteur du génie civil et de la voirie se prévalent de cette possibilité en convenant de règles accordant aux travailleurs de plusieurs métiers et occupations une mobilité provinciale sans que ceux-ci ne satisfassent aux critères prévus dans le Règlement sur l’embauche et la mobilité qui leur permettent de bénéficier d’une exception à la priorité régionale d’emploi49.

Dès 2002, l’entrée en vigueur des règles de mobilité plus permissives dans ce secteur est dénoncée par la csn-Construction, exclue des négociations de l’année précédente50. Au cours des années qui suivent, des altercations sur certains chantiers de la Côte-Nord défraient la manchette ou donnent lieu au dépôt de plaintes contre des travailleurs et des représentants syndicaux pour intimidation, menaces et voies de faits. C’est notamment le cas des chantiers hydroélectriques Sainte-Marguerite 3 (sm-3) et Toulnustouc en 2004 ainsi que d’un chantier routier de Tadoussac en janvier et février 200651. Des évènements survenus sur ces derniers sont évoqués quelques années plus tard lors du témoignage d’un représentant d’un syndicat affilié à la ftq-Construction devant la Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction (commission Charbonneau). Celui-ci indique alors que de grands chantiers de la Côte-Nord ont été visités, à quelques reprises, par des « comités de chômeurs » cherchant à inciter des entrepreneurs à embaucher la main-d’œuvre locale plutôt que celle provenant d’autres régions et qu’une intervention de l’escouade tactique de la Sûreté du Québec aurait été nécessaire à quelques occasions pour rétablir l’ordre52.

En 2013, la ftq-Construction et la csn-Construction, toutes deux impliquées dans le renouvellement des conventions collectives sectorielles, dénoncent les effets néfastes de la mobilité provinciale pour l’emploi en région, plus particulièrement sur la Côte-Nord où l’on annonce des projets de développement économique de grande ampleur53. À l’automne 2014, la ftq-Construction entreprend une campagne de dénonciation de la sous-utilisation de la main-d’œuvre régionale sur les grands chantiers de la Côte-Nord. Le 25 juin suivant, des groupes de travailleurs de la région érigent des barrages routiers sur l’unique voie carrossable entre la Côte-Nord et le reste de la province pour contrôler l’identité des automobilistes et entraver le passage de travailleurs et d’entrepreneurs provenant de l’extérieur de la région54.

Si la Côte-Nord est, de toute évidence, la région la plus touchée par cette opposition à une plus grande mobilité provinciale de la main-d’œuvre dans la construction, des évènements survenus sur des chantiers d’autres régions montrent que le problème de la mobilité ne se limite pas à cette seule région. En janvier 2014, des grutiers membres de la ftq-Construction bloquent pendant trois jours le chantier d’un parc éolien en Gaspésie pour dénoncer l’embauche de grutiers provenant de l’extérieur de la région55. En novembre 2015, une vingtaine de grutiers membres du même syndicat manifestent devant les bureaux d’un entrepreneur général pour dénoncer l’embauche de travailleurs provenant de l’extérieur de la région pour le chantier d’un pont reliant Montréal et la rive sud du fleuve Saint-Laurent56.

En plus des conflits qu’elles génèrent sur les chantiers, les clauses de mobilité ont fait l’objet d’une contestation judiciaire. En 2015, la Commission des relations du travail du Québec57 a en effet été saisie d’une requête en invalidité ciblant les dispositions prévues à l’article 15 de la convention collective du secteur du génie civil et de la voirie pour motif d’incompatibilité avec les articles 35 et 38 du Règlement sur l’embauche et la mobilité. Dans sa décision, le juge administratif rejette toutefois la requête, invoquant le fait que la ftq-Construction a « accept[é] l’offre globale de l’acrgtq pour le renouvellement de la convention collective du secteur Génie civil et voirie qui comporte une reconduction des règles de mobilité de la main d’œuvre [, et qu’elle a signé] un Protocole (sic) par lequel elle s’engage à se désister des procédures qu’elle a entreprises devant la Commission58 ».

La régulation de la mobilité provinciale des travailleurs de la construction suit donc une trajectoire, dont l’origine remonte aux années 1960, avec le décloisonnement des marchés régionaux et la mise en chantier de grands projets dans le cadre de la Révolution tranquille. La mise en place de cette régulation, sur fond de conflits entre groupes de travailleurs, passe par un apprentissage par essais et erreurs, qui se conclut au tournant de la décennie 1980 avec l’adoption d’une réglementation dont les grandes lignes sont toujours en vigueur. La réintégration de l’enjeu de la mobilité dans le champ de la négociation collective entre 1993 et 1995 jette les bases d’une dérèglementation partielle s’accompagnant d’une nouvelle vague de protestation qui met un terme à près de deux décennies de calme sur le front de la mobilité de la main-d’œuvre. C’est à la nature de ces perturbations, anciennes et contemporaines, qu’est consacrée la troisième et dernière section du texte.

3. Conflits de mobilité et conflits intersyndicaux, d’hier à aujourd’hui

Tel que nous l’avons indiqué plus tôt, c’est très souvent le caractère intersyndical des évènements survenus au cours des décennies 1960 et 1970 qui est mis de l’avant dans la couverture médiatique de l’époque. De même, au cours des années 2000, ce sont les tensions entre la ftq-Construction ou le Conseil conjoint de la ftq-Construction et du cpqmc-I  et les autres associations syndicales qui sont présentées pour expliquer les altercations sur les chantiers. Cette emphase sur les rivalités intersyndicales se retrouve également dans les écrits portant sur la construction québécoise et son régime de relations du travail. À titre d’exemple, dans leur chapitre sur le régime, Coutu et ses coauteurs affirment que dans les années 1960, « [l]e ministre du Travail envisageait l’uniformisation du régime des relations du travail, mais aussi et surtout, l’apaisement des tensions intersyndicales59 ». De même, dans une importante décision portant sur le régime, la Cour suprême du Canada soutient ce qui suit :

Les problèmes et, parfois, la violence liés aux relations du travail dans l’industrie de la construction du Québec ont tourmenté les administrations provinciales qui se sont succédées depuis le milieu des années 60. Ces difficultés constantes sont étroitement rattachées à la nature particulière du développement et de l’organisation du mouvement syndical au Québec.

[…]

Comme on le verra plus loin, une succession de conflits entre syndicats rivaux, au milieu des changements économiques que vivait l’industrie, mena à une réévaluation du régime et à de nouveaux choix dans les années 60 et 70 dans le but de rétablir la paix et la stabilité dans l’industrie60. Une telle interprétation, faisant une grande place aux rivalités intersyndicales, n’est certes pas fausse61, mais bien que les luttes de pouvoir intersyndicales dans la construction aient effectivement eu un effet déterminant sur le corpus législatif et réglementaire adopté au fil des ans62, elles n’en constituent pas pour autant une explication suffisante. Tel que nous l’avons montré, au moins un autre facteur de division entre les groupes en conflit doit être considéré : le lieu de domicile des travailleurs.

Dans les années 1960 et 1970, la superposition des conflits de mobilité et intersyndicaux s’explique en grande partie par la division territoriale de la représentation syndicale qui prévaut depuis les années 1920 et qui fait des syndicats affiliés au cpqmc-ftq des regroupements de travailleurs urbains alors que les syndicats catholiques ou affiliés à la csn sont considérés comme des syndicats de « région ». Une telle superposition contribue à accentuer les tensions entre les groupes de travailleurs impliqués dans la mesure où des frustrations locales sont relayées par le véhicule collectif qu’est le syndicat qui, pour reprendre les catégories de la sociologie de l’action collective, contribue à la fois à l’identification sociale (la création d’un « nous » et l’opposition à un « eux ») et à l’attribution (l’identification d’une cause externe à la situation dénoncée) des groupes en présence63. On le constate d’ailleurs dans les épisodes de Sorel-Tracy (1962) et de Gagnon, sur la Côte-Nord (1969–1970), lorsque des contingents de travailleurs d’autres secteurs (par exemple la métallurgie et les mines) affiliés à la même centrale syndicale viennent prêter main forte à leurs confrères de la construction.

Les conflits de mobilité survenus depuis 2001 diffèrent à certains égards de ceux des années 1960 et 1970. D’abord, parce que la division territoriale de la représentation syndicale d’autrefois n’est plus aussi marquée de nos jours64. Il est donc désormais plus facile de distinguer les types de conflit, et il arrive même d’observer la dénonciation conjointe de la mobilité provinciale par des associations syndicales rivales, comme ce fut le cas en 2013 avec la ftq-Construction et la csn-Construction. La concurrence découlant du pluralisme syndical imposé par la loi demeure néanmoins vive65 et fait généralement obstacle à de telles prises de position ou actions communes, sauf lors des négociations pour le renouvellement des conventions collectives. Ensuite, il faut reconnaître que malgré certains évènements survenus sur la Côte-Nord au début de la décennie 2000 et pour lesquels la Sûreté du Québec a dû intervenir, les chantiers ne sont plus le théâtre d’affrontements organisés aussi spectaculaires que dans les années 1960 et 1970. Cet apaisement s’explique certainement par les contraintes qui ont été prévues au fil des ans afin d’assainir les relations du travail dans la construction et qui consistent à assortir les actes d’intimidation, de menace, d’ingérence ou d’entrave d’amendes plus lourdes que celles inscrites dans le régime général du Code du travail et à interdire à toute personne reconnue coupable de certaines infractions criminelles d’assumer quelque fonction que ce soit, relative à la représentation patronale ou syndicale dans le secteur66.

En ce qui a trait plus spécifiquement à la régulation du travail et de l’emploi, nous avons montré que des conflits violents opposant des groupes de travailleurs de la construction au cours des années 1960 ont conduit le législateur à adopter, en 1968, un cadre juridique particulier pour pacifier les relations du travail dans la construction. Ne portant initialement que sur la représentation des parties et sur la négociation et l’application des conventions collectives, ce cadre ne parvient toutefois pas à résoudre entièrement ces conflits, dont certains continuent de donner lieu à des manifestations et à des perturbations sur les chantiers. Ce n’est qu’à la fin des années 1970, lorsque la réglementation actuelle en matière de mobilité provinciale des travailleurs de la construction est finalement adoptée, que de tels évènements – où la priorité régionale d’emploi constitue un enjeu – disparaissent de la couverture médiatique et de la littérature pour réapparaître en 2001, au lendemain de la conclusion de la convention collective du secteur du génie civil et de la voirie après que certaines dispositions conventionnelles eurent permis une plus grande mobilité de la main-d’œuvre. L’évolution du cadre législatif, réglementaire et conventionnel de même que ses effets sur la paix industrielle montrent donc le caractère distinct des conflits intersyndicaux – visés par les dispositions de la Loi sur les relations du travail dans l’industrie de la construction, notamment en matière de pluralisme syndical – et des conflits de mobilité – dont l’apaisement véritable ne vient qu’avec l’adoption du Règlement relatif au placement des salariés dans l’industrie de la construction en septembre 1977. En plus de se refléter dans la revue de presse à laquelle nous avons procédé, cet apaisement a probablement contribué à la réduction du nombre de jours-personnes perdus par emploi dans la construction, qui est passé de 2,98 pour la période 1968–1977 (1,66 fois celui du secteur manufacturier) à 1,25 pour la période 1978–1987 (0,86 fois celui du secteur manufacturier)67. Quelle que soit la part exacte des conflits liés à la mobilité dans ce recul des conflits du travail, ces données semblent indiquer, plus généralement, l’importance du cadre législatif et réglementaire mis en place par l’État québécois pour rétablir et assurer la paix industrielle dans l’industrie de la construction.

En rappelant ainsi l’importance de la mobilité provinciale de la main-d’œuvre dans les conflits qui ont opposé, au cours des dernières décennies, différents groupes de travailleurs de la construction, il n’est bien sûr pas question de nier l’existence des rivalités intersyndicales dans le recrutement des travailleurs ni même le désir de certains représentants syndicaux de voir instauré un monopole de la représentation syndicale tel qu’il existe dans les secteurs d’activité régis par le Code du travail. Ces phénomènes remontent à plus de cinquante ans et persistent en effet jusqu’à aujourd’hui. Mais les conflits intersyndicaux ne doivent pas nous empêcher de reconnaître une réalité plus complexe et l’importance d’un protectionnisme régional de l’emploi entraînant certains conflits dans la construction.

Conclusion

L’industrie de la construction est un secteur névralgique de l’économie québécoise. La nature de ses produits et de ses modes de production a pour conséquence une forte insécurité économique pour plusieurs travailleurs. Il en découle des conflits distincts de ceux opposant habituellement les parties à la relation d’emploi et mettant en opposition des groupes de travailleurs de différents métiers, de différentes régions et de différentes allégeances syndicales. Cette conflictualité multiple de l’emploi a incité le législateur québécois à adopter, en 1968, un cadre institutionnel particulier pour cette industrie : la Loi sur les relations du travail dans l’industrie de la construction. L’adoption de ce régime de rapports collectifs du travail n’a toutefois pas permis d’apaiser entièrement les conflits et revendications en matière d’emploi, et il a fallu près d’une décennie pour qu’une réglementation spécifique en matière de mobilité de la main-d’œuvre complète le dispositif déjà en place et réduise significativement le nombre d’affrontements sur les chantiers de la province. Des conflits de même nature sont toutefois réapparus au début des années 2000 dans le secteur du génie civil et de la voirie après l’introduction, par les parties à la négociation collective, de dispositions plus permissives quant à la mobilité provinciale de la main-d’œuvre dans ce secteur. Ces nouveaux conflits, certes plus localisés et généralement moins violents que ceux d’autrefois, ont néanmoins occasionné des ralentissements de travail, des fermetures de chantier, et même l’intervention occasionnelle des forces policières.

Les données exposées dans cet article mettent en évidence le fait que la mobilité de la main-d’œuvre constitue, dans la construction québécoise, une source réelle de conflits, distincte des rivalités intersyndicales. La reconnaissance de ce fait est indispensable pour la compréhension des relations du travail mais aussi pour l’appréciation et la mise en œuvre efficace de politiques publiques visant à rétablir et à assurer la paix industrielle dans un secteur dont l’histoire a mené à une intervention soutenue en ce sens de la part des pouvoirs publics68.

Le 9 août 2019, le Tribunal administratif du travail (tat) rendait une décision à la suite d’une requête de deux associations sectorielles d’employeurs, l’Association de la construction du Québec (acq) et l’Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec (acrgtq) visant à faire invalider, sur la base du droit à la vie privée, les articles 35 et 38 du Règlement sur l’embauche et la mobilité ainsi que les clauses 15.01 à 15.03 des conventions collectives 2014–2017 des secteurs industriel et institutionnel-commercial69. Dans sa décision, le juge administratif fait droit à la requête des associations demanderesses, estimant « [qu’il] y a atteinte au droit à la vie privée des salariés et à leur liberté d’établir leur domicile dans le lieu qui leur convient et, partant, restriction pour les employeurs d’embaucher les salariés dont ils ont besoin en fonction de leur domicile, ainsi que le Règlement sur la mobilité et les clauses des conventions collectives ic/i le prévoient actuellement70 ». Il suspend toutefois la mise en application de sa décision jusqu’au renouvellement des conventions collectives sectorielles expirant le 30 avril 2021 afin d’accorder le temps aux parties de réviser les dispositions conventionnelles invalidées. La mise en application de cette décision, qui fait l’objet d’un pourvoi en contrôle judiciaire au moment de publier ce texte, a été repoussée par la Cour supérieure du Québec dans l’attente d’un jugement sur le fond71, permettant ainsi aux parties à la négociation des conventions collectives des secteurs industriel et institutionnel-commercial de reporter la négociation sur les clauses invalidées par la décision du tat. Le dénouement de cette affaire pourrait bien ouvrir un nouveau chapitre dans l’histoire des conflits de mobilité et de leur encadrement.

L’auteur tient à remercier les trois évaluateurs anonymes pour leurs remarques constructives et leurs suggestions.


1. Pour un portrait sommaire récent de la construction au Canada, voir Suzanne E. Mills, « Fractures and Alliances: Labour Relations and Worker Experiences in Construction », Labour/Le Travail, 80 (2017), 13–26.

2. Définition du Système de classification des industries de l’Amérique du Nord (scian), http://www23.statcan.gc.ca/imdb/p3VD_f.pl?Function=getVD&TVD=118464&CVD=118465&CPV=23&CST=01012012&CLV=1&MLV=5.

3. https://www.ccq.org/fr-CA/En-tete/qui-sommes-nous/industrie-de-la-construction.

4. En effet, un peu plus de 80 p. 100 des 25 785 employeurs de la construction québécoise recensés en 2020 employaient cinq salariés ou moins. Voir Commission de la construction du Québec, Statistiques annuelles de l’industrie de la construction 2020 (Montréal : ccq, 2021), tableau B 2.

5. Herbert Applebaum, Construction Workers, U.S.A. (Westport : Greenwood Press, 1999), 117.

6. Jean-Pierre Durand, La chaîne invisible. Travailler aujourd’hui : flux tendu et servitude volontaire (Paris : Seuil, 2004), 52.

7. La mobilité géographique liée à l’emploi peut être définie comme des « déplacements fréquents ou prolongés du lieu de résidence permanent aux fins du travail ou dans le cadre de celui-ci ». Voir Tim Cresswell, Sara Dorow et Sharon Roseman, « Putting Mobility Theory to Work: Conceptualizing Employment-Related Geographical Mobility », Environment and Planning A: Economy and Space, 48, no 9 (2016), 1788 (notre traduction). Cette mobilité, dont il est question dans le présent texte, coexiste avec les mobilités entre les employeurs et les secteurs traitées dans Jean Charest, « La mobilité de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction au Québec : une double réalité », Relations industrielles/Industrial Relations, 63, no 2 (2008), 290–316.

8. Jason Foster et Bob Barnetson, « Who’s on Secondary? The Impact of Temporary Foreign Workers on Alberta Construction Employment Patterns », Labour/Le Travail, 80 (2017), 27–53. La question de la mobilité internationale de la main-d’œuvre dans la construction fait l’objet d’un volume plus important de travaux en Europe, où l’élargissement de l’Union européenne crée des possibilités de recrutement soulevant des questions quant aux conditions de travail : Ivana Fellini, Anna Ferro et Giovanna Fullin, « Recruitment Processes and Labour Mobility: The Construction Industry in Europe », Work, Employment and Society, 21, no 2 (2007), 277–98. L’enjeu des conditions de travail relativement à la sous-traitance et au recrutement à l’échelle européenne interpelle les acteurs du monde du travail : Nathan Lillie et Ian Greer, « Industrial Relations, Migration, and Neoliberal Politics: The Case of the European Construction Sector », Politics & Society, 35, no 4 (2007), 551–581. Il a d’ailleurs généré des conflits qui, bien que similaires, à certains égards, aux conflits de mobilité dont il sera question dans le présent texte, ne seront pas pris en considération dans notre analyse, compte tenu des différences trop importantes de contexte. Voir, à propos d’un cas britannique très médiatisé, Gregor Gall, « The engineering construction strikes in Britain, 2009 », Capital & Class, 36, no 3 (2012), 411–431.

9. De tels accords sont toutefois peu fréquents au Québec. Voir Marjorie Griffin Cohen et Kate Braid, « Training and Equity Initiatives on the British Columbia Vancouver Island Highway Project: A Model for Large-Scale Construction Projects », Labor Studies Journal, 25, no 3 (2000), 70–103; John Calvert et Blair Redlin, « Achieving Public Policy Objectives Through Collective Agreements: The Project Agreement Model for Public Construction in British Columbia’s Transportation Sector », Just Labour, 2 (2003), 1–13.

10. Voir, par exemple, Lachlan Barber et Samantha Breslin, « “Wherever I can work, I’ve got to go”: negotiating mobilities in the context of volatility in the Canadian construction industry », Labour & Industry, 30, no 4 (2020), 358–377.

11. Cette insécurité économique a d’ailleurs fait l’objet d’une commission d’enquête publique à la fin des années 1980. Québec, Rapport de la Commission sur la stabilisation du revenu et de l’emploi des travailleurs de l’industrie de la construction (Québec 1990). Voir aussi, pour le Canada : Canada, Conseil économique du Canada, Pour une croissance plus stable de la construction (Ottawa 1974).

12. À titre indicatif, selon un sondage commandé en 1974, l’insécurité d’emploi dans la construction revêt alors plus d’importance pour deux fois plus de travailleurs sondés que les rivalités intersyndicales. À la question « À votre avis, lequel des problèmes suivants vous apparaît le plus important à régler pour les travailleurs de la construction? », 41,7 p. 100 des travailleurs sondés ont répondu « la sécurité d’emploi » et 18,8 p. 100, « les rivalités intersyndicales ». Voir Québec, Rapport de la Commission d’enquête sur l’exercice de la liberté syndicale dans l’industrie de la construction (Québec 1975), 239–240.

13. Gérard Hébert, « La négociation sectorielle par décision de l’État : le cas de la construction au Québec », Relations industrielles, 26, no 1 (1971), 84–120. Il est utile de préciser que les débrayages et autres affrontements découlant de ces conflits sont souvent absents des statistiques officielles puisque nécessairement illégaux compte tenu des lois québécoises du travail en vertu desquelles la légalité d’une grève (ou d’un lock-out) n’est reconnue qu’au moment de la négociation ou renégociation d’une convention collective ou d’une entente équivalente. Voir, à ce sujet, Pierre Verge, Gilles Trudeau et Guylaine Vallée, Le droit du travail par ses sources (Montréal : Thémis, 2006), 145–154.

14. Gérard Dion, Dictionnaire canadien des relations du travail, 2e édition (Sainte-Foy : Les Presses de l’Université Laval, 1986), 109. Voir, également sur la question, Gérard Dion, « Les conflits de juridiction » dans H. Carl Goldenberg et John Crispo, dir., Les relations du travail dans l’industrie de la construction (Ottawa : Association canadienne de la construction, 1968), 379–427.

15. Hébert, « La négociation sectorielle », 94.

16. Loi relative à l’extension juridique des conventions collectives de travail (1934), 24 Geo. V, c. 56 (aujourd’hui : Loi sur les décrets de convention collective, R.L.R.Q., c. D-2). Voir Hébert, « La négociation sectorielle », 86–89. En 1968, on retrouve ainsi une quinzaine de décrets régionaux généraux (couvrant plusieurs métiers) et seulement quatre décrets provinciaux associés à des métiers et occupations spécifiques (monteur de lignes, mécanicien d’ascenseur, monteur-assembleur).

17. Paul-André Linteau, René Durocher, Jean-Claude Robert et François Ricard, Histoire du Québec contemporain, tome ii : Le Québec depuis 1930 (Montréal : Boréal, 1989), 421–426.

18. Conseil provincial du Québec des métiers de la construction – Fédération des travailleurs du Québec. Cette association regroupe les sections locales québécoises d’« unions » internationales de métier établies depuis les années 1880. Voir Jacques Rouillard, « Les syndicats internationaux dans l’industrie de la construction au Québec (1887–1930) », Labour/Le Travail, 80 (2017), 121. À la suite d’une scission survenue en 1980, cette association est à l’origine du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction – International (cpqmc-i) et de la ftq-Construction. Entre 1998 et 2005, ces deux organisations se sont réunies pour former une association nommée « Conseil conjoint de la ftq-Construction et du cpqmc-I ». Voir Louis Delagrave et Jean-Luc Pilon, Histoire des relations du travail dans la construction au Québec (Québec : Les Presses de l’Université Laval, 2009), 101–104; 178–179.

19. Confédération des travailleurs catholiques du Canada (de 1921 à 1960) et Confédération des syndicats nationaux (de 1960 à aujourd’hui). En 1972 et en 1975, la Centrale des syndicats démocratiques (csd) et le Syndicat de la construction de la Côte-Nord (sccn, aujourd’hui Syndicat québécois de la construction) sont le produit de scissions internes à la csn. Voir Delagrave et Pilon, Histoire des relations du travail, 58–60; 82.

20. De la fin du xixe siècle au début des années 1960, les « unions » internationales sont principalement actives dans la région métropolitaine de Montréal alors que le syndicalisme catholique s’implante surtout en milieu rural et dans les agglomérations urbaines de moindre ampleur (dont Québec et Trois-Rivières). Cet état de fait s’explique par la logique organisationnelle et la base de recrutement de ces syndicats (métier/confessionnalité ou secteur) ainsi que par des considérations culturelles et linguistiques. Voir Gérard Hébert, « L’extension juridique et les métiers de la construction au Québec », Relations industrielles, 18, no 3 (1963), 299–317; Jacques Rouillard, Les syndicats nationaux au Québec de 1900 à 1930 (Sainte-Foy : Les Presses de l’Université Laval, 1979), 235.

21. 21. L.Q. 1968, c. 45. Aujourd’hui, Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction (R.L.R.Q., c. R-20).

22. Jacques Rouillard, Le syndicalisme québécois. Deux siècles d’histoire (Montréal : Boréal, 2004), 291–295.

23. Delagrave et Pilon, Histoire des relations du travail, 210.

24. Gérard Hébert, « Le syndicalisme dans l’industrie de la construction », Mémoires de la Société royale du Canada, 4e série, tome xvii (1979), 64.

25. La Presse (Montréal), 13 avril 1962; Le Nouvelliste (Trois-Rivières), 13 avril 1962.

26. Le Soleil (Québec), 18, 19 et 24 avril 1967.

27. Réal Mireault, « Témoignage sur l’évolution du régime des relations du travail dans le secteur de la construction » dans Rodrigue Blouin, dir., Vingt-cinq ans de pratique en relations industrielles au Québec (Cowansville : Les éditions Yvon Blais, 1990), 606.

28. La Presse (Montréal), 21 et 24 juillet 1968; Le Soleil (Québec), 15 août 1968.

29. S.R.Q. 1964, c. 141.

30. Voir note 11. Sur le régime d’extension juridique des conventions collectives, voir Jacques Rouillard, « Genèse et mutation de la Loi sur les décrets de convention collective au Québec (1943–2010) », Labour/Le Travail, 68 (2011), 9–34. Voir également Michel Coutu, Laurence Léa Fontaine, Georges Marceau et Urwana Coiquaud, « L’extension des conventions collectives » dans Droit des rapports collectifs du travail au Québec – Les régimes particuliers, 2e édition, vol. 2 (Cowansville : Yvon Blais, 2014), 107–168.

31. 49 Stat. 445 (1935), 29 U.S.C. §§ 151–169 (2000). Pierre Verge, Gilles Trudeau et Guylaine Vallée, Le droit du travail par ses sources (Montréal : Thémis, 2006), 39–41.

32. Délaissant, par le fait même, le principe de la représentation monopolistique des salariés par le syndicat majoritaire et accrédité, troisième élément essentiel des régimes généraux de rapports collectifs.

33. Fernand Morin, « La Loi des relations du travail dans l’industrie de la construction », Les Cahiers de droit, 10, no 1 (1969), 353–362; Delagrave et Pilon, Histoire des relations du travail.

34. Mireault, « Témoignage », 610.

35. « Décret 1975 du 23 avril 1970 », Gazette officielle du Québec (goq), 102, no 18 (2 mai 1970), 2568–2572.

36. Claudine Leclerc et Jean Sexton, La sécurité d’emploi dans l’industrie de la construction au Québec : un rêve impossible? (Sainte-Foy : Les Presses de l’Université Laval, 1983), 36–44.

37. « Décret 4119 du 4 novembre 1970 », goq, 102, no 45 (7 novembre 1970), 6481–6486; « Décret 2711 du 28 novembre 1971 », goq, 193, no 32 (7 août 1971), 6289–6292; « Décret 3297 du 31 octobre 1972 », goq, 104, no 45 (11 novembre 1972), 9886–9893; « Décret 3282-77 du 28 septembre 1977 », goq, 109, no 43 (26 octobre 1977), 5581–5600.

38. Le Nouvelliste (Trois-Rivières), 10 avril 1969 et 29 juillet 1970; La Presse (Montréal), 24 novembre 1970.

39. Le Devoir (Montréal), 26 février 1971.

40. Le Soleil (Québec), 3 avril 1971.

41. Le Soleil (Québec), 3 avril 1971.

42. Québec, Rapport de la Commission d’enquête sur l’exercice de la liberté syndicale dans l’industrie de la construction (Québec 1975), 239 et 242–245.

43. Décret 3282-77 du 28 septembre 1977. Voir note 37.

44. Leclerc et Sexton, La sécurité d’emploi, 81.

45. Règlement sur le placement des salariés dans l’industrie de la construction, c. R-20, r. 10.1, reproduit dans Carol Jobin, Les relations du travail dans l’industrie de la construction (Montréal : Wilson & Lafleur, 1988), 448–450 (annexe 15).

46. c. R-20, r. 6.1.

47. Loi modifiant la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction et modifiant d’autres dispositions législatives, L.Q. 1993, c. 61, article 73 (projet de loi no142).

48. Voir François Delorme, La Loi 46 et les relations du travail dans l’industrie de la construction (Québec : Ministère de l’Emploi, 1995), 23–24; Loi modifiant la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction et modifiant d’autres dispositions législatives, L.Q. 1995, c. 8, articles 33 et 45 (projet de loi no 46). Voir également R.L.R.Q., c. R-20, article 61, al. 3.

49. Convention collective intervenue entre l’Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec et la coalition syndicale formée de la csd-Construction, du cpqmc-International et de la ftq-Construction, secteur génie civil et voirie, 2001–2004, article 15.12.

50. csn, Communiqué de presse du 6 novembre 2002, https://www.csn.qc.ca/actualites/novembre-2002-construction-la-csn-plaide-en-faveur-de-lemploi-regional-aupres-du-premier-ministre-landry/.

51. Radio Canada (Est du Québec), 9 janvier et 8 février 2006. Dans au moins un de ces cas, on trouve à la fois des conflits de mobilité et d’allégeance syndicale. Voir Bibliothèque de l’Assemblée nationale du Québec, Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction, Rapport d’enquête transmis à Monsieur Michel Després, ministre du Travail, 3 mars 2005. Enfin, dans d’autres cas, les conflits semblent porter davantage sur l’allégeance syndicale des travailleurs, comme dans le cas du chantier de la phase 2 de l’aluminerie Alouette à Sept Iles en 2003 (bien que les plaignants proviennent, dans ce cas aussi, de l’extérieur de la région de travail). Voir Le Soleil (Québec), 5 septembre 2003.

52. Voir Bibliothèque de l’Assemblée nationale du Québec, Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction, Transcription des audiences, 25 février 2014, 249.

53. Le Nord-Côtier (Sept-Îles), 28 juin 2013.

54. Journal de Québec, 26 juin 2015; Le Soleil (Québec), 27 juin 2015.

55. Radio Canada, 15 janvier 2014.

56. tva Nouvelles, 20 novembre 2011.

57. Cette commission est intégrée, depuis le 1er janvier 2016, au Tribunal administratif du travail (tat).

58. Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (ftq-Construction) et Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec, 2016 qctat 3691, paragraphe 97 (Canlii), https://canlii.ca/t/gs6jw.

59. Coutu, Fontaine, Marceau, Coiquaud et Bourgault, Droit des rapports collectifs du travail au Québec, 178.

60. R. c. Advance Cutting & Coring Ltd., 2001 csc 70, paragraphes 117–118 (Canlii), [2001] 3 rcs 209, https://canlii.ca/t/51wt.

61. Nous avons d’ailleurs nous-mêmes mis en évidence le fait que la coexistence de deux traditions syndicales dans la construction depuis les années 1920 constitue un facteur déterminant dans l’adoption du régime : Pier-Luc Bilodeau, « Dynamiques sectorielles et relations du travail : le cas de l’industrie québécoise de la construction », Interventions économiques/Papers in Political Economy, 44 (2021), https://interventionseconomiques.revues.org/1503.

62. Les velléités monopolistiques du cpqmc-ftq (1968–1981) et de ses incarnations ultérieures (la ftq-Construction de 1981 à 1998, et le conseil conjoint de 1998 à 2005) ont d’ailleurs été mises en évidence par deux commissions d’enquête. Voir Québec, Rapport de la Commission d’enquête sur l’exercice de la liberté syndicale dans l’industrie de la construction (Québec 1975), 25 et 180; Québec, Rapport de la Commission d’enquête sur les dépassements de coûts et de délais du chantier de la Société Papiers Gaspésia de Chandler (Québec 2005), 210.

63. John Kelly, Rethinking Industrial Relations: Mobilization, Collectivism and Long Waves (London : Routledge, 1998), 29–31.

64. Commission de la construction du Québec, Statistiques sur la représentativité syndicale avant et après le scrutin 2016 (Montréal : ccq, 2016), 8.

65. Tel que le montrent les constats et recommandations de la commission Gaspésia : Québec, Rapport de la Commission d’enquête sur les dépassements de coûts et de délais du chantier de la Société Papiers Gaspésia de Chandler (Québec 2005), 207–224.

66. rlrq, c. R-20, art. 101, 113.1 et 113.2; art. 26.

67. Delagrave et Pilon, Histoire des relations du travail, 210.

68. Mireault, « Témoignage », 610. Depuis son adoption, en 1968, le régime de relations du travail de l’industrie québécoise de la construction a fait l’objet d’une cinquantaine d’interventions législatives, et l’impératif d’y préserver la paix industrielle a été souligné par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Advance Cutting & Coring Ltd (voir note 60).

69. Le contenu du présent article provient en partie d’un rapport d’expertise soumis par l’auteur dans le cadre de cette affaire.

70. Association de la construction du Québec (acq) et Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (ftq-Construction), 2019 qctat 3625, paragraphe 326 (Canlii), https://canlii.ca/t/j1x43.

71. Québec (Procureure générale) c. Tribunal administratif du travail, 2021 qccs (procès-verbal d’audience, dossier no 500-17-109410-194).


How to cite:

Pier-Luc Bilodeau, “Conflits et droit du travail : la mobilité provinciale des travailleurs de la construction au Québec,” Labour/Le Travail 89 (Spring 2022): 215–234. https://doi.org/10.52975/llt.2022v89.008