Labour / Le Travail
Issue 90 (2022)
Reviews / Comptes rendus
Réseau de recherche MAGE (dir.), Le genre au travail. Recherches féministes et luttes de femmes (Paris : Éditions Syllepse, 2021)
Ce groupe de recherche renvoie au marché du travail (ma) et au genre (ge). Il est aussi associé à des organisations militantes et syndicales, ce qui donne la couleur de l’ouvrage. La quarantaine de contributions, généralement très courtes, relèvent de trois types : des enquêtes terrain, des rapports de recherche, ou encore des entrevues individuelles voire collectives. Les thèmes renvoient aux inégalités qui accablent nombre de femmes sur le marché du travail et qui perdurent ou se renouvellent à l’intérieur du salariat féminin. La deuxième partie a trait aux nouveaux enjeux qui concernent les femmes et des nouveaux risques pour l’égalité hommes/femmes. Sauf deux exceptions isolées (Italie et Tunisie), les contributions concernent la France et se distribuent sur plus de quarante ans. La lectrice a particulièrement apprécié quelques articles. Notamment sur les inégalités dans les soins de santé, secteur dans lequel les femmes sont majoritaires et s’épuisent au travail, ce qui renvoie à la situation au Québec. De même qu’un article sur le rôle des réseaux sociaux dans les mobilisations féministes, notamment à l’intérieur d’organisations syndicales. De même qu’un article sur les nouveaux enjeux dans les métiers du numérique, particulièrement en matière de temps de travail qualitatif et quantitatif. Des articles sur la mixité dans les emplois demandant un effort physique, de même que sur les mouvements de femmes dans les quartiers populaires, relèvent de démarches ethnographiques et retiennent l’attention. Un article sur les gilets jaunes à Saint-Nazaire, mouvement habituellement associé è la masculinité, propose une entrevue collective de trois femmes, qui revendiquent le titre et rapportent à quel point elles ont appris par leur participation au mouvement, notamment en prenant le droit à la parole. La jaquette de l’ouvrage renvoie d’ailleurs aux gilets jaunes au féminin, lesquelles portent des gants jaunes.
Toutefois, la lectrice canadienne ou québécoise a intérêt à être familière du cadre juridique des relations du travail en France et du caractère individuel de la syndicalisation et, idéalement, posséder un minimum de connaissances historiques. Quelques contributeurs mentionnent des luttes de femmes aux États-Unis ou au Royaume-Uni. Fait étonnant, le Québec et le Canada français sont absents des textes ou même des références (une référence sur dix pages, qui renvoie aux éditions du Remue-ménage), alors que le Québec et la France ont des réseaux de proximité dans les recherches féministes depuis des lunes. On découvre beaucoup de relations entre le Québec et la France en termes de mobilisations féministes, particulièrement dans les syndicats. Et on s’étonnera aussi que les emplois très féminisés (par exemple les infirmières) sont encore dans cet ouvrage féministe désignés au masculin et au féminin (infirmiers/infirmières), contrairement aux pratiques québécoises qui insistent sur la féminisation des professions majoritairement féminines par une écriture inclusive.
Mona-Josée Gagnon
Université de Montréal
DOI: https://doi.org/10.52975/llt.2022v90.0019.
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